_: | Scénarios syriens : processus de paix , changements internes et relations avec le Liban Volker Perthes Volker Perthes est maître de recherche au Research Institute for International Affairs , Stiftung Wissenschaft und Politik ( Ebenhausen ) . Cet article a été traduit par May Chartouni-Dubarry . Il a fallu beaucoup de temps et de longs débats internes à la Syrie avant d' accepter l' idée que le processus de négociations bilatérales et multilatérales , lancé lors de la conférence de Madrid en 1991 , pouvait à terme déboucher sur une paix réelle avec Israël . En effet , une large partie de l' élite politique comme intellectuelle redoutait les conséquences de la paix et de la " normalisation " sur la position régionale de la Syrie , sa stabilité interne et sa situation économique . Damas est demeurée pendant un long moment sceptique quant à la volonté réelle d' Israël de parvenir à un accord équitable et satisfaisant pour les deux parties . Ce n' est qu' en 1995 que les responsables syriens ont commencé à croire qu' une base commune pouvait être trouvée avec le gouvernement travailliste . Et de fait , les négociations tenues à Maryland de décembre 1995 à janvier 1996 ont été beaucoup plus sérieuses et poussées que tous les " rounds " précédents . C' est à ce moment -là , semble , que les Syriens ont pris la décision de s' engager pleinement dans le processus de paix . Mais les choses allaient se dérouler autrement que prévu . La victoire de Benyamin Netanyahou aux élections de 1996 a pris les responsables syriens par surprise ; ils ne l' avaient évidemment ni souhaitée , ni intégrée dans leur stratégie de négociation comme une éventualité plausible . Mais rien ne pourra les contraindre aujourd'hui à renégocier avec le gouvernement du Likoud ce qui avait été déjà négocié avec ses prédécesseurs ou de revenir sur les bases de l' accord tel qu' il semblait se préciser avec les travaillistes , autrement dit un retrait israélien " total " du Golan en échange d' une paix " totale " . Par conséquent , le scénario le plus probable , aussi longtemps que le Likoud demeurera au pouvoir , est la prolongation de la situation de " ni paix , ni guerre " entre la Syrie et Israël , autrement dit la poursuite de la guerre d' usure au Liban-sud avec toujours les risques d' escalade généralisée et d' une confrontation directe entre les forces israéliennes et syriennes . À court et moyen termes , le scénario le plus improbable reste celui d' une reprise des négociations menant à terme à un accord de paix syro-israélien , en raison soit d' un changement de l' équipe au pouvoir en Israël , soit d' un revirement de stratégie de la part du gouvernement actuel . Cette étude tente , pour chacun de ces deux cas de figure , d' analyser les implications qui pourraient en résulter sur la situation interne de la Syrie , sa position et sa stratégie régionales , en mettant plus particulièrement l' accent sur les relations avec le Liban . La " question de la succession " du pouvoir syrien actuel sera également abordée . Enfin , quelques suggestions seront faites concernant plus spécifiquement la politique européenne vis-à-vis de Syrie , du volet syro-israélien des négociations et du " couple " syro-libanais . Le lecteur devra garder à l' esprit les limites inhérentes à ce genre d' exercice . Les scénarios développés ici et leur probabilité de réalisation se fondent certes sur des informations et une analyse objectives . Il n' en demeure pas moins que les sociologues et politologues ne sont pas pourvus de dons de voyance qui rendraient leurs prévisions infaillibles . " Ni guerre , ni paix " En supposant que le gouvernement de Benyamin Netanyahou se maintienne au pouvoir en Israël , il est probable que l' impasse actuelle du processus de paix persiste surtout au niveau de son volet syrien . Cela d' autant plus que la prolongation de cette situation instable de " ni guerre , ni paix " - qui prévaut d' ailleurs entre Israël et la Syrie depuis 1974 - est perçue par beaucoup , notamment parmi les responsables de la politique moyen-orientale à Washington , comme étant la plus favorable . Pour la ligne " dure " israélienne , un traité de paix avec la Syrie n' a jamais été considéré comme valant la perte du Golan ; les dirigeants syriens sont à cet égard honnêtes quand ils affirment que , pour eux , le temps ne presse pas . Si les deux parties peuvent s' accommoder du statu quo actuel , elles ont un égal intérêt à éviter la guerre ouverte et réussiront en toute probabilité - comme l' expérience passée tend à le démontrer - à le faire . L' environnement régional et international L' intransigeance israélienne et l' impasse du processus de paix ont contribué jusque -là à renforcer la position de la Syrie vis-à-vis de ses alliés dans la région . Dans le court et moyen termes au moins , les alliés arabes de la Syrie , autrement dit ses partenaires de la déclaration de Damas ( l' Égypte et les États du Conseil de coopération du Golfe ) , continueront à lui apporter leur concours politique et financier . Damas pourra également compter sur le soutien moral et politique de la de la Ligue arabe , dont l' expression la plus forte a été la décision prise en 1996 de lier le processus de normalisation avec Israël aux progrès accomplis au niveau des deux volets syro-israélien et israélo-palestinien . La reconnaissance de ce lien entre la " normalisation " régionale et les négociations bilatérales avec l' État hébreu conjure pour la Syrie le spectre de l' isolement dans le cadre d' un " Nouveau Moyen-Orient " façonné par Israël , la Jordanie , certains États arabes du Golfe et du Maghreb auquel se joindrait peut-être la Turquie . Ce lien vient également rappeler aux Israéliens que Damas ( autant que Gaza ) demeure le passage obligé vers l' établissement de relations économiques et commerciales avec le monde arabe . Quant aux relations syro-iraniennes , elles ne sont pas tributaires de l' attitude de la Syrie vis-à-vis d' Israël mais sont fondées plus largement sur des intérêts communs . Il n' en demeure pas moins que le gel actuel des relations entre la Syrie et Israël supprime un facteur de tension potentiel entre les deux alliés . Le timide rapprochement esquissé avec l' Irak répond en large partie aux craintes que suscite le renforcement de l' alliance stratégique entre Israël et la Turquie . Il ne faut cependant pas s' attendre à voir se former une contre-alliance syro-irakienne . La méfiance réciproque reste forte entre Damas et Bagdad , et il est probable que les responsables syriens limiteront leurs relations avec le régime irakien en fonction de ce que leurs alliés arabes du Golfe jugeront acceptable . Sur le plan international , les relations de la Syrie ne seront pas affectées outre mesure par l' impasse actuelle et cela tant que Damas continuera à faire la preuve de son engagement en faveur de la paix . L' Administration américaine , qui n' est pas sans ignorer que la collaboration de la Syrie est essentielle pour relancer le processus , ne cédera probablement pas aux pressions du Congrès en faveur d' un durcissement de la politique américaine à l' égard de Damas . Pour l' Union européenne , un accord syro-israélien reste la clef de la paix et de la stabilité au Moyen-Orient et en Méditerranée . Conscients que leur contribution au volet syro-israélien des négociations est limitée , l' UE , et certains États européens individuellement , continueront à favoriser une plus grande participation de la Syrie et d' Israël dans le cadre des projets de coopération euro-méditerranéenne , et notamment la négociation d' un accord d' association entre l' UE et la Syrie . Damas considère cette initiative européenne comme un moyen d' intégrer la mondialisation économique via l' Europe plutôt que par le biais d' un " Nouveau Moyen-Orient " dominé par Israël . La Syrie acceptera l' assistance européenne pour accompagner le processus de réformes mais ne tolérera pas qu' on en lui dicte le rythme - que ce soit l' Europe plutôt que la Banque mondiale n' y changera rien . En outre , tant que le volet syro-israélien demeurera bloqué , il est peu probable que la Syrie soit soumise à des pressions américaines , européennes ou arabes pour desserrer son emprise sur le Liban . Le Liban Selon la vision " realpoliticienne " de Damas , la configuration des rapports de force au Machrek reste essentiellement dominée par la compétition entre les deux principales puissances régionales : Israël et la Syrie . Dans cette perspective , les acteurs arabes " secondaires " - la Jordanie , les Palestiniens et le Liban - devraient dans leur intérêt propre accepter de se placer sous la houlette syrienne . Toute forme de relations que l' une de ses parties engagerait avec l' État hébreu , stratégique ou économique , sans coordination préalable avec Damas , contribuerait à affaiblir le camp arabe . Depuis que l' OLP et la Jordanie ont choisi de faire cavalier seul , la carte libanaise est devenue encore plus vitale pour Damas qui veille jalousement à travers son emprise sur tous les aspects de la politique libanaise à prévenir toute tentative de dissocier les deux volets syrien et libanais , à l' instar de l' option israélienne du " Le Liban d' abord " et de ses différentes variantes . La Syrie dispose des moyens nécessaires pour empêcher le Liban de s' engager dans une négociation séparée avec Israël et mettra toute l' énergie nécessaire afin que le règlement du problème libanais soit partie d' un accord global syro-israélien . En l' absence de progrès dans les négociations entre Damas et Tel-Aviv , la stratégie syrienne consistera à maintenir une pression constante , quoique limitée , sur Israël , à travers son soutien conditionnel au Hezbollah et autres groupes de résistance , mais toujours en évitant d' exposer les forces armées ou le territoire syriens . Il existe deux éventualités , quoique peu probables , qui pourraient bouleverser cette situation . La première est celle d' un retrait unilatéral des forces israéliennes du Liban - en application de la résolution 425 du Conseil de sécurité des Nations unies - avec menace de représailles massives en cas d' attaques en territoire israélien . L' autre possibilité serait une escalade de la violence entre les forces israéliennes et le Hezbollah qui pourrait amener Israël à lancer une attaque de large envergure contre le Liban et contre des cibles syriennes . Dans ces deux cas de figure , la Syrie se retrouverait dans une situation embarrassante . Elle pourrait difficilement dénoncer un retrait israélien du Liban-sud mais , dans le même temps , elle deviendrait de facto responsable de la sécurité de la frontière nord d' Israël sans avoir en contrepartie gagné l' engagement d' un retrait israélien du Golan . Damas pourrait être tentée de faire avorter une telle manoeuvre israélienne en encourageant le Hezbollah à intensifier ses activités . Une initiative de ce type serait néanmoins pleine de risques , dans la mesure où Damas serait condamnée par la communauté internationale pour avoir fait échouer une démarche de paix . Sans oublier qu' une intensification des activités du Hezbollah finirait par provoquer une escalade généralisée avec cette fois des raids israéliens contre des cibles syriennes . Damas pourrait difficilement s' abstenir de riposter au cas où ses troupes seraient attaquées , mais elle n' est pas sans ignorer les lourdes pertes que cela lui coûterait . En réalité , il est peu probable que le gouvernement Netanyahou veuille appliquer la résolution 425 en se retirant unilatéralement et sans conditions du Liban-sud . Sa proposition " Le Liban d' abord " visait à parvenir à un règlement sur le front libanais assorti de garanties syriennes . Dans le même temps , Damas a tout intérêt à éviter une escalade incontrôlable au Liban-sud et considère que le Comité de surveillance du cessez-le-feu remplit parfaitement cette mission en contenant le conflit dans ses limites propres . Une guerre ouverte conduirait à une défaite syrienne . Israël réussira sans aucun doute à bouter la Syrie hors du Liban , mais elle devra dans le même temps renoncer à son projet de normalisation de ses relations avec l' ensemble du monde arabe pour une décennie , ou plus encore , et prendre le risque de s' exposer à des attaques à l' intérieur même de son territoire et peut-être aussi à une guerre d' usure sur les deux fronts , libanais et syrien . Par conséquent , les deux parties israélienne et syrienne n' ont aucun intérêt à laisser se développer un tel scénario . Sur le plan de la situation interne au Liban , l' impasse actuelle du processus ne peut que renforcer la détermination de la Syrie à maintenir la forme de stabilité très spécifique qu' elle a contribuée à asseoir dans ce pays . Cela se traduit par un soutien actif au gouvernement libanais dans ses efforts pour développer son appareil de sécurité et pour imposer d' une main de fer l' ordre public et la sécurité interne dans les régions sous son contrôle effectif ; cela exclut la zone de sécurité occupée par Israël et certaines zones de combat périphériques . Mais le type même de stabilité que Damas cherche à promouvoir au Liban y limite singulièrement les perspectives de changements politiques . Le régime syrien préfère collaborer avec le même groupe de personnes sur le long terme ; il n' a aucun intérêt à encourager une alternance au niveau du pouvoir libanais et veillera à maintenir l' équilibre actuel entre les principaux piliers de la coalition gouvernementale . Les élections législatives de 1996 ont illustré clairement cette stratégie de maintien du système en place . Il y a certes eu de " vraies " élections dans la mesure où il existait une large marge de compétition et de choix possibles . Néanmoins , l' influence syrienne a joué un rôle décisif , et parfois ouvertement , dans la finalisation des listes électorales dans les zones sensibles de manière à y garantir une place pour toutes les forces proches du régime issu de Taëf , tout en maintenant un savant équilibre entre les différents candidats . De la même manière , un deuxième renouvellement du mandat du président Hraoui n' est pas à exclure . Dans le même temps , Damas se gardera d' intervenir dans la définition de la politique économique et sociale au Liban , à la seule condition que la main-d'oeuvre et les produits syriens soient épargnés par les mesures de nature protectionniste que le gouvernement libanais jugera bon de prendre . La Syrie a tout intérêt à ce que le processus de reconstruction aboutisse en raison à la fois des opportunités de travail que ce marché pourrait offrir aux chômeurs en Syrie et , à plus long terme , de la contribution libanaise à la modernisation de l' économie syrienne . Bien que certains Syriens considèrent le Liban un peu comme le Hong-Kong de la Syrie , l' objectif de Damas n' est pas de réaliser une union politique avec ce pays et encore moins de l' annexer . L' une des raisons principales à cela et non des moindres est qu' une telle initiative contribuerait à bouleverser tant l' équilibre régional que la situation intérieure des deux pays - des risques que le régime syrien cherche à tout prix à éviter . Les implications internes Bien que la prolongation pour une période indéfinie de cette situation de " ni guerre , ni paix " convienne à la majeure partie de l' establishment syrien , elle n' augure rien de bon à moyen et long termes pour les perspectives de développement du pays . En effet , cette situation ne peut que favoriser l' immobilisme sur le plan interne à un moment où la Syrie devrait s' engager dans des réformes politiques et économiques vitales pour affronter les défis de la prochaine décennie et au-delà . Dans la prochaine décennie , l' économie syrienne devra chaque année gérer quelque 200 000 à 250 000 nouveaux arrivés sur le marché de l' emploi ( actuellement , celui -ci ne peut en absorber que la moitié ) ; cela dans un contexte de baisse des revenus pétroliers , d' un épuisement probable des réserves pétrolières , d' une sévère crise de la balance des paiements - à moins d' attirer les investisseurs étrangers et de renforcer la flexibilité et la compétitivité des industries de production syriennes - et enfin dans un contexte de risques d' une paupérisation accrue . Afin de faire face à l' ensemble de ces défis , la Syrie devra relancer et accélérer le train de réformes économiques timidement entreprises à la fin des années 80 et au début des années 90 mais qui a évité de s' attaquer aux enjeux les plus sensibles tels que la privatisation des banques , le développement du marché boursier , ainsi que la libéralisation des investissements commerciaux et industriels . La Syrie devra en outre développer ses ressources humaines - ses étudiants , ses technocrates , sa main-d'oeuvre en général , ainsi que ses élites intellectuelle , administrative et bureaucratique . Enfin , dans le but de créer un environnement propice aux investisseurs locaux et internationaux , la Syrie devra également se conformer aux règles d' un État de droit , avec un gouvernement responsable et un système juridique fiable . Toutefois , la prolongation du rapport de forces existant sur les plans interne et externe - l' absence de progrès dans les négociations et le maintien du pouvoir actuel - n' incitera pas le régime syrien à prendre les décisions nécessaires pour accélérer les réformes économiques et encore moins politiques . D' abord , la configuration politique interne n' est pas de nature à y encourager les forces en faveur d' un changement . La marge de manoeuvre de ceux qui militent pour des réformes en profondeur est limitée ; toute initiative dans ce sens menacerait les intérêts et les privilèges de larges secteurs de la base de soutien au régime . On ne peut non plus compter sur des soulèvements de nature politique ou sociale . La Syrie est pratiquement devenue un État dépourvu d' opposition ( sérieuse ) ; la situation économique connaît une amélioration certaine comparée aux années 80 et le régime sera probablement en mesure de prévenir toute crise d' envergure dans les prochaines années - en cas d' urgence , l' Arabie Saoudite et le Koweit restent toujours disposés à apporter leur aide . Le Président lui-même a gagné en popularité du fait de sa capacité à stabiliser le pays et à gérer au mieux le processus de paix comme les relations de la Syrie avec le reste des pays arabes . Deuxièmement , les décisions fondamentales de nature à provoquer l' opposition d' une grande partie de la bureaucratie ou d' autres piliers du régime ne peuvent être prises que par le sommet , c' est-à-dire par le Président lui-même . Cependant , pour Hafez al-Assad , la politique économique reste secondaire , à moins d' avoir une incidence ou un lien directs avec la sécurité de l' État ou du régime . Le président syrien est peut-être conscient du besoin impérieux de réformes dans son pays , mais il n' entreprendra rien qui puisse mécontenter la principale base de soutien à son régime tant que le processus de paix n' aura pas abouti . Le régime syrien est convaincu , semble , qu' aussi longtemps que l' éventualité d' une guerre contre Israël n' est pas totalement écartée , il serait très mal avisé de démanteler les fondements de l' économie étatiste , tel le secteur de l' industrie publique , et ce , quels que soient ses dysfonctionnements propres . Hormis quelques mesures de changement purement formelles , le régime se gardera bien d' engager le pays sur la voie de réformes d' ordre structurel susceptibles de provoquer un mouvement de mécontentement social ou de favoriser l' émergence de centres de pouvoir économiques autonomes - comme cela pourrait être le cas avec une privatisation massive ou avec l' établissement d' un secteur bancaire privé . Troisièmement , la nature et la structure du pouvoir en Syrie ne changeront pas tant que persistera la menace d' une confrontation militaire . Le pluralisme contrôlé permet à certains réformateurs à l' intérieur du régime et aux milieux d' affaires de faire entendre leur voix . Mais aucune véritable mesure de libéralisation politique - telle que l' autorisation de créer des partis politiques indépendants du Front national progressiste dirigé par le Ba'th , une compétition électorale entre ces partis ou une presse indépendante - ne sera envisagée ou tolérée tant que les conditions régionales exigeront de la Syrie qu' " elle serre les rangs " . Enfin , le président Assad ne modifiera pas la composition de l' équipe au pouvoir sans la perspective de résultats positifs concrets au niveau du processus de paix . Certains des fidèles du président Assad ont atteint l' âge de la retraite et sont sur le point d' être remplacés . Une nouvelle génération d' officiers de l' armée et des services de sécurité ont été formés pour prendre la relève . Les personnalités -clefs telles que Abdel-Halim Khaddam , Hikmat al-Shihabi , Mustafa Tlas et quelques autres conserveront néanmoins leurs fonctions ne serait -ce que pour aider le président syrien à gérer le processus de paix . Cela est d' autant plus probable que ce processus est aujourd'hui extrêmement précaire . Des personnalités plus jeunes , telles que l' ambassadeur de Syrie à Washington , continueront à mener l' essentiel des négociations mais le rôle de la vieille équipe au pouvoir formée de militaires d' expérience et de confiance , ainsi que de " gestionnaires " politiques , restera indispensable pour gérer les véritables défis : soit la finalisation et le succès des négociations , soit , dans le pire des cas , l' effondrement de celles -ci menant à la confrontation militaire . L' ensemble de ces facteurs vont dans le sens de la continuité ; ils contribuent également à rendre la Syrie fiable et permettent à ses partenaires comme à ses adversaires de calculer et de prévoir l' attitude de ses dirigeants . Cela est important pour une issue heureuse au processus de paix . Dans le même temps et paradoxalement , cet état de choses favorise l' immobilisme qui caractérise la vie politique en Syrie , la peur du changement , et augmente les risques de se retrouver loin derrière les autres acteurs régionaux qui ont d' ores et déjà commencé à se préparer pour intégrer la nouvelle division du travail au Moyen-Orient . Le scénario de la paix : en cas d' accord syro-israélien ... La Syrie a réitéré à maintes reprises et de façon explicite sa volonté de reprendre les négociations avec Israël . Des discussions sérieuses - et non pas le type de négociations purement formelles qui ont dominé la période allant de Madrid à la défaite du gouvernement Shamir - ne sauraient cependant être envisagées sans un changement de majorité en Israël ou , perspective plus improbable , sans un revirement dans la stratégie du gouvernement de Netanyahou vis-à-vis de Syrie et d' un éventuel retrait du Golan . Dans les deux cas , les négociations ne reprendront pas nécessairement " là où elles ont été suspendues " ( comme le réclame officiellement la Syrie ) , mais plus vraisemblablement sur la base d' un accord de principe selon lequel l' objectif du processus est de parvenir à une " paix totale " en échange d' un " retrait total " . À cet égard , la formule de Itzhak Rabin " la profondeur du retrait sera proportionnelle à la profondeur de la paix " est aujourd'hui perçue par des responsables au sein des services de sécurité en Syrie comme un principe rationnel et opérationnel . Si les deux parties en manifestaient une égale volonté politique , il ne faudrait pas plus d' un an , et peut-être moins encore , pour parvenir à un règlement . Celui -ci comprendra sans aucun doute des arrangements de sécurité , tels que les dispositions concernant la présence de forces internationales sur les hauteurs du Golan ; un calendrier fixant les étapes du retrait israélien ( militaires et colons compris ) ; le principe de la normalisation des relations ; et un compromis sur la définition des frontières qui permettra à la Syrie de récupérer la majeure partie des territoires à l' ouest de ladite " frontière internationale " de 1923 ( qui correspond à la frontière séparant les territoires sous mandat britannique et français ) , mais pas nécessairement jusqu'aux " lignes du 4 juin 1967 " . Parallèlement à la phase finale des négociations syro-israéliennes , les deux parties mettront au point les arrangements concernant spécifiquement le Liban . Ceux -ci , quoique négociés officiellement entre les deux délégations libanaise et israélienne , définiront les termes d' un accord de paix et d' un retrait israélien de la zone de sécurité au Liban-sud , les modalités du désarmement du Hezbollah et de la mise en oeuvre des garanties de sécurité à la frontière nord d' Israël . L' environnement régional et international Une percée significative dans les négociations de paix syro-israéliennes ouvrirait la voie à une normalisation entre l' État hébreu et le monde arabe dans son ensemble . L' impossibilité pour Israël d' établir des liens avec les États arabes plus périphériques tant qu' il n' a pas satisfait aux revendications territoriales de la Syrie constitue en fait l' un des atouts -clefs de Damas dans le cadre de négociations futures avec Tel-Aviv . Même en cas de paix , il ne faut pas escompter un développement significatif des relations économiques et sociales entre ces deux États qui , en tout état de cause , resteront tributaires de la lutte d' influence et de prééminence régionale qui continuera pendant un temps encore à les opposer . La Syrie mettra donc en garde les autres États arabes , et notamment les pays du CCG ( Conseil de coopération du Golfe ) , contre une normalisation trop hâtive avec Israël . Néanmoins , avec la restitution de ses territoires , Damas perdra l' un de ses principaux moyens de pression sur les États arabes du Golfe qui , sans pour autant lui retirer leur soutien , ne se sentiront plus redevables à la Syrie qui a toujours su monnayer sa position dans le conflit israélo-arabe . Au contraire , les États du CCG seront même en mesure d' exiger de la de la Syrie en contrepartie qu' elle soutienne sans ambiguïté leur politique et leurs intérêts dans la région . Plutôt que de continuer à lui apporter une aide financière , ils rechercheront les opportunités d' investissement , poussant ainsi la Syrie à créer un environnement économique plus favorable . Dans un contexte de paix , la Syrie demeurera un acteur central au Moyen-Orient comme au sein de Ligue arabe . N' étant plus soumise à la menace directe d' une guerre avec Israël , elle verra sa sécurité renforcée et son intégrité territoriale rétablie . Ses relations avec la Jordanie et l' OLP connaîtront une amélioration sensible dans la mesure où les sources de tension avec ces deux acteurs régionaux étaient causées par les divergences autour du processus de paix . Quant à ses liens avec l' Égypte et le CCG , tout porte à croire qu' ils demeureront solides . Washington honorera la signature d' un traité de paix syro-israélien en rayant la Syrie de la liste des pays " soutenant le terrorisme " , en lui apportant une aide économique limitée et en n' opposant plus son veto aux programmes de la Banque mondiale . L' Europe , enfin , effacera sans doute une grande partie de la dette syrienne . Dans le même temps , la Syrie verra son importance stratégique se réduire . Elle sera peut-être enfin considérée par l' Occident comme un pays ami mais perdra en contrepartie son statut d' acteur essentiel . Bruxelles , par exemple , continuera à insister sur le rôle de la Syrie en tant que partenaire à part entière dans le cadre du projet euro-méditerranéen , mais aucun traitement privilégié ne lui sera concédé au cas où elle refuserait de se conformer aux mêmes conditions que les autres pays arabes ( application graduelle du libre-échange , introduction d' un régime d' État de droit , etc. ) . On peut également supposer que les pressions politiques sur la Syrie se renforceront , notamment de la part des États-Unis , pour un retrait ou un redéploiement significatif de ses troupes au Liban une fois le Hezbollah désarmé . Le Liban Un accord de paix syro-israélien ne fera sans doute aucune référence explicite au Liban . Israël acceptera , selon toute vraisemblance , un maintien des troupes syriennes dans ce pays pour une période intérimaire , afin de s' assurer du désarmement effectif du Hezbollah et des autres groupes de résistance . Néanmoins , sur le moyen et long termes , la Syrie sera forcée d' adopter un profil plus bas au Liban , non pas tant suite à des pressions israéliennes ou occidentales - qui irriteront certes Damas mais auxquelles elle saura résister - que pour des raisons inhérentes aux évolutions internes propres à la Syrie et au Liban . L' impératif purement stratégique pour Damas de maintenir des positions militaires avancées au pays du Cèdre faiblira une fois que les troupes israéliennes auront évacué le Liban-sud . Sans la supprimer complètement , un accord de paix réduira de façon significative la menace d' une attaque sur la Syrie à partir du territoire libanais et particulièrement de la Békaa . En outre , un retrait israélien et le désarmement du Hezbollah contribueront à renforcer la stabilité interne au Liban . Il y aura donc d' autant moins de raisons pour les troupes syriennes de remplir le rôle de forces de police . Le régime syrien est également conscient du fait que l' opposition à la tutelle syrienne ira croissant une fois le Liban débarrassé de l' occupation israélienne . Il procédera sans doute à une révision " rationnelle " de sa politique libanaise . Par la suite , le degré d' interférence de la Syrie dans les affaires intérieures de son petit voisin dépendra , en large partie , de la capacité des hommes politiques libanais à rompre avec cette tradition historique consistant à entraîner de façon active les acteurs extérieurs dans leurs conflits internes . S' ils réussissaient à se prendre en main et à résoudre les problèmes politiques et sociaux de leur pays sans " assistance " étrangère , on pourrait s' attendre à ce que le redéploiement , sans cesse reporté , des troupes syriennes ait enfin lieu dans un contexte de " réduction graduelle " de la domination politique de Damas sur le Liban . La réduction graduelle signifie que la Syrie veillera à maintenir une certaine influence sur les affaires politiques et de sécurité de ce pays , principalement en plaçant des hommes de confiance aux postes les plus sensibles au sein de l' armée libanaise et du Deuxième Bureau , en soutenant des forces politiques ayant fait la preuve de leur loyauté envers Damas et enfin en opposant son veto à l' " ascension " politique de personnes connues pour lui être ouvertement hostiles et qui brigueraient des postes gouvernementaux haut placés . De plus , la série d' accords conclus entre les deux États et qui couvrent tous les domaines de la coopération ( tels que la sécurité , le commerce , le travail , l' agriculture , la santé et le partage des eaux de l' Oronte ) garantira la pérennité des intérêts de la Syrie au Liban et préservera le caractère privilégié de ses relations avec ce pays même avec la fin de son système de tutelle actuel . Néanmoins , une réduction plus hâtive et même désordonnée de la présence et de l' influence syriennes n' est pas à exclure au cas où se produirait un changement de régime brutal à Damas . Paix et stabilité interne Contrairement aux affirmations de certains observateurs , le président Assad n' a plus besoin de maintenir le pays dans un état de guerre pour des raisons de légitimité interne . Son régime jouit d' une popularité plus grande aujourd'hui qu' il y a dix ou quinze ans . Sa gestion du processus de paix - en engageant son pays sur la voie de la paix régionale mais sans s' y précipiter tête baissée - semble recueillir l' assentiment des partisans du pouvoir comme de ses opposants . La perspective d' une paix avec Israël a dès le départ été présentée à l' opinion publique comme " la paix des braves " et surtout pas comme une mise au rabais des aspirations nationales du peuple syrien . La concrétisation de la paix entre les deux États conduira certainement à des évolutions significatives sur la scène politique syrienne . En tout premier lieu , le président Assad devra procéder à des changements de personnes au sein de son équipe . Cela ne soulèvera pas trop de difficultés dans la mesure où ses vieux fidèles seront d' ici là complètement exténués et probablement soulagés de prendre une retraite bien méritée . Le sentiment d' un grand nombre au sein de l' establishment syrien est que cette équipe aura fait son temps au moment où le Golan sera libéré . Le Président lui-même ne se retirera sans doute pas de la vie politique , mais s' appliquera à promouvoir à des postes de responsabilité des éléments plus jeunes , notamment parmi les officiers supérieurs travaillant en étroite coopération avec son fils et quelques technocrates " modernistes " ayant une expérience du secteur privé . Deuxièmement , une fois le traité de paix conclu ( et probablement avant qu' il ne soit ratifié par le Parlement ) , Hafez al-Assad cherchera à se rallier le soutien officiel des institutions plus traditionnelles du régime , à savoir le parti Ba'th et le Front national progressiste . Il est quasi certain qu' une conférence générale du Ba'th aura lieu , afin d' intégrer en son sein la jeune génération de dirigeants et avaliser l' accord de paix . Cela ne pourra se faire sans procéder à certains amendements dans les statuts et les principes du parti , très marqués par les références à l' éternel conflit avec l' entité sioniste , et ouvrira ainsi la voie à une libéralisation significative du système politique . Cela est d' autant plus probable que , jusque -là , les rigidités du système ont été justifiées par la permanence de l' état de guerre . La primauté de la confrontation avec Israël et l' impératif de serrer les rangs pour y faire face font partie des arguments légitimant le maintien de la loi d' urgence et la restriction des activités politiques au seul et unique Front national progressiste . Nombreux sont ceux qui , en Syrie , s' attendent à ce que la paix avec Israël conduise à l' instauration d' un régime plus ouvert , plus libéral et même démocratique . Ces attentes sont , nous semble -t-il , quelque peu exagérées . Aussi longtemps que le président Assad tiendra les rênes du pays , il n' y aura pas d' auto-dissolution du régime sur les ruines duquel s' élèverait une véritable démocratie . Plus vraisemblablement , quelques mesures seront prises dans le sens d' un renforcement du processus de pluralisme contrôlé lancé par le régime dans la première moitié des années 90 . Le modèle à suivre en l' occurrence sera probablement celui de l' Égypte - et non pas celui de la Turquie , comme le souhaiteraient certains libéraux en Syrie - , c' est-à-dire un régime aux structures encore fondamentalement autoritaires mais qui introduirait une certaine dose de pluralisme et quelques rudiments de base d' un État de droit , ce qui le rendrait plus " fréquentable " sur la scène internationale . Troisièmement , le régime entreprendra d' accélérer le train des réformes économiques . L' argument sécuritaire justifiant le maintien d' un secteur public pléthorique ne jouera plus avec la fin de l' état de guerre . Une privatisation sélective sera discutée et certains des dossiers clefs qui ne peuvent être tranchés que par le haut , comme l' établissement d' un marché financier , finiront par attirer l' attention du Président lui-même . De plus , un accord de paix syro-israélien , loin d' engendrer un " Nouveau Moyen-Orient " intégré , créera nécessairement de nouvelles formes de compétition entre les économies régionales . Dans la mesure où la paix renforcera la stabilité de la région , les investisseurs internationaux commenceront à songer sérieusement à y placer leurs capitaux , et les acteurs régionaux entreront en compétition pour attirer ces investisseurs potentiels . La Syrie , comme d' autres , devra déployer de véritables efforts pour moderniser et ouvrir son économie afin de créer un environnement plus attractif pour les milieux d' affaires . Ce sont les facteurs politiques internes qui détermineront la rapidité et l' efficacité avec lesquelles la Syrie répondra à ces pressions structurelles . Un changement qualitatif , quoique limité , au niveau du personnel compétent , lui permettra de relever ces défis . Il est significatif de constater qu' au sein de l' élite politico-intellectuelle syrienne , les partisans de la libéralisation économique comme ses opposants se rejoignent pour établir un lien très clair entre la " paix régionale " et " la réforme interne " . Toute initiative dans le sens du changement se heurtera à certaines résistances . Il y aura des divergences d' opinion au sein du parti Ba'th , de la machine bureaucratique et des syndicats . Au niveau de l' appareil de sécurité , il n' y aura vraisemblablement pas d' opposition significative . Les militaires auront leur mot à dire dans la phase finale des négociations et ils considéreront le traité de paix comme étant en grande partie le leur ; par ailleurs , nombreux sont ceux qui , au sein des services de sécurité , ont pris la mesure de l' urgente nécessité de réformer le système politique et l' économie en Syrie . Dans le même temps , Hafez al-Assad fera en sorte de protéger les intérêts corporatistes de l' appareil de sécurité . Dans ce contexte , il ne fait pas de doute que le président syrien réussira à passer outre aux oppositions émanant de la base de pouvoir traditionnelle du régime . Quant à l' État hébreu - et contrairement à ce que pensent certains Israéliens - , il lui sera plus facile , et probablement moins risqué , de faire la paix avec Hafez al-Assad que de tenter de négocier et de conclure un traité de paix avec ses successeurs . Le régime qui succédera à celui de Hafez al-Assad sera , quel qu' il soit , moins stable . Il devra en premier lieu faire la preuve de sa légitimité nationaliste à travers une surenchère dans la rhétorique populiste et ne sera de ce fait certainement pas disposé à faire davantage de concessions sur le dossier des négociations avec Israël . Les conditions syriennes pour la paix resteront donc grosso modo les mêmes . Le président Assad et la signature qu' il apposera au bas d' un traité de paix garantiraient - dans la mesure où il existe des " garanties " en politique internationale - ce que tout autre successeur serait incapable de faire : à savoir la pérennité d' un accord et son respect même en cas de changement de régime , ainsi que la bonne mise en oeuvre de toutes les dispositions concernant la normalisation et les arrangements de sécurité . Le facteur " Assad " : quelques mots sur l' enjeu de la succession ... Dans la mesure où le régime syrien est fortement personnalisé , un changement au sommet pourrait bien bouleverser l' équilibre interne et tout au moins ouvrir une ère nouvelle pour la Syrie en y modifiant l' ordre des priorités politiques . Le régime qui succédera à celui -ci sera , selon toute probabilité , plus libéral et donnera la priorité aux réformes politiques et sociales plutôt qu' aux questions de politique régionale . Le successeur de Hafez al-Assad sera moins expérimenté que l' homme qui a présidé aux destinées de la Syrie depuis 1970 . Il lui sera extrêmement difficile de maintenir le rôle que la Syrie a réussi à jouer pendant un quart de siècle au Moyen-Orient et cherchera de ce fait à " comprimer " sa politique régionale . La façon la plus aisée de s' y prendre est de limiter l' engagement politique et militaire au Liban - en cantonnant les forces syriennes dans une mission sécuritaire et en se désengageant de la vie politique interne du Liban - ou même d' y mettre un terme . La Syrie ne pourra plus en tout état de cause exercer le même droit de regard sur les affaires intérieures libanaises . Néanmoins , cela n' empêchera pas le développement des relations syro-libanaises , plus particulièrement dans le domaine de la coopération économique et technique . Ces prévisions se basent sur l' hypothèse selon laquelle l' arrivée au pouvoir du successeur de Hafez al-Assad ( à la suite du décès de ce dernier ou , moins vraisemblablement , de son renversement ou de sa propre démission ) se déroulera sans graves troubles internes ou régionaux . La pseudo-question de la succession en Syrie a été débattue pendant plus d' une décennie et demeure l' objet des spéculations les plus diverses . L' enjeu central du débat porte sur la manière dont la succession aura effectivement lieu . Deux scénarios s' affrontent . Le premier affirme que la mort du Président fera immanquablement basculer la Syrie dans l' anarchie , les conflits interconfessionnels et même dans une longue guerre civile avec les risques d' éclatement du pays en mini-États communautaires . Selon ce même scénario , l' installation d' une situation d' anarchie en Syrie conduirait vraisemblablement à un départ précipité et même désordonné des troupes syriennes du Liban . Selon que le pouvoir central réussisse ou non à conserver le contrôle de ses troupes , celles -ci soit seront acheminées pour reprendre en main la capitale ou d' autres parties du territoire syrien , soit refuseront de se soumettre et tenteront de s' emparer de toute parcelle d' autorité ou de territoire qui sera à leur portée . Même si la Syrie ne devait pas se désintégrer en de petites entités ou tomber dans un scénario à la libanaise et même si l' autorité du pouvoir central devrait être rétablie à l' issue de la guerre civile , l' État syrien serait de toute manière considérablement affaibli comparé à aujourd'hui , se rapprochant davantage de la Syrie des années 50 que de l' acteur -clef qu' il était devenu au Moyen-Orient sous Hafez al-Assad . Bien que l' on ne puisse pas écarter complètement le scénario de l' anarchie , il est loin d' être le plus réaliste , ou même le plus honnête intellectuellement . Il exprime , au moins en partie , une forme de " wishful thinking " de la part de ceux qui le défendent . Le scénario alternatif - que l' auteur considère comme le plus plausible - part de l' hypothèse selon laquelle l' État syrien sera tout à fait capable de faire face à la fois à la mort du Président et à un changement de régime . Ni les affrontements interconfessionnels , ni une situation d' anarchie , ni moins encore la guerre civile ne constituent des options sérieuses et cela pour de nombreuses raisons . La plus importante est que la légitimité de l' État n' est plus remise en cause aujourd'hui -comme c' était le cas dans les années 50 et 60 - et un sentiment d' appartenance nationale s' est développé dans l' ensemble du pays . Toutes les composantes ou presque de la société syrienne , la bourgeoisie et l' appareil de sécurité inclus , ont intérêt au maintien de l' État , de sa stabilité et , autant que possible , de son poids régional . La quasi-situation de guerre civile qui a prévalu de 1979 à 1982 constitue une expérience qu' aucun des plus importants acteurs sociétaux ne souhaiterait revivre . L' intérêt général à éviter toute forme de déstabilisation est tel que l' on ne saurait exclure , dans le cas d' une vacance du pouvoir présidentiel , que les institutions de l' État jouent pleinement leur rôle . Ainsi , dans le but de prévenir les risques de chaos , les responsables militaires et de la sécurité respecteraient les dispositions constitutionnelles réglant le problème de la succession , comme ce fut le cas en Égypte lorsque Anouar al-Sadate succéda à Gamal Abdel Nasser . À la différence des années 60 , il n' existe plus aujourd'hui un corps d' officiers hautement politisé dont l' objectif serait de bouleverser les structures socioéconomiques existantes . L' appareil sécuritaire s' est transformé en une force conservatrice , capable de préserver à la fois ses intérêts corporatistes et les structures sociétales actuelles . De plus , l' armée syrienne a démontré jusque -là un degré de cohésion interne certain . Au cas où les officiers de l' armée viendraient à douter de la capacité d' un régime civil post-Assad à remplir son rôle , ils auraient probablement recours à une prise de pouvoir militaire . De même , on ne saurait sous-estimer la capacité des différentes branches des services de sécurité à gérer une situation politiquement tendue que ne manquerait pas de provoquer une disparition soudaine du Président . En dépit de leurs divergences d' intérêt dans d' autres domaines , les principaux " barons " de la sécurité en Syrie voudront coûte que coûte conserver le contrôle de la rue et sauront parfaitement s' y prendre . Même parmi ceux qui estiment une transition relativement douce du pouvoir syrien actuel plus probable que le scénario du chaos , il existe des différences sur l' identité même du successeur de Hafez al-Assad : serait -ce , avec l' accord tacite ou explicite des forces de sécurité , un autre officier alaouite , peut-être même le fils du président , Bachar , ou alors un responsable politique ou militaire sunnite ? Toutes les réponses restent spéculatives . Et bien que la question de savoir qui sera aux commandes en Syrie soit d' une grande importance , l' avenir de ce pays - de son évolution interne comme de son poids régional - ne dépend ni de l' enjeu confessionnel ( si le prochain président est alaouite ou sunnite ) , ni de la nature et de la forme de la succession au pouvoir actuel , " dynastique " ( au cas où Bachar al-Assad succéderait à son père ) ou plus républicain . Il faudrait plutôt s' interroger sur la future élite politico-administrative qui sera en charge des affaires du pays . Pour gérer efficacement les défis internes et régionaux à moyen terme , la Syrie devra se doter de dirigeants politiques et administratifs ( à tous les échelons du pouvoir et pas seulement au sommet ) dont la vision du monde soit radicalement différente de celle de la classe politique actuelle . Cette nouvelle élite devra adopter une approche qualitativement différente de l' État , de l' économie et de la notion de sécurité nationale : elle devra penser en termes de citoyenneté plutôt qu' en termes de contrôle , en termes de compétence plutôt que de favoritisme et enfin en termes de sécurité mutuelle plutôt que d' équilibres à somme nulle . L' Europe et la Syrie : assister pour réformer L' Europe a un intérêt réel à établir une relation de partenariat solide avec la Syrie et à l' intégrer dans une architecture de sécurité euro-méditerranéenne . Le but de cette étude n' est pas de fournir une liste de prescriptions à l' intention des responsables européens . Seules quelques suggestions sont proposées sur les principes qui , selon l' auteur et à la lumière des scénarios décrits plus haut , devraient guider les politiques européennes vis-à-vis de Syrie . Le processus de paix syro-israélien L' UE et certains États européens pris individuellement ne pourront jouer qu' un rôle très limité dans le processus de négociations entre Israël et la Syrie . La Syrie , tout comme le Liban et les Palestiniens , fait peut-être davantage confiance à l' UE qu' aux États-Unis . Mais , connaissant les limites des pressions que l' Europe est en mesure d' exercer efficacement sur l' État hébreu , ils continueront à solliciter la médiation américaine lorsqu' ils estimeront qu' une intervention extérieure de poids est nécessaire pour finaliser un accord . La politique méditerranéenne de l' Europe peut néanmoins apporter une contribution spécifique au processus de paix , en fournissant notamment le cadre d' un dialogue permanent même quand les négociations directes sont dans l' impasse . Afin de corriger cette perception d' un Occident globalement plus favorable à l' État hébreu , il est tout aussi important que l' Europe maintienne fermement ses positions de principe soutenant une paix globale qui garantirait à la fois la sécurité d' Israël , le droit des Palestiniens à l' autodétermination et le rétablissement de l' intégrité territoriale de la Syrie et du Liban . L' Europe devrait exprimer très clairement sa volonté d' apporter un soutien financier et technique à un éventuel accord de paix ( y compris l' engagement de troupes de certains États européens ou l' envoi d' un contingent européen dans le cadre de forces de maintien de la paix dans le Golan ou au Liban-sud , au cas où les pays concernés le souhaiteraient ) . Dans le même temps , l' UE devrait tenter de faire entendre aux Israéliens que , s' ils désirent réellement parvenir à un règlement satisfaisant avec la Syrie , ils seraient beaucoup plus avisés de négocier aujourd'hui avec Hafez al-Assad plutôt que d' attendre ses successeurs éventuels . La position régionale de la Syrie La politique méditerranéenne de l' Europe et les relations bilatérales syro-européennes constituent un élément fondamental de la nouvelle configuration régionale au Moyen-Orient de l' après-paix . Ces deux facteurs alimentent les attentes de la Syrie ( comme celles d' autres pays ) sur ce que sera et à quoi ressemblera l' environnement régional au lendemain d' un règlement du conflit israélo-arabe . De ce fait , en traitant la Syrie comme la pierre angulaire du partenariat euro-méditerranéen , l' UE peut et devrait s' employer à calmer les craintes syriennes d' une marginalisation dans le cadre d' un " Nouveau Moyen-Orient " , selon l' idée chère à Shimon Pérès et à rassurer la Syrie sur l' importance du rôle qu' elle sera amenée à jouer dans la nouvelle division régionale du travail en période de paix . La Syrie et le Liban L' un des principes directeurs de la politique européenne devrait être de traiter avec le Liban comme avec une entité autonome et indépendante - et non point comme une annexe de la Syrie . L' Europe ne peut et ne doit pas consentir à ce que Damas exerce un droit de regard sur les relations libano-européennes . L' Europe doit également être très claire sur le fait qu' elle considère la présence militaire syrienne au Liban comme légitime mais provisoire - et légitime seulement dans la mesure où elle demeure provisoire et dans le cadre défini par les accords de Taëf . L' évolution interne en Syrie La politique de l' Europe à l' égard de Syrie devrait concentrer ses efforts pour aider ce pays à s' adapter à un environnement régional en mutation . La Syrie n' est pas un État pauvre et l' aide financière européenne dont elle bénéficie , bien qu' appréciée , n' atteindra jamais ni le niveau ni l' adéquation de l' aide en provenance des pays arabes du Golfe . Là où l' Europe est mieux équipée que les riches alliés pétroliers de la Syrie , c' est au niveau de l' aide qu' elle peut apporter pour lui permettre de développer son système légal et institutionnel , son infrastructure éducative et , surtout , ses ressources humaines ( dans le secteur privé comme dans l' administration publique ) afin qu' elle soit en mesure de faire face aux défis d' un système international et régional plus compétitif . |