_: Le Centre français sur les Etats-Unis CFE Les élections de mi-mandat aux Etats-Unis ( 5 novembre 2002 ) François Vergniolle de Chantal François Vergniolle de Chantal est docteur en Science Politique de l' IEP de Paris . Il est actuellement chargé de recherche au CFE ( IFRI ) , et Maître de Conférences en Civilisation Américaine à l' Université de Bourgogne . POLICY BRIEF DU CFE 15 JANVIER 2003 Les dernières élections de mi-mandat sont en opposition avec les schémas électoraux traditionnels : ce point a été souligné à maintes reprises dans la presse . La victoire du GOP ( Grand Old Party ) s' inscrit en faux contre cette " loi d' airain " de la démocratie américaine selon laquelle le parti du Président au pouvoir perd des sièges aux élections de mi-mandat . L' élection de 2002 rejoint en ceci les précédents de 1934 et de 1998 , où des Présidents démocrates ont réussi à enregistrer des gains électoraux durant leur mandat . A chaque fois , l' Exécutif a pris avantage de cette situation pour faire passer son programme dans des conditions aisées . Le cas de FDR est , de ce point de vue , exemplaire . En 2002 , le résultat de Bush est d' autant plus surprenant que le Législatif est rarement de la même orientation politique que le Président , et ce de manière de plus en plus fréquente depuis la fin des années soixante . A un premier niveau , il semble ainsi que l' élection de 2002 mette un terme aux blocages partisans trop souvent caractéristiques de la vie politique américaine . Le Parti républicain est maintenant en position de totale responsabilité , tandis que le souvenir de la dernière présidentielle s' efface et , avec lui , le discrédit qui entachait à la fois la Cour Suprême et la Présidence . Néanmoins , dans les faits , cette conclusion exagère l' impact de la victoire républicaine . Comme on le verra , la fin d' un Congrès démocrate est loin d' être suffisant pour modifier les équilibres institutionnels : le mandat de Bush est fragile , et les contraintes qui pèsent sur ses décisions restent puissantes . A partir d' un bilan ponctuel de ces élections , on tentera donc de valider notre évaluation plus générale . I. Les élections de mi-mandat du 5 novembre 2002 : une victoire de la Présidence Les élections mettaient en jeu les 435 sièges de la Chambre des Représentants , 34 sièges au Sénat , et 36 postes de Gouverneurs . Malgré le second tour de l' élection sénatoriale en Louisiane le 7 décembre dernier et l' élection d' une Sénatrice démocrate , les résultats définitifs constituent une victoire assez nette pour les républicains : ils détiennent dorénavant une majorité de 51 sièges au Sénat ( 47 démocrates ) , de 228 sièges à la Chambre ( 203 démocrates ) , et de 26 Gouverneurs ( 24 démocrates ) . Ainsi , ils possèdent maintenant tous les leviers institutionnels du pouvoir - la Cour Suprême étant majoritairement conservatrice depuis les années quatre-vingt - , ce qui constitue une configuration extrêmement rare à l' aune de la pratique politique des vingt dernières années . Le " divided government " , l' opposition partisane entre Congrès et Présidence , caractérisant la vie politique américaine de façon particulièrement marquée depuis la fin des années soixante . Bush Jr . se retrouve maintenant en position de force ; et tous les commentateurs ont souligné la facilité que cela lui procurait dans la lutte anti-terroriste , aussi bien que dans la gestion de la crise irakienne . Nous allons ici nous pencher sur les conséquences purement partisanes et politiques sur la scène publique américaine . Mais auparavant , il faut immédiatement souligner que ce succès est imputable à la stratégie individuelle du Président Bush . Il s' est personnellement impliqué dans le déroulement de la campagne , en jouant pleinement sur les règles localistes du scrutin . En première approche , il semble que cette participation individuelle extrêmement forte , en proportion inverse de sa fragilité issue de 2000 , ait eu des conséquences positives pour les républicains . Sa popularité personnelle très solide ( 60 % de satisfaits ) a rejailli sur son parti . Néanmoins , une analyse plus fine révèle rapidement que le comportement du Président a surtout eu des conséquences sur le camp adverse , celui des démocrates . Ils ont été privés de toute marge de manoeuvre pour se distancier d' un Président qui n' a pas hésité à jouer la carte nationaliste pour s' assurer une vaste popularité . C' est donc d' abord la focalisation sur le Président , sensible pendant toute la campagne , qui a conduit à la défaite des démocrates . Leur absence de message fort a été flagrante . Tout comme le manque de figure charismatique pour se faire entendre , à l' exception , contestable , de Tom Daschle , Sénateur démocrate du Dakota du Sud ( depuis 1986 ) , et actuel président du groupe démocrate au Sénat ( Senate Minority Leader depuis 1995 ) . Si on prend les trois grands thèmes importants - les impôts , la sécurité du territoire ( homeland security ) , et l' Irak - les démocrates ont apporté la preuve de leurs divisions , tout particulièrement en ce qui concerne la sécurité du territoire . En effet , la réorganisation de l' Etat fédéral impulsée par l' équipe Bush a une conséquence sociale lourde : elle conduit à modifier le statut de plusieurs catégories de fonctionnaires fédéraux , dans le sens de la remise en cause de certains de leurs acquis sociaux . Le mouvement de consolidation des structures fédérales à l' oeuvre se traduit concrètement par le regroupement des fonctionnaires fédéraux sur le plus petit dénominateur social commun . Etant donné le poids des syndicats au sein du Parti démocrate , on aurait pu s' attendre à une réaction vigoureuse de leur part . Or il n' en a rien été . Le discours nationaliste l' ayant très largement emporté de part et d' autre , il s' est avéré être un piège électoral particulièrement efficace pour les démocrates . Au niveau des classes moyennes modérées , les électeurs se sont tournés de préférence vers l' original plutôt que vers la copie : ils ont suivi les républicains plutôt que les démocrates . A l' inverse , au niveau des électeurs traditionnellement démocrates , le parti a souffert de son manque d' affirmation , de sa faible différenciation par rapport au GOP . Sur les autres sujets , le Président est aussi en mesure de mettre en oeuvre son programme . Il peut créer son fameux " Ministère de la Sécurité du Territoire " . Il va pouvoir aussi faire pérenniser plus facilement son programme de baisse des impôts : Thomas Daschle n' est plus en position de s' opposer . De même , d' autres projets devraient bénéficier de cette nouvelle configuration politique : celui de la privatisation des retraites ( Social Security ) , ou encore l' exploitation des réserves énergétiques de l' ANWR ( Alaska National Wildlife Refugee ) , chère à un grand nombre des contributeurs de la campagne républicaine . En fin de compte , le Parti démocrate donne l' impression d' avoir perdu sur les deux tableaux . Il semble également que les responsables du parti aient , tout comme dans les années quatre-vingt , sous-estimé l' impact du " personnage " politique que s' est construit Bush : celui du Président " proche " , dépourvu de toute prétention intellectuelle , mais honnête , et capable de prendre une décision simple le moment venu . Reagan avait déjà utilisé cette caractéristique de la vie politique américaine , qui revient régulièrement sur le devant de la scène depuis Andrew Jackson dans les années 1830 . Dans une période de crise et d' incertitude , les discours de type " Axe du Mal " sont bien perçus par l' électorat , à la différence des flottements enregistrés côté démocrate . Les responsables démocrates ont laissé une impression d' inutile sophistication . On pourrait aisément prendre d' autres exemples en politique interne , mais l' idée resterait la même : les démocrates n' ont pas saisi ce besoin de proximité des électeurs , à la différence d' un Président qui , lui , en use et abuse , notamment avec la lutte anti-terroriste . C' est dans ce cadre général que prend place la recomposition des forces au Congrès et au niveau des Etats . Nous aimerions maintenant évoquer quelques-unes des personnalités marquantes qui émergent de cette élection , en commençant par le Congrès , puis en se penchant sur les Gouverneurs . Une fois ce panorama achevé , nous conclurons sur les limites qui , à court terme , vont sans doute conduire le Président à une certaine modération . Enfin , nous tenterons de tirer quelques conclusions générales sur l' état du système politique américain . II . Les conséquences partisanes de l' élection C' est bien sûr au Congrès que la situation évolue le plus , et d' abord pour les démocrates . Face au Président Bush , les démocrates semblent tiraillés entre un besoin de retour aux sources idéologiques et une poursuite de la politique de modération mise en oeuvre par Bill Clinton . Le choix de Nancy Pelosi , élue de San Francisco , comme Minority Leader ( responsable de la minorité démocrate ) à la Chambre des Représentants , et le maintien de Tom Daschle à la tête du groupe démocrate au Sénat traduisent , respectivement , cette tension . Nancy Patricia d' Alesandro Pelosi est une des plus élues les plus " libérales " de la nation , c' est-à-dire , engagée à gauche . Elle représente le 8ème district de Californie depuis 1987 , en étant confortablement réélue à chaque fois . Elle a construit sa carrière sur la lutte contre le SIDA , et la fermeté de sa position vis-à-vis de Chine . Malgré son opposition au Président Clinton sur de nombreux points - et en particulier la question chinoise - elle est un des plus efficaces contributeurs ( fund-raiser ) du Parti démocrate . Elle siège par ailleurs à la Commission du Renseignement ( Intelligence Committee ) depuis le 107ème Congrès , et dans celle d' attribution des crédits ( Appropriations Committee ) depuis le 102ème Congrès . Dès janvier 2002 , elle avait obtenu le poste de Minority Whip , ce qui l' avait propulsé à un des deux postes les plus importants du groupe minoritaire . A première vue , ce sont les contributions financières obtenues par Pelosi qui lui ont valu cette importante promotion . Mais il reste que le message idéologique est également clair : son engagement à gauche est un signal de radicalisation des démocrate . Face à cette recomposition démocrate , les républicains ne sont pas en reste . Tout comme chez leurs adversaires , la tendance est nettement à la radicalisation idéologique . Nancy Pelosi doit ainsi apprendre à cohabiter avec le Représentant Tom Delay , Whip du parti , allié indispensable du Speaker J. Dennis Hastert , et élu du Texas depuis 1984 . Sa réputation de strict conservateur n' est plus à faire . Malgré ses relations tumultueuses avec l' ancien Speaker Newt Gingrich , c' est bien T. Delay qui a rédigé l' essentiel du programme conservateur de 1994 ( Le Contrat avec l' Amérique ) , en s' en prenant notamment à l' extension du pouvoir fédéral . Il aurait largement contribué à la chute de Gingrich en 1997 et son remplacement par Hastert , le tout avec le soutien du " Majority Leader " Dick Armey . Ce trio - avec T. Delay occupant donc la troisième place - est plus que jamais fermement à la tête du Parti républicain . Hastert est clairement le plus modéré des trois . Ancien professeur d' histoire , Hastert est un élu républicain depuis 1986 pour la 14ème circonscription de l' Illinois . Sa promotion de Chief Deputy Majority Whip à celle de Speaker remonte à 1998 , et fut organisée avec comme message explicite de calmer les haines partisanes au sein de la Chambre . On ne peut pas en dire autant du Majority Leader , Dick Armey , nettement plus idéologue . Elu de la 26ème circonscription du Texas depuis 1986 , il est un ancien universitaire , économiste , partisan acharné de Reagan , et qui acquiert sa position de prééminence lors du 104ème Congrès . Ses conceptions fiscales extrêmement conservatrices sont connues : il est partisan d' un taux unique d' impôt fédéral sur le revenu - la fameuse " flat tax " à 17 % - et s' était violemment opposé à Bush Sr lors de l' augmentation des impôts en 1990 . Son activité intellectuelle est encore intense : outre une partie du programme de 1994 , il a aussi écrit une série de livres d' actualité sur les nécessaires réformes à mener : Price Theory : A Policy-Welfare Approach ( 1977 ) , The Freedom Revolution ( 1995 ) et The Flat Tax ( 1996 ) . Au Sénat , la situation est plus stable par définition . Mais là aussi , le constat est identique : l' activisme idéologique est de plus en plus marqué , tout particulièrement du côté républicain . Côté démocrate , en effet , le pragmatisme des " Nouveaux démocrates " chers à Bill Clinton semble se poursuivre . Tom Daschle , Senate Minority Leader depuis plusieurs années , représente , avec , jusqu'à récemment , Richard Gephart à la Chambre , une poursuite du pragmatisme clintonien . Le Président trouvait en eux d' utiles relais au sein du législatif , même si les ambitions des uns et des autres pouvaient occasionnellement perturber les relations . Après les derniers résultats , la démission de Gephart a ouvert la voie à Pelosi , Daschle restant seul . Sa pratique des républicains au cours du 104ème Congrès l' a habitué à adopter une position souple , tout en tenant efficacement la base . Il a ainsi pu réformer les règles du Sénat lors du 107ème Congrès dans un sens favorable aux démocrates . Son opposition au programme de Bush Jr est ferme - comme p. ex. sur les baisses d' impôts - mais sans caractère idéologique ou revendicatif comme certains le craignent de Pelosi . Daschle est maintenant considéré comme un des présidentiables démocrates potentiels en 2004 , et ce d' autant plus que Gore a officiellement annoncé en décembre dernier qu' il ne se représenterait pas . Mais au sein du GOP , la situation est radicalement différente . Malgré le départ de certains " poids lourds " de la droite républicaine - Jesse Helms ( Caroline du Nord ) et Strom Thurmond ( Caroline du Sud ) - la relève est assurée par des élus clairement ancrés à droite : en l' occurrence Elizabeth Dole ( élue à 54 % ) et Lindsay Graham ( qui recueille 55 % des voix ) . Le principal responsable du groupe républicain était le Sénateur du Missouri Trent Lott jusqu'en décembre 2002 . Elu en 1988 , il devient le " Majority Leader " du Sénat en 1996 , à la fin du 104ème Congrès , lorsque Bob Dole se lance dans la campagne présidentielle . Son parcours de républicain modéré - il travaillait pour un Représentant démocrate lorsqu' il est arrivé à Washington en 1968 - a été régulièrement marqué par des déclarations embarrassantes . Par ailleurs , son arrivée comme " Majority Leader " a coincidé avec l' érosion de la majorité républicaine . Lott n' a jamais réellement réussi à consolider ses troupes . Ses tentatives pour atteindre un consensus sont fragiles , et ne résistent pas à sa propension à tenir haut et fort des propos trop controversés . Le pragmatisme contrarié de Lott est le résultat direct de l' amenuisement de la majorité républicaine jusqu'en 2002 . Qu' en est -il maintenant que le GOP est dans une situation plus confortable , non seulement au Sénat , mais également à la Chambre et au niveau des Etats ? Peut -on s' attendre à une évolution sensible , peut-être plus radicale , du Parti républicain ? Pour l' instant , le nouveau responsable du GOP au Sénat , B . Frist , semble adopter une politique de stricte adhésion à la Présidence Bush . Mais il est encore trop tôt pour dire s' il va s' agir d' une personnalité de transition ou bien s' il pourra s' affirmer . Au niveau des Gouverneurs , les changements sont moins massifs qu' au sein du Législatif . Néanmoins , ce n' est pas une fonction à négliger : tous les derniers Présidents d' envergure - Clinton , Bush Sr , Reagan et Carter - ont été des Gouverneurs avant d' atteindre la Présidence . Que ce soit l' Arkansas , la Californie , ou le Texas , l' accession au poste de Gouverneur semble maintenant être un marche-pied efficace pour atteindre le poste le plus élevé du pays . A ce niveau , une autre figure montante du Parti démocrate a acquis une certaine visibilité . Il s' agit de Bill Richardson , qui vient d' être élu Gouverneur du Nouveau Mexique en battant le républicain John Sanchez , 57 % à 38 % . En Europe , sa réputation vient essentiellement de son action diplomatique , notamment à l' ONU , entre 1997 et 1998 . Il était devenu membre de l' équipe présidentielle de Clinton en 1998 , comme Secrétaire à l' Energie , avant de se lancer dans une carrière politique nationale . Sa récente élection constitue ainsi son premier succès sur la voie de l' enracinement électoral , un élément qui , jusqu'à présent , avait toujours manqué à ce haut fonctionnaire . Ses prises de position traduisent une modération certaine , même si ses engagements en faveur de la lutte contre la pollution ou l' extension de la couverture-santé ( health care ) sont solides . A part ce nouveau venu sur la scène étatique , les autres résultats étaient attendus . La réelection de Jeb Bush en Floride n' est pas une surprise étant donné la soutien massif que son Président de frère lui a apporté : 56 % contre 43 % pour Bill McBride . En Californie , le démocrate modéré Gray Davis a été aisément réélu ( 48 % contre 42 % pour son adversaire , Bill Simon ) , de même que le républicain - lui aussi modéré et lui aussi élu en 1994 - de New York , George Pataki ( à 50 % contre 33 % pour Carl McCall ) . La seule " surprise " vient peut-être du changement à Hawaï : cet Etat , historiquement démocrate , est passé aux républicains en élisant Linda Lingle à 52 % contre 47 % pour son adversaire . Les démocrates ont aussi reculé en Géorgie , en Caroline du Sud et dans le Maryland , où leur candidate , Kathleen Kennedy Towsend , est la fille aînée de Robert Kennedy . Ils ne l' ont emporté clairement que dans des Etats industriels comme l' Illinois , le Michigan ( avec Jennifer Granholm , une des élues les plus en vue du Parti démocrate ) , et la Pennsylvanie . II . Les limites de la victoire républicaine . Au-delà de ces résultats , on peut lire les élections de 2002 comme un effacement des controverses de la présidentielle de 2000 . Certes , les attentats du 11 septembre 2001 ont déjà très largement permis au Président d' asseoir sa légitimité . Cette victoire charismatique a d' ores et déjà été mise au crédit du Président . L' apport des dernières élections est un peu différent , mais tout aussi sensible . Comme on le sait , la fragile majorité républicaine du 107ème Congrès ( 2000 - 2002 ) avait été remise en cause par la défection d' un Sénateur républicain modéré , qui , en se déclarant non-inscrit , avait fait passer la majorité du Sénat aux démocrates . Cet accident de parcours a maintenant été effacé . Les républicains ont récupéré leur majorité et ne dépendent plus du vote d' un Sénateur non-inscrit . De même , la Cour Suprême a maintenant retrouvé de son prestige , pourtant largement entamé par la " résolution " de la crise de l' élection présidentielle en 2000 . Son soutien en faveur du candidat Bush Jr se trouve maintenant validé politiquement . Le Président peut ainsi considérer à nouveau la possibilité de nommer des Juges conservateurs non seulement à la Cour Suprême mais aussi aux cours fédérales inférieures . Alberto Gonzales est de plus en plus cité comme choix potentiel du Président en remplacement de Rehnquist , actuellement Président de la Cour ( Chief Justice ) , ou de la de la Juge O'Connor . Par ailleurs , le Président pourrait aussi tenter à nouveau de choisir le Juge Charles W. Pickering pour un poste dans une Cour d' Appel , pourtant rejeté par la Commission Judiciaire du Sénat en mars 2002 . En clair , et plus généralement , les élections de 2002 constituent une sortie de la crise de légitimité issue de la présidentielle de 2000 . Tous les éléments ralentis ou décrédibilisés depuis la début de la Présidence Bush sont dorénavant débloqués politiquement et institutionnellement . Néanmoins , malgré cette situation , il semble que le parti du Président doive modérer ses ambitions et gérer un grand nombre de contraintes . Ainsi , en dépit de la victoire des républicains , il faut largement en nuancer l' importance . Les caractéristiques de l' élection sont telles qu' il faut se garder de toute conclusion de long terme quant à la présidentielle de 2004 . La participation électorale ne permet pas d' avoir une vue complète de l' électorat . La participation s' est établie à 39.3 % , en hausse légère de 2 points par rapport à l'an 2000 . La participation n' a été véritablement élevée que dans quelques Etats bien précis , comme le Minnesota ( avec le soudain décès du Sénateur P. Wellstone et la mobilisation autour de son remplacement ) , le Dakota du Sud , Etat d' origine de Tom Daschle : dans ces deux cas , la participation a pu atteindre 60 % . Certains taux sont par contre curieusement bas . Ainsi des 45 % du Maine , où la participation est normalement beaucoup plus élevée . Ou encore , la Floride , dont le taux ne dépasse pas 43 % , alors que les enjeux y étaient particulièrement importants . Le Gouverneur de l' Etat , Jeb Bush , ayant en effet bénéficié d' un important soutien du Président , la médiatisation de l' élection a été particulièrement intense . Dans ces conditions , il n' y a pas vraiment de raz-de-marée électoral en faveur du Président , et encore moins de réalignement électoral . Une analyse plus précise confirme aisément ce diagnostic : A la Chambre des Représentants , l' élection s' est jouée sur 30 circonscriptions au maximum , et 15 semblaient être réellement ouvertes ( sur les 435 de l' ensemble ) . Les marges électorales ont été faibles , les problématiques étaient locales , et le financement a été surdimensionné par rapport aux gains électoraux enregistrés . Au Sénat , là aussi les thématiques nationales ont disparu , que ce soient les impôts , la question du remboursement des médicaments , ou encore le déficit budgétaire . Ainsi , la pauvreté des marges électorales , auxquelles s' ajoutent le localisme des débats font de cette élection une victoire républicaine à l' arraché , bien loin de la présentation journalistique sur le thème de " l' exception " historique . En fait , la surréaction médiatique est la grande caractéristique de l' élection de 2002 . Les observateurs prévoyant en majorité une continuation de l' effritement des positions républicaines , les quelques gains du GOP ont , au contraire , conduit à accorder trop d' importance à des résultats somme toute ponctuels et/ou difficiles , sans tenir compte d' autres facteurs : la participation électorale et la " fragmentation " du débat nationale , bien sûr , mais aussi des facteurs plus institutionnels . Au Sénat par exemple , la vraie majorité n' est pas de 50 , mais de 60 , puisque c' est là la majorité nécessaire pour empêcher une obstruction parlementaire ( filibuster ) . Dans ces conditions , et malgré le renforcement de la majorité républicaine , la continuité devrait être la règle en pratique ! Le GOP n' a aucune chance d' atteindre ce seuil . D' une manière plus générale , et comme toujours dans le système américain , la complexité de la procédure législative est telle , qu' elle assure une modération des républicains majoritaires . Autre élément qui devrait favoriser la prudence de l' équipe actuelle , la fragilité de la structure électorale du GOP . Le Nord-Est est une partie du pays déterminante pour les futurs succès du GOP : en effet , le Maine ayant élu deux Sénatrices républicaines modérées , Susan Collins et Olympia Snowe , et celles -ci sont tout à fait nécessaires pour n' importe quelle majorité , même simple , au Sénat . Or ces deux élues sont tout particulièrement modérées sur les questions de moeurs ( l' une d' elle , Olympia Snowe , est même pro-choice ) . Dans ces conditions , le Parti républicain ne peut qu' adoucir ses prises de position , afin de conserver ses légers avantages sur les démocrates . Et ceci non seulement dans le domaine social , mais aussi dans d' autres . Ainsi , les derniers changements à la tête de la Commission de l' Environnement ( Environment and Public Works ) au Sénat en témoignent . La réputation d' opposant systématique à l' EPA ( Environment Protection Agency ) du nouveau Président , James M. Inhofe , devrait s' altérer devant les nécessités du compromis partisan . Ce schéma devrait se répéter et se généraliser au niveau de la collaboration institutionnelle . Conclusion Les élections de 2002 ne permettent pas de conclure sur un mandat clair pour le Président Bush . Sa victoire , indéniable , est somme toute modeste , et les gains enregistrés au Congrès ne sont pas tels qu' ils permettent au Président d' assurer le passage de ses principales mesures . A l' inverse , l' opinion publique , elle , perçoit bien les républicains comme étant maintenant responsables à part entière . Dans ces conditions , les démocrates peuvent s' assurer un certain rebond électoral s' ils évitent la marginalisation partisane qui est leur principal risque . La seule conclusion à long terme que l' on semble pouvoir tirer de ces élections est le quasi-équilibre entre les différentes institutions . Il y a une forme d' entropie institutionnelle qui ressort des chiffres définitifs de l' élection rappelés au début de cet essai . Cette situation est en clair contraste avec les élections de 1994 : l' engagement idéologique avait été tel que les impasses auxquelles cela a conduit ont traumatisé les élus . Depuis lors , les responsables politiques jouent de préférence la carte de la modération , au point que le rapport de force partisan s' équilibre et bloque le processus décisionnel . En effet , la recherche de la modération ne va pas jusqu'à cultiver le consensus avec le parti adverse . Il semble tout simplement que le risque politique ne paie plus sur la scène publique américaine .