_: A qui la faute ? La violence n' attend pas le nombre des années . Le fait- divers de Nantes nous le prouve une fois de plus . Une adolescente de 15 ans est morte poignardée par un camarade de classe de 17 ans , influencé par le film d' horreur « Scream » ( Hurlement ) . Ce n' est pas la première fois qu' un film , et que ce film -là précisément , inspire des assassins qui déclarent après coup « avoir voulu savoir ce que ça faisait pour de vrai. » . Comme si le masque copié du tableau du peintre Munch , « Le Cri » , dont s' affublent les meurtriers de la fiction , leur ôtait à la fois apparence humaine et culpabilité et mettait également leurs imitateurs à l' abri du remords . Oui , on sait bien que l' adolescence reste l' âge où l' on rêve d' entrer avec fracas dans la réalité en prenant pour modèles d' inimitables personnages de fiction . Quand on donne à cette jeunesse -là , qu' elle soit américaine , japonaise ou française , des criminels pour héros , faut -il s' étonner du résultat ? « Nous autres civilisations savons désormais que nous sommes mortelles » ... et barbares . Le siècle qui vient de s' achever est consternant . Plus porteur de leçons de mort que de leçons de vie . Les gamins ont beau écouter d' une oreille distraite les leçons de l' Histoire , ils savent que la loi du plus fort est toujours la meilleure . Comment ne rêveraient -ils pas d' être du côté des forts , c' est-à-dire du côté des adultes ? Lesquels roulent à tombeau ouvert , font d' interminables guerres , tuent leur prochain , bref enfreignent les règles élémentaires de l' humaine tendresse . Comment n' en viendraient -ils pas à parachever le processus d' identification , en brûlant les étapes ? Ils ont certes appris à se méfier des mots mais ils prennent leurs modèles n' importe où la séduction est à l' oeuvre . Et s' ils sont devenus des nihilistes en herbe , puis en graine , aveugles et sourds à la souffrance d' autrui , qui ne font plus la différence entre la vie virtuelle et la mort bien réelle , - à moins que ce ne soit le contraire - à qui la faute ? Sinon au miroir déformant que nous leur tendons tous les jours que Dieu fait . Chaque meurtre d' adolescent nous fait désespérer de nos institutions , de nos croyances , de notre futur . D' ailleurs le « no future » a de nos jours ses fervents adeptes . Les causes en sont multiples , complexes , les solutions peu évidentes . La violence individuelle se greffe sur une violence publique et l' une et l' autre ne sont pas près de s' éteindre . L' actualité nous promet tous les jours des lendemains explosifs . Oui sans doute ne doit- on pas mettre tous les films à portée de de toutes les sensibilités . Il y a une complaisance coupable dans le cinéma actuel où on assassine sans état d' âme . Il paraît qu' une nouvelle génération de cinéastes analyse les ressorts de cette contagion . Il nous reste à souhaiter que leur message soit aussi éloquent que celui des films qu' ils dénoncent . Charge à nous d' installer des pare-feux : à l' école , chez nous , et dans les salles obscures . Malgré notre répulsion à la censure , il faudra bien dans certains cas-limites réglementer pour pallier le choc meurtrier des images . Il nous faudra de l' imagination , de la persévérance et de l' humilité pour aider certains de nos jeunes à rétablir les frontières entre la transgression réelle et la transgression imaginaire . L' une est permise et l' autre pas . Parce que l' une permet la vie sociale et l' autre est un pacte des loups .