_: Le grand écart Où que l' on soit , d' où que l' on vienne , les nouvelles ne sont pas bonnes . A croire qu' il y a une conjuration céleste pour que l' année nouvelle nous soit amère . Les ostréiculteurs d' Arcachon font grise mine - les consommateurs aussi - qui subissent le contrecoup de la marée noire qu' on a vu venir , sans pouvoir l' arrêter . On va envoyer l' armée , cette armée qui devient la bonne à tout faire de la République , un jour en Côte d' Ivoire pour tenter de faire un cordon sanitaire entre camps opposés , le lendemain à pied d' oeuvre pour protéger le ministre des affaires étrangères , le surlendemain les pieds dans l' eau pour jouer les éboueurs . Oui , les nouvelles ne sont pas bonnes ! La mer vient de nous apprendre que nous sommes tous solidaires . Parfois pour le meilleur et parfois pour le pire . En Espagne , pour pallier les défaillances des gouvernements aussi bien celui de Madrid que celui de la région de Galice , on a envoyé le roi se mouiller les bottes sur les plages polluées . Le roi puis son fils . Dans ce pays qui a dans ses tréfonds la nostalgie du temps où il était la tête de pont d' un Empire où le soleil ne se couchait jamais , on garde du respect pour la personne du roi d' autant qu' il a de plus en plus l' air de descendre d' un tableau de Velasquez . Sa personne suffit -elle à faire rempart au malheur des pêcheurs ? Peut-être , car ceux -ci viennent de recevoir une aide inespérée , celle de la royauté marocaine qui les autorise pendant trois mois à pêcher dans ses eaux nationales ! Chez nous c' est Monsieur Raffarin qui a été , est et sera à la peine . Véritable chevalier à la Triste figure , il a le coeur à marée basse . Il n' arrête pas de se pencher au chevet des rivières en crue , de compatir au sort de ses compatriotes inondés , pollués , englués , en un mot pas contents . Rude tâche que celle de Premier ministre qui doit jouer les pères de la nation , avoir le don d' ubiquité et mener le char de l' Etat . C' est vrai qu' on attend l' impossible de nos élus dans les moments de crise . Or , il n' est pas aisé d' avoir un pied sur Paris sous la neige et ses aéroports bloqués - à se demander à quoi sert la météo , - et l' autre dans les tribunes internationales à régler la cessation d' activité des bateaux du style du Prestige : il en resterait une quarantaine en service , affrêtés par ceux que notre Président appelle des armateurs voyous . Cela s' appelle le grand écart .