_: Immigration : l' intérêt de l' Europe De tous temps , les hommes ont tourné leur regard vers les horizons scintillants , ils se sont mis en marche vers les terres les plus riches . Accoster sur l' Eldorado , y retrousser les manches et travailler , c' est tout simplement sortir de sa misère , conjurer les inégalités naturelles , et , malgré toutes les difficultés d' accueil et d' adaptation , assurer la survie décente des siens . Ainsi , l' Europe a accueilli depuis des siècles ses vagues d' immigrés : elle a tiré le meilleur profit de leur savoir-faire , de leurs muscles et de leur sueur , de leur diversité culturelle jusqu'à leurs talents de footballeurs . A tel point que les 700.000 immigrés qui chaque année entrent en toute légalité dans l' Union européenne sont indispensables aux économies de nos pays vieillissants : aujourd'hui pour faire tourner la machine , assumer parfois un travail que nos propres salariés refusent , et , demain , peut-être pour financer nos retraites . Pour autant , l' immigration fait partie de ces dossiers récurrents qui font problème dans tous nos pays . Selon les discours dominants , l' immigration est en effet synonyme de délinquance . En Europe , tous les partis populistes ou extrémistes de droite se sont servis de l' argument et des rumeurs qui s' y attachaient pour nourrir un rejet xénophobe et s' en repaître avec succès lors des campagnes électorales . C' est ainsi que l' idée même d' immigration renvoie inconsciemment aux filières clandestines - et l' idée de filière clandestine à toutes sortes de trafics et délits . Cet amalgame a fini par s' imposer , de Madrid à Rome , de Londres à Sangatte , chaque nation ne sachant plus comment faire le partage entre le souhaitable et l' impossible . La vision des nouveaux boat-people qui s' échouent sur nos côtes , des misérables étouffant dans des camion-citerne , le terrifiant parcours des immigrés clandestins aux mains des mafias sont humainement choquant et , pendant longtemps , les démocraties européennes ont hésité entre la répression et la « gestion sociale » d' un phénomène devenu irréversible . Chacune y allait de sa politique : tantôt on fermait les yeux , tantôt on affrétait des charters , on entassait dans les centres avant expulsion ou on régularisait les sans- papiers . Or , un nouveau cycle politique s' ouvre en Europe : avec le recul des sociaux-démocrates et l' arrivée au pouvoir des partis de droite les législations nationales se sont durcies , d' abord vis- à-vis des clandestins puis , plus généralement , des réfugiés . Ainsi , en adoptant une politique commune , le sommet des chefs d' Etats et de gouvernements européens qui s' ouvre aujourd'hui à Séville pourrait prendre un nouveau virage et , sans le dire clairement , se rapprocher d' une idée qui est dans l' air du temps : celle d' une Europe- forteresse . On sait que les populations de l' Afrique , du Maghreb , d' Asie vont doubler , et cette prévision exige forcément une réflexion globale : dans un monde où les frontières ne sont plus des obstacles économiques et financiers , où les capitaux et la communication vont , viennent et « émigrent » au gré des intérêts , nos pays industriels ne devraient pas se satisfaire d' un repli frileux dès qu' il s' agit des hommes . Ouvrir un vrai dialogue avec les pays d' origine des migrants , imaginer une nouvelle coopération et entreprendre une politique d' aide au développement : ce serait l' honneur de l' Europe . Et , à plus long terme , son intérêt .