_: Pavillon noir La tempête vient de désintégrer , au large de Galice espagnole , un pétrolier qui ne méritait pas le nom qu' il portait . « Le Prestige » qui battait pavillon des Bahamas , n' était plus en état de résister au gros temps . Le mauvais sort lui a fait croiser les courants d' une région côtière réputée si dangereuse qu' elle a été surnommée « la côte de la mort » par ses riverains qui voient passer bon an mal an plus de soixante mille tankers , dont un tiers sont réputés transporter des produits dangereux . « Le Prestige » se rendait à Singapour via Gibraltar , une possession britannique plantée comme une écharde dans le talon chatouilleux de l' Espagne . Ce naufrage provoque celui des relations diplomatiques entre la Grande-Bretagne et l' Espagne , relations déjà passablement dégradées , toujours à cause du fameux rocher aux singes . Quant à la marée noire qui s' abat lentement mais sûrement sur les côtes de la verte Galice , terre de bruyères et de brumes , elle risque d' atteindre d' abord les côtes portugaises et sur le long terme les côtes françaises . Ce sont les courants maritimes qui décideront et qui , eux , n' ont que faire des frontières nationales . C' est dire que ce naufrage ne concerne pas les seuls Espagnols et qu' il mouille des pays riverains dont les intérêts deviennent momentanément communs . Comme toujours en pareille situation , on parle de ce qu' on aurait dû faire et qu' on n' a pas fait . D' une nouvelle police de la mer à l' échelle européenne qui n' entrera en vigueur effectivement que dans huit mois , en mars 2003 . On reparle de faire payer les dégâts par ceux qui les provoquent et non par ceux qui les subissent . Puisque , hélas , il y a des antécédents sur les dernières quarante dernières années à commencer par : le Torrey Canyon en 1967 , l' Amoco Cadiz en 1979 et l' Erika il y a trois ans à peine , des marées noires qui auraient dû inciter à un renforcement plus rapide des contrôles . Pour se prémunir contre de telles tragédies , on sait qu' il faut aller à la source du mal et s' en prendre en premier lieu aux grandes puissances pétrolières plus regardantes sur les bilans comptables que sur l' étanchéité des navires qu' elles affrétent . D' où l' obligation de la double coque pour les nouveaux pétroliers à partir de juin prochain et l' éradication des anciens navires à simple coque pour 2015 , ce qui est repousser loin l' échéance d' une mesure dont on voit bien aujourd'hui l' impérieuse nécessité . Qu' on s' indigne au plus haut niveau de l' Etat de ces drames à répétition qui ruinent l' économie d' une région et la beauté de ses paysages ne suffit pas à régler le problème qui doit l' être au niveau des institutions européennes à Bruxelles . Il faut faire rendre gorge à ces pirates d' un genre nouveau qui se camouflent sous des pavillons de complaisance . Dans le passé , les flibustiers avaient le fier culot d' afficher la couleur et de hisser le pavillon noir . Ceux d' aujourd'hui ne s' en prennent pas directement à nos vies , mais à nos biens naturels , à un patrimoine qui est celui de l' humanité . La Bretagne hier , la Galice aujourd'hui , et demain peut-être le Golfe de Gascogne ... Les réserves de pêche touchées à mort , les marins réduits à l' inactivité forcée . Le scénario est désespérément partout le même . L' impunité pour les uns , le malheur pour les autres .