_: Manque d' oxygène Il y a chez Jacques Chirac une sorte d' insoutenable légèreté de l' être qui doit peser sur les épaules pourtant robustes de Raffarin . Il a l' art de prendre des engagements électoraux irréalistes et de laisser son gouvernement s' en dépatouiller . Le Premier ministre a dû rester perplexe en entendant , le 14 juillet , cette phrase du Président au balancement aussi équilibré que paralysant : « Tout doit être fait pour permettre - dans les limites raisonnables naturellement et compatibles avec nos engagements européens cela va de soi - par la baisse des charges et des impôts , de redonner de l' oxygène » aux ménages et aux entreprises . Dans ce petit chef-d'oeuvre de rhétorique chiraquienne se mêlent le maintien des promesses électorales ( diminution des charges et des impôts ) , leur révision à la baisse ( dans les limites raisonnables et compatibles avec nos engagements européens ) et un zeste d' évidence responsable ( signifiée par le « naturellement » et le « cela va de soi » ) tendant à montrer que le Président est conscient des contraintes extérieures . Mais lorsqu' il a eu décortiqué cette ligne politique qui ne vise à fâcher personne ( les Français , les patrons et Bruxelles ) , Raffarin a dû se demander comment faire . Tout simplement parce que la baisse des impôts n' est pas conciliable avec nos engagements européens en matière de réduction du déficit public . Et qu' elle sera si modeste en 2004 - loin du plan de Chirac de réduire d' un tiers d' ici 2007 l' impôt sur le revenu - qu' elle ne fournira guère « d' oxygène » aux ménages . Sans doute faut -il voir dans ce fourre-tout idéologique aux contradictions flagrantes ce que le Président appelle « l' adaptation » . En attendant , Raffarin aura bien du mal à mettre en musique une telle partition . Et le Président ne lui sera pas d' une grande aide . Car dans la conception que se fait Chirac des institutions , c' est au Premier ministre d' appliquer les orientations du Président quelle qu' en soit la cohérence . Il ne voit dans les fonctions du locataire de Matignon que médiocre intendance des affaires intérieures au-dessus de laquelle il s' élève . Souvent , les Premiers ministres ont été déconcertés par les changements de pied ou les évolutions de « leur » Président . Mais Raffarin est plutôt gêné par l' opiniâtreté avec laquelle Chirac s' accroche à ses promesses fiscales , mêmes révisées à la baisse . Peut-être imaginait -il que le Président , fidèle à sa réputation , ne les tiendrait pas . En tout cas , aujourd'hui , c' est lui qui manque « d' oxygène » pour préparer son budget .