_: EDITORIAL : Papon , encore Le procès de Maurice Papon aurait été « inéquitable » . Par ce motif , la Cour européenne des droits de l' homme vient de condamner la France . Et les avocats de l' ancien fonctionnaire de Vichy , condamné pour la déportation de 1.500 juifs , se sont aussitôt empressés de ( re ) demander la mise en liberté de leur très vieux client . Il est toujours étonnant de voir avec quelle minutie tatillonne se défendent d' anciens tortionnaires , anciens criminels de guerre et autres complices plus ou moins zélés de génocides en tous genres : ceux -là mêmes qui , en leur temps , n' avaient cure de leurs semblables , n' exprimaient pas une once d' humanité , accomplissaient leur besogne avec une rare application , les voilà qui , soudain pris au piège , en appellent aussitôt avec une aussi rare vigueur à la justice humaine considérée comme valeur universelle , aux droits de l' homme , au respect scrupuleux des lois - et dénoncent bien entendu les peines qui les accablent comme autant de dénis de justice . Pour « complicité de crimes contre l' humanité » , Maurice Papon a été condamné à dix ans de réclusion criminelle par la cour d' assises de Bordeaux , au terme d' une longue et sinueuse procédure qui lui a permis de se défendre comme tout justiciable , et , depuis cette condamnation , ses avocats utilisent tous moyens pour que la peine soit réduite , que l' homme , âgé de 91 ans , soit libéré - ce qui est également et heureusement le droit de tout condamné . Mais il faut vraiment tordre en tous sens le code de procédure pénale et la convention européenne pour affirmer que son procès ne fut pas conforme à l' équité . Trop vieux , Papon ? C' est évident . Maintenir les grands vieillards en détention , quels qu' aient été leurs crimes , nous semble d' une sévérité excessive , tout simplement parce que nous savons qu' à cet âge -là ils sont passibles d' une sanction autrement inéluctable - la sanction suprême qui , passé 90 ans , rôde pour tout le monde . Pourtant , s' agissant de ce condamné , un malaise persiste qui tient au drame de la déportation et n' a que faire des arguties juridiques . Papon avait perdu son procès dès l' été 1942 , lorsqu' il organisa les convois de la mort en partance de Gironde . A l' époque , nulle cour européenne des droits de l' homme . Et , quand , l' histoire l' ayant rattrapé , il dut comparaître devant un jury populaire , faire face aux victimes , alors , son comportement pour le moins dédaigneux , sa tentative de fuite en Suisse ( plus pathétique que condamnable ) , son acharnement à devenir insolvable pour ne pas avoir à dédommager les parties civiles , et son absence totale de remords l' ont emporté , plus sûrement que tous les réquisitoires , vers la prison . Par la suite , ses incessantes demandes de remises en liberté , les recours introduits par ses avocats pour « traitement inhumain et dégradant » ainsi que sa demande d' indemnisation pour « tort moral » n' ont jamais abouti , preuve que la justice a conscience de l' extrême émotion , pour ne pas dire de la colère , qui suivrait toute mesure de clémence basée sur le droit . En définitive , le seul motif qui justifierait qu' on élargisse avant terme un homme complice de crimes contre l' humanité , ce serait précisément une raison de stricte humanité . Un comble , dira -t-on . Mais aussi , peut-être , une leçon .