_: Une Europe plus forte En publiant un questionnaire ayant l' Europe pour thème , la presse quotidienne régionale ne s' attendait pas à recevoir plus de dix mille réponses . L' Europe , cette vieille Europe , hautaine , lointaine et complexe que l' on stigmatise à l' envi , demeure un centre d' intérêt majeur pour les citoyens de France . Et c' est plus vrai encore ici , dans notre Grand Sud où la politique a gardé droit de cité . Les lecteurs de « La Dépêche du Midi » sont , en effet , les plus nombreux , après ceux de notre confrère breton « Ouest France » , à avoir retourné leur questionnaire rempli . Certes , ce dernier n' est pas un sondage élaboré à partir d' un échantillon représentatif de la population française . Il est donc permis de penser que les europhiles convaincus ont été plus nombreux à répondre que ceux qui vilipendent le drapeau étoilé . Reste que dix mille Français ont voulu faire connaître leur propre vision de cette Europe , soulignant au passage que celle -ci a bien une place de choix dans leur champ politique . Ils l' appréhendent comme un territoire de démocratie , un chantier de construction politique et un espace de valeurs partagées . Voilà qui aurait comblé d' aise les pères de l' Europe , Robert Schumann et Jean Monet et cloue le bec aux europhobes rétrogrades . Ce constat rassurant dressé , une lecture attentive des réponses au questionnaire ( lire en page 3 ) révèle , en creux , les frustrations que ressentent les citoyens de France à l' égard du fonctionnement démocratique de l' institution communautaire dans lequel ils ne trouvent décidément pas leur compte aujourd'hui . Lorsqu' ils en appellent à un président élu , ils veulent tout à la fois en finir avec l' anonymat de l' exécutif européen et exigent qu' à ce niveau aussi il soit incarné par un homme portant un programme , voire un projet et répondant de ses actes devant le peuple d' Europe . De même , le fait que deux lecteurs sur trois privilégient le référendum populaire pour la ratification de la Constitution européenne signale moins la défiance vis-à-vis de la représentation nationale que le désir irrépressible d' être de ce débat fondateur . Une manière de dire « on ne fera pas l' Europe sans nous » . Mieux encore que les dirigeants politiques , les lecteurs qui ont participé à ce débat mesurent bien les paradoxes de cette Europe « géante économique mais nain politique » , comme on le disait hier de l' Allemagne . Foin de cette administration tatillonne qui s' immisce dans le calendrier de la chasse à la palombe ou s' autorise à réglementer la confection du camembert fermier , c' est une Europe forte , nantie de pouvoirs régaliens qu' ils appellent de leurs voeux . Ils la rêvent parlant d' une même voix sur la scène internationale au moyen d' une véritable politique étrangère commune , dotée d' une armée et d' une police à son échelle . Pour les dix mille lecteurs qui se sont prononcés , l' heure est venue pour l' Europe de sortir de sa gangue et d' être enfin le moteur de cette nouvelle communauté de destin liée par le respect de la liberté , de la solidarité et de l' égalité . Un chemin long , très long , mais exaltant pour ce peuple d' Europe à la recherche d' une nouvelle identité .