_: Raffarin le démineur C' était il y a dix-huit mois , c' était il y a un siècle . Jean-Pierre Raffarin avait été nommé à la tête d' un gouvernement « de mission » , comme il aimait à le répéter . Le Premier ministre se voyait alors en modernisateur de la France . Des grands chantiers , il en a lancés : la décentralisation , les retraites , la sécurité , la justice . Leur concrétisation sur leur terrain récolte des résultats inégaux . Mais depuis la rentrée , on se demande quelle est la « mission » . Raffarin chef de chantier s' est transformé en Raffarin démineur . La réforme de l' assurance-maladie ? Repoussée au milieu de l' année 2004 . Celle des universités ? Elle n' est plus « à l' ordre du jour » . La hausse de la taxe sur les cigarettes prévue en janvier ? Elle est diminuée après le barouf des buralistes . Pourtant , le gouvernement promettait de ne pas céder , il en allait de la santé des Français . Dans la nuit de mercredi à jeudi , un amendement gouvernemental glissé au Sénat a relégué cette noble cause derrière les intérêts électoraux de la majorité . Elle est partie en fumée , la belle détermination de Raffarin . Malgré les évidences , le gouvernement nie tout recul . Pourtant , depuis la rentrée , le Premier ministre a enclenché la marche arrière sur tous les dossiers chauds . Il suffit qu' une catégorie sociale manifeste pour qu' elle obtienne gain de cause . L' objectif est d' éviter d' attiser les mécontentements avant les régionales . Du coup , où est passée la fermeté que maniait à longueur de déclarations Raffarin lors des défilés de fonctionnaires et d' enseignants au printemps dernier ? Les intermittents du spectacle doivent l' avoir mauvaise . Ah , s' ils avaient débuté leur mouvement cet automne au lieu de juillet , ils auraient sans doute été davantage entendus ! En son temps , Jacques Delors avait demandé une « pause » dans les réformes . Avec Raffarin il s' agit d' un vrai gel , en attendant l' issue des régionales . A la décharge du Premier ministre , il faut dire qu' une fois de plus , il subit la loi de Chirac . Car le Président , troublé par les « fragilités » de la société française , n' entend pas conduire le pays à marche forcée . Après le gros dossier des retraites , il préfère appliquer la politique des petits pas afin de ne pas ouvrir plusieurs fronts de contestation à la fois . Question aussi de tranquillité personnelle . Préférant s' atteler aux questions internationales , il ne tient pas à voir son quinquennat pollué par des manifestations à répétition . En fait , un seul secteur échappe aux reculades : celui des Affaires sociales . A travers le projet de loi sur le dialogue social , François Fillon continue de tracer un sillon libéral sans bruit et avec efficacité . Pourtant son texte , qui sera soumis au Parlement le mois prochain , suscite la colère des syndicats . Mais divisés et incapables de mobiliser dans la rue sur un tel sujet , ceux -ci n' ont pas les moyens de faire plier le gouvernement . Comme quoi , malgré toutes les proclamations d' intention , les pratiques politiques ne changent pas . C' est toujours le rapport de force qui mène la danse . Raffarin est aux premières loges pour en faire l' amer constat .