_: FRANCE - C' EST LA FIN DE L' ÉTAT DE GRÂCE POUR LE PREMIER MINISTRE Raffarin en perte de vitesse Les temps deviennent durs pour Jean-Pierre Raffarin . Bien que sa cote de popularité reste tout à fait appréciable , il baisse dans les sondages . Longtemps tiré par la politique de Sarkozy en matière de sécurité , il se trouve confronté désormais à la lancinante question du chômage . Et toutes les enquêtes d' opinion montrent que la politique économique et sociale du gouvernement n' est guère appréciée des Français . Mer et Fillon plombent plutôt Raffarin qu' ils ne le mettent en valeur . C' est au début de l' année que le Premier ministre a commencé à entrer dans les turbulences . Jusque -là , il avait déjoué les embûches des traditionnels conflits sociaux de la rentrée et des rituels cortèges d' enseignants . Mais dans les premières semaines de 2003 , la politique libérale de Raffarin a été perçue dans toute sa cohérence . Outre que le gouvernement a défait ce que la gauche avait fait ( 35 heures , emplois jeunes , suppression du volet anti-licenciements de la loi de modernisation sociale ) , il a mis en oeuvre un allégement de l' ISF plutôt mal venu en pleine période de plans sociaux . Cette politique a ruiné le crédit dont pouvait se prévaloir le Premier ministre auprès d' une partie de l' électorat de gauche qui s' était réfugié dans l' attentisme . PRESSIONS L' épisode de la réforme du mode de scrutin est venu ternir ensuite l' image d' un Raffarin qui , tout en vantant la France d' en bas , a écarté les petits partis au profit des puissants ( UMP et PS ) . Quant à la méthode , à savoir l' usage de l' article 49 - 3 , procédure parlementaire coercitive , elle était en contradiction avec la bonhomie et les intentions d' ouverture et de dialogue affichées jusque -là par le Premier ministre . Dans le traitement de ces dossiers sensibles , Raffarin a donné l' impression de ne pas tenir la barre fermement . Qu' il s' agisse de revenir sur la loi de modernisation sociale ou de la réduction de l' ISF , il a été l' objet de pressions de la frange la plus libérale de sa majorité auxquelles il a cédé dans les deux cas . En ce qui concerne la réforme des modes de scrutin , Juppé et surtout Douste-Blazy ont contraint Raffarin à souscrire à une réforme dont il n' était pas un chaud partisan initialement . « C' est Douste qui aurait dû être rapporteur de la loi » , ironisait un ministre afin de montrer à quel point le député-maire de Toulouse s' était impliqué pour imposer la réforme à Raffarin . FUNAMBULE Dans ces conditions , les « raffarinades » ne suffisent plus à tirer le Premier ministre des faux pas , et le masque du notable rond , soucieux de proximité afin de réduire les clivages politiques , tombe . Dans Libération , le cinéaste Claude Chabrol qui vient de réaliser un film « La fleur du mal » sur la politique en province , constate : « Il n' est pas mal comme acteur . Il a de la tchatche . En même temps , il a un côté très soumis , il caresse le Medef dans le sens du poil , il cède sur la réforme de l' ISF . Il a une adresse dans l' expression mais une maladresse dans l' action. » Et d' ajouter : « Il a une gueule mais on ne sait pas de quoi. » Le Premier ministre a répliqué en citant son idole Johnny Hallyday : « Quoi ma gueule , qu' est -ce qu' elle a ma gueule ? » Raffarin ne semble pas au bout de ses peines . Hier , il a déclaré que l' Allemagne était en « récession » , s' attirant un démenti immédiat du gouvernement de Schröder . Enfin , il a reconnu qu' en matière économique la France avait « un vrai problème de déficit » . Au point que le gouvernement risque de se faire taper sur les doigts par Bruxelles . ( Lire ci-dessous ) . Coincé par les promesses électorales de Chirac et un faible taux de croissance , Raffarin est sur la corde raide , incapable de trancher dans le vif . « Je ne veux pas laisser dériver les déficits et je ne veux pas imposer non plus aux Français l' austérité » , a -t-il déclaré hier . Une position incertaine de funambule qui ne sera pas tenable très longtemps .