_: FRANCE : APRÈS LA NOUVELLE CHARGE DE LIONEL JOSPIN Comment le Président-candidat peut se refaire Touché par les affaires , chahuté par les sondages , abîmé par le « Supermenteur » des « Guignols de l' info » , Jacques Chirac a encaissé , avant-hier , un direct au foie , asséné depuis les airs par Lionel Jospin . A 40 jours de l' élection , les confidences du candidat socialiste sur l' âge du capitaine , « la fatigue politique et la passivité présidentielle » de Jacques Chirac résonnent comme une nouvelle charge dans une campagne déjà transformée en ring . Au fond , les dires « spontanés » d' un Lionel Jospin en sweat-shirt dans l' avion entre La Réunion et Paris reprennent ses écrits « réfléchis » à propos du Président dans son livre « Le temps de répondre » ( Stock ) . L' écrivain Jospin est sans pitié sur les promesses non tenues , les erreurs diplomatiques , la passivité d' un Président « pas à la hauteur de sa tâche » . Avec cette nouvelle offensive portée dans le tam- tam médiatique , Lionel Jospin a -t-il enfoncé un peu plus son rival ou au contraire lui donne -t-il une occasion de relever la tête ? COGNER OU JOUER LE MARTYR ? Le champion de la droite est loin d' être à terre . La campagne est encore longue . Jacques Chirac s' est relevé de pareilles situations et , par le passé , a su encaisser avant de répliquer avec force . Il peut rebondir . Comment ? Chez les chiraquiens , parmi les parlementaires bien installés et plus encore dans le petit peuple gaulliste , on le presse de se lâcher , de cogner , de « casser du Jospin » . Dans la plus pure tradition du « bolchevik couteau entre les dents » , les étudiants du RPR distribuent déjà des tracts « Jospin trotskiste » . A l' Elysée , au contraire , il lui est conseillé de faire le dos rond , de répondre que Jospin « perd son sang-froid » et de persévérer dans la posture du rassembleur . Entre les partisans de la baïonnette au canon et les tenants de la cause du martyr , le président devra à un moment choisir . S' il décide d' encaisser , s' il répond trop mollement , Jacques Chirac peut en effet s' attirer cette « sympathie pour la victime » souvent payante en politique et faire passer Jospin pour le vilain qui passe son temps à lui taper dessus plutôt qu' à régler les conflits sociaux du moment . Mais il prend le risque , aussi , de renforcer l' impression de « fatigue » , le sentiment que ce candidat de 69 ans , maladroit devant un ordinateur et malmené à Mantes-la-Jolie par les jeunes , n' est pas l' homme de ce siècle . S' il réplique fort , il remobilise sa base , notamment la plus à droite . Mais dans une campagne transformée en boîte à gifles , il renoncerait à sa posture de Président . Et surtout , il s' exposerait à une campagne « oeil pour oeil , dent pour dent » sur tous les terrains . En plus du coup médiatique et du coup tout court , le Parti socialiste chercherait- il à pousser le Président et ses troupes vers cette issue ? La gauche dispose probablement de quelques réserves , sur les affaires notamment . En outre , les tracts anti- trostkistes du RPR sont de nature à lui rallier quelques sympathies à l' extrême gauche au second tout . ( François Hollande ne cache pas que les 8 % de Laguiller lui causent quelques soucis ) . Personne ne croira en tout cas que Lionel Jospin faisait confiance aux journalistes pour ne pas reprendre ses propos qui lui permettent de cibler un autre objectif . En concentrant le tir sur Jacques Chirac , il polarise la campagne du premier tour sur le duel entre les finalistes annoncés . Depuis les annonces des cohabitants , les intentions de vote pour les autres candidats , notamment celles en faveur de Noël Mamère et de Jean Pierre Chevènement ( - 2 % dans deux sondages hier et avant-hier ) s' éloignent de ceux des deux ténors . Comme Chirac à droite , le Premier ministre devient de plus en plus incontournable à gauche tout en disposant d' un plus grand réservoir que son adversaire . La campagne du premier tour tourne de plus en plus au duel Chirac- Jospin dans lequel chacun cherche à fracasser l' image de l' autre . L' âge de l' un , le passé de l' autre et les médias pour tout le monde . Reste à savoir si la confrontation des projets viendra après cette stratégie ... d' usure .