_: En déclarant " la mort de l' exception culturelle française " , Jean-Marie Messier avait soulevé un tollé dans les milieux de la culture . Le recul de Jean-Marie Messier Invité de France Inter hier matin , le PDG de Vivendi Universal a fait marche arrière en affirmant que ses propos ont été caricaturés et sortis de leur contexte . Il lance aussi l' idée d' une chaîne européenne de cinéma aux États-Unis . " L' exception culturelle française est morte . " Cette déclaration de Jean-Marie Messier , le PDG de Vivendi Universal , a mis le feu aux poudres et éveillé la colère des milieux culturels . En particulier ceux du cinéma , inquiets des ambitions économiques du patron du groupe français qui , il y a trois semaines , a racheté la chaîne USA Networks qui , rappelons -le , représente 84 millions d' abonnés outre-Atlantique . Alors que Canal Plus , que contrôle Vivendi-Universal , n' en a que 15 millions en Europe . On voit , dans ces conditions , où se situe le rapport de forces d' un groupe qui prétend être aujourd'hui en meilleure posture pour faire vivre le cinéma français en dehors de nos frontières . Une décision aussitôt accompagnée de la nomination du patron d' USA Networks , Barry Diller , aux plus hautes fonctions , comme directeur de toutes les activités télévisuelles et cinématographiques du nouveau groupe . Autrement dit les Américains sont en position de force . On comprend dès lors le tollé soulevé par les propos de Jean-Marie Messier qui , hier sur France Inter , a bien été obligé de faire marche arrière , sans pour autant regretter sa petite phrase malheureuse : " Je regrette le malentendu dans lequel beaucoup de gens ont trouvé commode de s' engouffrer en n' écoutant pas et en caricaturant , en sortant non pas une phrase mais une demi-phrase de son contexte . " Bref , il revient sur la forme sans rien changer du contenu de ses accords économiques , prônant la diversité culturelle alors qu' il vient de placer son groupe sous influence américaine . Qu' en sera -t-il de Canal Plus , la chaîne cryptée qui s' est engagée à consacrer 20 % de son budget à l' aide et au soutien du cinéma français ? Ce contrat , qui arrive à échéance en 2004 et qui a bien servi à l' avance sur recette de films comme le Fabuleux Destin ... , perdurera -t-il ou , au contraire , sous le poids du nouveau mastodonte en partie dirigé par des hommes d' affaires américains ne cachant pas leur volonté hégémonique dans le domaine des images du monde entier , mourra -t-il de sa belle mort et le cinéma hexagonal avec ? Hier , Jean-Marie Messier s' est voulu rassurant en déclarant que rien ne changerait de ce côté là , que Canal Plus continuerait à être le premier soutien du cinéma en France . Au moins jusqu'en 2004 . Après ? On devra rediscuter : " Aujourd'hui , la donne a changé ( arrivée du numérique terrestre hertzien , autorisation plus nombreuse de films , etc. ) . Vivendi et Canal Plus sont prêts à prendre leur part de financement du cinéma . On a une revendication simple et qu' on a le temps de mettre en place avec les pouvoirs publics et les gens du cinéma , c' est l' équité : mêmes obligations , mêmes devoirs . " Pour preuve de sa bonne foi , le numéro 1 de Vivendi Universal , lance l' idée d' une mise en place " avant la fin de l' année " de la première chaîne européenne de cinéma pour les catalogues mais aussi pour la création , diffusée sur le territoire américain : " On est dans une caricature totale . Dans le monde culturel , on a vécu sous le quasi-monopole américain . Aujourd'hui , on a un petit français qui essaie de tenir sa place en étant aussi fort aux États-Unis qu' en Europe . Au lieu de dire : " OK ! C' est une chance pour la France " , on prend notre vision traditionnelle en disant : " Y en a un qui réussi , ça doit cacher quelque chose . " Ce que ça cache , c' est la capacité que l' on a d' aider à la diffusion de la culture française en dehors de nos frontières . " Et Jean-Marie Messier de se positionner en défenseur de nos identités propres : " Aujourd'hui , il y a cette mondialisation dont on nous parle tous les jours , et le fait que chacun de nous recherche ses racines , son identité culturelle . La définition de notre métier , c' est de découvrir et de promouvoir des talents . Pour ça , il faut être capable de prendre le risque de la création . " Bref , tout va bien dans le meilleur des mondes . Mais alors les professionnels du cinéma , de la musique et du livre auraient rêvé , la productrice d' Amélie Poulain la première , qui récemment encore révélait que sans Canal Plus et l' aide de l' avance sur recettes , son long métrage n' aurait pu connaître un tel succès en France comme aux États-Unis . Jean-Marie Messier répond par l' argument principal que représente la création de la chaîne européenne de cinéma en Amérique : " C' est une chance ! " Au passage , on notera que pas un mot n' est dit sur les films d' auteur à petit budget du cinéma indépendant français , qui risque fort de passer à la trappe de la vaste " soupe globale " , victime du commerce du cinéma au plus grand dénominateur commun d' audience , plus prometteur de recettes publicitaires . Côté musique , Jean-Marie Messier cite volontiers Noir Désir ou Zebda en signe d' espoir d' ouverture au monde de ces groupes . Mais tant que tout se passera sur le terrain des écrans télé et Internet on risque aussi de ne pas faire le poids , faisait remarquer pour sa part le musicien de Jazz Patrice Caratini dans nos colonnes ( l' Humanité du 26 décembre 2001 ) : " C' est de la provoc ! " Face au tiède robinet d' une culture dominante journellement déversée sur les récepteurs du monde entier , pour lui la réponse serait " individuelle " . A chacun d' ouvrir ou de fermer le bouton des réseaux ? On voit que ça n' est pas si simple , devant la pression quotidienne des images et des sons complaisamment relayés en Europe et dans le monde . Un phénomène aujourd'hui d' autant plus accentué que Vivendi Universal Universal est - quoi qu' en dise son PDG - désormais partie prenante du lobby de l' industrie américaine du cinéma . Alors , l' exception culturelle française va -t-elle disparaître ? Non , assure le tout-puissant Jean-Marie Messier , dont le discours plus nuancé ne doit pas cacher qu' il a reculé sous la pression . Il a été obligé de tenir compte du fort mouvement de réaction des milieux culturels , qui n' entendent pas se laisser happer par la globalisation , sans pour autant vouloir être les acteurs d' une quelconque " réserve indienne " . Pas d' archaïsme donc , mais pas non plus de paroles soft qui tendraient à faire croire que diversité culturelle et business venu des États-Unis pourraient faire bon ménage . D' ailleurs Dominique Baudis , au nom du CSA , vient d' adresser une lettre à Jean-Marie Messier lui demandant quelles conséquences pourrait avoir l' acquisition de USA Networks sur le paysage audiovisuel français et en particulier sur Canal Plus . Réponse de l' intéressé : " Je lui ai confirmé que cette opération est purement une opération entre un studio et des chaînes de télé câblées aux États-Unis et que cela ne change en rien ni les structures d' organisation du groupe , ni le rôle de Canal Plus , ni la manière dont la chaîne est contrôlée . C' est une chance de plus donnée pour le cinéma français aux États-Unis et pas l' inverse . " Il serait bon maintenant que les hommes politiques s' engagent , en redoublant de vigilance sur ce qui pourrait bien apparaître comme un séisme culturel si on n' y prend pas garde .