_: La fabrique du consentement Avec Propaganda , le penseur américain Noam Chomsky fait retour sur les rapports entre les médias et la politique . Voilà un texte assez ancien du philosophe et linguiste Noam Chomsky : il date de 1997 , avait déjà été publié , mais sa lecture , après le 11 septembre et les élections en France , n' en devient que plus percutante Noam Chomsky , Propaganda , éditions du Félin , Danger public , 88 pages , 10 euros . Consulter également les archives Chomsky : www.zmag.org chercheur au MIT ( Massachusetts Institute of Technology ) creuse là un sillon déjà tracé : le rôle des médias dans la politique . Et les enjeux de société qu' il pose . Quels médias pour quelle société ? Or le quatrième pouvoir a souvent des allures de cinquième colonne dans une démocratie " Canada Dry " , où les citoyens sont maintenus dans une sorte de léthargie pour être appelés de temps en temps aux urnes , histoire de choisir parmi un éventail de spécialistes dont le mot d' ordre est : " La démocratie est quelque chose de trop sérieux pour être laissée au peuple . " Malin , Chomsky , s' il remonte au début du XXe siècle et dissèque les effets de la propagande outre-Atlantique , c' est pour mieux mettre à l' index l' ensemble des " démocraties " occidentales . Il évoque donc la commission Creel qui , sous les auspices du président Wilson , eut pour mission , en 1916 , de transformer un peuple pacifiste en une horde belliciste . Et ce grâce à une propagande dont les principes n' ont pas changé d' un iota : taire les arguments de l' opposition et jeter l' anathème sur l' ennemi idéal . Comme on ne change pas une équipe qui gagne , ces principes ont été à nouveau mis en branle au moment de la guerre du Golfe ou après le 11 septembre . Pour manipuler les foules , le politique doit faire peur et , faussement , se faire peur en faisant usage d' un Saddam Hussein ou d' un Ben Laden , avec la complicité de médias qui ne pousseront pas l' outrecuidance jusqu'à rappeler qu' ils étaient les alliés d' hier avant de devenir les ennemis de demain . Cette stratégie repose sur une conception foncièrement antidémocratique qui veut que , dans " l' intérêt du plus grand nombre " - en fait celui des élites - et du " bien commun " - accaparé par quelques-uns - , le pouvoir politique soit entre les mains d' un petit groupe . Paranoïa ? Hélas non : Walter Lippman , l' une des figures de proue du journalisme , dans la première moitié du XXe siècle , plaidait pour une " révolution dans l' art d' exercer la démocratie " , avec comme but la " fabrique du consentement " . Le peuple se voit taxé de " troupeau dérouté " réduit au rôle de " spectateur " . Qu' importe s' il se lobotomise devant le foot ou une sitcom , il faut tout faire pour éviter que les opposants se regroupent , que les non-dits s' entendent , que la population s' organise . D' où des processus éprouvés de dénigrement des mouvements sociaux ou politiques , d' anomisation et d' atomisation des individus , avec les médias comme contrôle social à domicile , à un degré tel que Chomsky assène que " la propagande est à la société démocratique ce que la matraque est à l' État totalitaire " . Le linguiste lance quand même quelques pistes pour résister , notamment les moyens alternatifs de diffusion de l' information ( Internet ... ) ou l' organisation par le biais d' institutions que l' État n' aura pas su liquider : les syndicats de ce côté -ci de l' Atlantique , l' Église de l' autre côté . Seuls reproches à l' ouvrage : sa taille et un argumentaire au pas de charge . Mais , dixit Chomsky , " la plupart des choses qui sont comprises peuvent être exprimés à l' aide de mots très simples et en des phrases très courtes . Mais si vous faites cela , vous ne devenez pas célèbre , vous n' obtenez pas d' emploi , les gens ne révèrent pas vos écrits " . Par ailleurs , s' il nous donne là un " manuel d' autodéfense intellectuelle " , ce dernier a parfois des allures de " bréviaire de manipulation des masses à l' usage de l' élite et des bien nantis " . Reste que , pour combattre un système , rien de mieux mieux que d' entendre , par un de ses plus farouches opposants , ses plus fidèles zélateurs ...