_: Sauver le cinéma en 68 Le cinéaste Jean-Henri Roger témoigne de son apprentissage auprès de Godard . Pour la première fois depuis 1985 on peut voir l' intégrale , à Nantes , grâce à l' association La vie est à nous , des films de Jean-Luc Godard , réalisés entre 1967 et 1979 , soit après le succès de la nouvelle vague et avant le retour des années quatre-vingt . que reste -t-il de ce moment assez formidable et rare pour une génération d' une expérience collective qui pose la question historique . Site Internet : " J' ai quitté Marseille pour Paris à la fin de 1967 . Mon père avait un copain photographe chez qui j' ai commencé comme apprenti . Je voulais faire du cinéma et j' ai alors fréquenté l' Institut de formation cinématographique , une école " idéaliste " fondée par l' équipe des Cahiers du cinéma , les Birch et Fieschi , entre autres . Je croisais déjà Jean-Luc dans les locaux d' Action , mais c' est là que je l' ai rencontré . Au bout de trois mois , j' ai arrêté d' y aller parce que je commençais à travailler avec lui . Un peu avant la fin de 1968 nous partons en Grande-Bretagne pour British Sounds , une commande de la BBC , en fait une carte blanche à Godard . Son idée de départ est très simple : montrer que le cinéma se fabrique simplement . Un magasin de film 16 millimètres contient 11 minutes de pellicule . Le film devait durer 55 minutes , donc il est constitué de 5 séquences destinées à filmer la parole ou le discours . Formellement , le groupe Dziga-Vertov naît en 1969 avec Vent d' Est mais très profondément , je pense que tous ces films sont des films de Godard . Jean-Luc , c' est un peu la fille de l' usine Wonder de Saint-Ouen qui ne veut pas rentrer en juin 68 . Dès avant 1968 , il remet en cause la production classique et sa propre place dans le cinéma , ce qui l' amène à vouloir " faire " avec d' autres gens que ceux avec qui il travaillait jusque -là , comme moi : j' avais dix-neuf ans , j' étais complètement dans la réalité du mouvement qui venait de se passer , j' aimais le cinéma . Je regardais , je disais ce que je pensais mais j' apprenais . Jean-Pierre Gorin , qui avait cinq ans de plus que moi et était normalien , avait des échanges plus conceptuels avec lui . C' est une période où j' ai surtout appris au plan moral . Jean-Luc est capable de tout pour faire un film , mais il ne cédera jamais sur ce qu' il veut faire et , concrètement , il a payé très cher toute cette période . Tout cela est important pour comprendre ses désaccords avec Truffaut . Il pensait qu' il fallait faire les films d' ailleurs et il l' a fait avec des gens dont il pensait qu' ils étaient cet ailleurs . On parlait d' ailleurs et différemment mais sans jamais renoncer au cinéma . Le paradoxe de cette époque est que les militants détestaient les films qu' on faisait . J' appartenais alors à une organisation maoïste , mais je ne leur montrais pas les films qu' on faisait avec Jean-Luc ! Le point de vue moral et esthétique de Godard était de ne jamais céder à la démagogie du contenu . Il existait une tenaille entre la fiction de gauche dégoulinante , pornographique et insupportable , et une espèce de croyance béate qu' il suffisait de mettre un ouvrier devant la caméra disant que le monde est dégueulasse . On avait à l' époque un flot ininterrompu d' images documentaires filmées par des gens qui ne se posaient jamais la question de ce qu' ils étaient en train de représenter . Les Straub , Huillet et Jean-Luc , eux , sont restés intraitables . D' un certain point de vue , ils ont gardé la maison du cinéma . C' est très important . Cela a produit des effets bien après et jusque dans les groupes de cinéma issus de 1968 : on faisait des films et non de l' agit-prop . Pour les gens de ma génération , cela a servi à apprendre qu' on ne monte jamais un plan dont on pourrait avoir honte , quand bien même il serait " efficace " . Et que le cinéma est une question de point de vue , de conscience de l' organisation du réel . Trente ans plus tard , le film d' Hervé Le Roux ( Reprise , NDLR ) est une sorte de miracle : Tout cela pose aujourd'hui la question : que reste -t-il de nos amours ? ... D' où mon projet de long-métrage , Code 68 , autour de cette idée de transmission : De cette période de maturation , de critique et d' expérimentation , le cinéaste Jean-Henri Roger ( Neige , Lulu ) a été un témoin privilégié . La seule manière qui m' intéresse est d' en parler aujourd'hui et donc à partir du jeune spectateur des films de Dziga Vertov , par exemple . Que voit -il ? Un bal d' ombres , un langage dont il ne comprend plus un mot ou quelque chose qui appartient au désir d' être un acteur de l' histoire ? " " Jean-Luc Godard , années politiques années oubliées " , jusqu'au 16 février . Jean-Henri-Roger interviendra dans le cadre de la manifestation ce jeudi 13 février , à l' issue de la projection , à 20 h 30 , de British Sounds . Le Cinématographe , 12 bis , rue des Carmélites , Nantes . Renseignements : 02 40 47 94 80 . Il nous livre quelques réflexions sur ce moment . festivalgodard.free.fr