_: OFF C' est la faute à VoltaireLa poésie de Jehan Rictus évoque avec délectation le Paris d' un autre siècle . Une balade dans ses rues à travers une belle galerie de personnages . Un homme , vautré sur une chaise , se réveille en sursaut . " M' sieur le commissaire . " Julien , cheveux en bataille , vieux marcel pas très net , un mouchoir pour éponger un nez pas joli joli , vient de commettre l' irréparable : il a suriné sa bergère , sa " margote " . Acte de jalousie , acte de folie après la découverte de " sa chérie " au bras d' un bellâtre du côté du pont de Grenelle alors qu' il venait de livrer un matelas . La scène se déroule dans le Paris du début du XXe siècle . La ville se remet avec peine de l' échec de la Commune , de la répression sanglante des versaillais . Et la langue de Jehan Rictus claque comme le pas des semelles en bois des ouvriers qui battent le pavé parisien pour se rendre au chagrin , un verre de méchant rouge au fond du ventre , histoire de se donner du courage . Cette langue du populo , cet argot parisien coloré riche en expressions , capable d' évoquer l' amour , la colère , la joie et le malheur , une langue vivante , irrévérencieuse qui marque de son empreinte la poésie de Jehan Rictus , auteur anarchiste né à Boulogne en 1867 . Un Rictus qui traînait ses guêtres du côté de Montmartre , au Lapin agile . Il était l' ami d' Apollinaire , de Max Jacob , Léon Bloy et de Paul Gauguin . La butte était alors un quartier qui abritait des ouvriers , des journaliers . La misère , les mauvaises conditions d' hygiène , on est loin de l' imagerie d' Épinal pour touristes en mal de sensations . L' écriture de Rictus est sans fioritures , mettant en scène des personnages souvent secondaires dans la littérature d' alors et , contrairement aux naturalistes , ne les enferme pas dans des rôles préétablis . Loin de tout manichéisme , il a brossé dans ses poèmes un univers qui n' établit pas de ligne de partage entre les méchants et les gentils . Denis Fouqueray , seul en scène , incarne remarquablement cette galerie de personnages savoureux et drôles , souvent pathétiques , la révolte chevillée au coeur et la faim qui tenaille le ventre . Il arpente la scène , vide de tout décorum . Parfois un limonaire égrène quelques notes de musique ; on entend des cris de mômes jouant dans la rue ; des femmes font leur marché dans le ventre de Paris - les Halles n' avaient pas été ensevelies pour faire place nette à un centre commercial . Un brin de nostalgie mais pas trop , une interprétation qui évite la caricature et les poncifs du genre pour jouer sur le registre de la nuance . Denis Fouqueray porte beau cette poésie joyeuse et débridée , donne à chacune de ces histoires une profondeur authentique dans le faire comme dans le dire . Une jolie performance à saluer . Avignon off . Cours populaires , de Jehan Rictus , mise en scène José-Antoine Marin . Au théâtre du Tremplin , 8 ter , rue Cornue . Réservations : 04 90 85 05 00 ou 06 85 05 14 36 .