_: Un programme qui manque de point de vue La programmation convenue , assez terne , même si elle recèle des perles , est relevée par la présence stimulante du groupe Tangophoto . Les perles ne manquent pas : la rétrospective du Japonais Naoya Hatakeyama , qui pénètre jusque dans le ventre des mégalopoles pour braquer de la lumière sur ses boyaux ; l' exposition Ito Josué , captant la ferveur à l' oeuvre sur les visages d' un public de théâtre dans les années cinquante ; la Suite d' Arles , de Corinne Mercadier , commande de la délégation aux Arts plastiques sur proposition du musée Réattu , qui tend vers l' éblouissement tant l' artiste a trouvé , en Arles , à fleur de toit et de minéral , ce qu' elle cherchait d' épuré , d' aérien pour ses atterrissages d' irréel ; " Mimésis " , l' épatante exposition sur l' apport de l' art conceptuel au renouvellement des critères esthétiques , conçue pour le 20e anniversaire de la création des fonds régionaux d' art contemporain . Les Bords du gouffre , d' Alain Willaume qui se confrontent , dans des univers crépusculaires pleins de grain , de menace , à l' absence , à la démission face au totalitarisme , à la guerre , et dégagent un sentiment troublant ; les Jours intranquilles , de Bruno Boudjelal , qui , parti pour l' Algérie sur les traces de son père , donne ses lettres de noblesse au journal intime , entre travail documentaire et autobiographique ; les Lignes d' horizon , d' Harry Gruyaert , qui nous plongent dans l' esthétique très sensuelle d' un grand coloriste et nous réconcilient avec le monde ; le formidable travail de terrain d' Éric Larrayadieu , qui , au sein du collectif La Forge , a restitué aux habitants du val de Nièvre , en Picardie , un peu d' une histoire glorieuse devenue douloureuse à force d' être malmenée par le chômage ... Il y a aussi , bien sûr , la collection du producteur et cinéaste Claude Berri , qui , passé de la peinture à la photo , affiche un goût singulier pour l' abstraction sublimée par la lumière : ces trésors , ces vintages rares sont , à travers quelques très beaux ensembles sur Man Ray , Brassaï , Ubac , Claude Cahun ... à découvrir absolument . Tout un pan de l' histoire de la photographie défile ainsi sous nos yeux , avant d' être à nouveau soustrait aux regards , alors , profitons -en ! Ces expositions , choisies parmi d' autres , médiocres ou décevantes , font plaisir . Et c' est tant mieux ! Mais un programme , aussi inflationniste soit -il , ne fait pas une programmation . Et une thématique , trop souvent fourre-tout , ne sauverait pas la mise de ces Rencontres un peu ternes . Ce qui manque , ce serait plutôt une unité , quelque chose comme l' affirmation d' un point de vue , qui , n' excluant aucun des champs de la photographie ( du photojournalisme à l' art contemporain , en passant par la photo documentaire ) , partirait à la découverte de nouveaux talents , accompagnerait le cheminement de photographes qui ouvrent des pistes , qui créent , chemin faisant , des outils critiques de l' histoire des représentations . Il y a pourtant un miracle lors de ces Rencontres . L' excitation , le frisson qui font défaut à une programmation bien convenue , les festivaliers , en cherchant bien , l' ont finalement dénichée , au bout de quatre-cinq jours , et grâce au bouche-à-oreille , à l' entrée des 8 000 m2 de friches SNCF , au seuil d' un nouveau lieu d' exposition excentré . Là , dans un humble local fort bien équipé par les galeries photo de la FNAC , et sous la houlette de Claudine Maugendre , deux groupes de photographes , les Belges de Blow up et ceux de Tangophoto , venus des quatre coins du monde , proposent , via l' image , de sacrés échanges de points de vue . Arrêtons nous un instant sur Tangophoto , groupe atypique de huit jeunes photographes utopistes qui se sont reconnu valeurs , affinités et parti pris depuis 1996 sur le Web . Pas de local , de breafing , de réunion hebdomadaire . Surtout pas de collectif . Aussi bizarre que cela puisse paraître , les quatre Français ( dont une fille ) , le Suisse , le Tchèque , l' Argentin et le Japonais viennent de se rencontrer pour la première fois à Arles . " C' est physique , dit Olivier Thébaud . Au bout de trois minutes , entre nous , c' était bon ! " Ils sont frais . Ils ont une manière bien à eux d' être au monde . Ils se posent des questions plus qu' ils n' apportent de réponses . Ils se demandent qui ils sont , trouvent que plus ils avancent plus c' est vague . Le Japonais Hisachi Murayama , qui installe un cadre radical , communique en espagnol avec Fred Jacquemot , qui vient de " mettre ses tripes , sa vie " à tenter pendant cinq ans de comprendre les soubresauts de l' Amérique latine , lieu de " la conscience politique populaire " . Olivier Thébaud qui a fait , en Palestine , un travail qui ne marche dans aucune des plates-bandes habituelles de ce genre d' exercice ( un livre va sortir chez Actes Sud ) , a du mal à comprendre pourquoi on n' efface pas les croix gammées sur les murs et veut s' incruster en Pologne . L' Argentin Pablo Carrera Oser est devenu la coqueluche d' Arles depuis que Sarah Moon et Dominique Issermann se sont entichées de ses images . Ainsi fonctionnent ces jeunes gens qu' attirés vers les lieux d' effervescence des nouveaux modes de pensée , des nouvelles pratiques , ils font passer ce questionnement dans leurs photos et dans leur esthétique . À suivre ... www.tangophoto.ch