_: null Première édition du marché et festival musical itinérant Strictly Mundial . Après Saragosse et Salvador de Bahia , la cité phocéenne invite à nous ouvrir sur les musiques du monde , cette année fortement représentées par l' Algérie . Et si on s' amusait à redessiner le monde , à inventer un espace sans frontière , où chacun , à défaut de s' aimer , pourrait au moins s' écouter ? Susciter l' imaginaire par la connaissance de l' autre , voilà le credo du Strictly Mundial , dont c' est la première édition en France . Après Saragosse ( Espagne ) et Salvador de Bahia ( Brésil ) , c' est à Marseille que sont réunis , depuis mercredi , les professionnels des musiques du monde . Marché ( dans la journée ) autant que festival world itinérant ( le soir dés 20 heures ) organisé à l' initiative de Fiesta des Suds , le Strictly a programmé cette année 70 concerts ouverts au public , se déroulant pour l' essentiel au Docks des Suds ainsi que dans différentes salles partenaires telles l' Exodus , le Balthazar , l' Intermédiaire ou encore la Cité de la musique de Marseille . Forte de ses 2 600 ans d' histoire , la cité phocéenne a été choisie comme cadre des festivités car elle est , depuis toujours , une terre d' accueil . Colonie grecque , cité entretenant commerce et relations politiques avec Rome , la ville a connu au cours des siècles , l' arrivée de nombreuses communautés - italienne , arménienne , maghrébine - qui ont apporté successivement , leur richesse culturelle . Elle fait aujourd'hui toute la modernité de Marseille , ville aux mille coutumes , devenue un carrefour européen fort de la diversité de sa population : " Nous avons choisi Marseille comme lieu d' accueil , explique Bernard Aubert , directeur artistique du Strictly , parce que la ville est marquée par les musiques du monde . Nous avons beaucoup de groupes issus de tous les styles . " Mais , qu' entend -on par musique du monde ? Pour François Bensignor , responsable du Centre d' Information des musiques traditionnelles à l' Irma et coordinateur du Guide Totem , les Musiques du monde récemment paru chez Larousse " Elles peuvent être tour à tour des pièces de tradition orale attachées à un terroir particulier , certaines relevant du collectage d' éthno-musicologues , des oeuvres provenant des grands répertoires de musiques savantes non occidentales ( indiennes , persanes , ottomanes , arabes , andalouses ) , des productions contemporaines de musiques populaires plébiscitées dans leur pays où leur région d' origine ( Caraïbes , Afrique , Brésil ) " . Il y a dans ce brassage culturel , le désir de faire connaître les racines de son propre développement . Au coeur de cette cartographie musicale , producteurs , directeurs de festivals , agents artistiques sont là , non seulement pour réaliser leur marché , mais également pour se faire les passeurs des rêves protéiformes d' artistes trop souvent ignorés des médias . Pourtant , explique Bernard Aubert , " le marché des musiques du monde est un des rares , en ce qui concerne les ventes de disques , qui soit en plein développement , comme l' électro ou la chanson française " . De ce point de vue , la France aura beaucoup fait depuis des années en accueillant et en développant les productions étrangères : " Il y a une responsabilité de la production française par rapport aux artistes mondiaux - on le voit par exemple avec les Algériens , les Africains ou d' autres - qui viennent en France avec l' espoir de produire leur CD et demander aux producteurs français de devenir l' élément coordinateur de tout ça . " Des labels comme Naïve , Next Music , Night & Day , ont ainsi beaucoup participé à l' essor de la world , faisant de l' Hexagone un vivier d' artistes du monde , qui , ici , peuvent donner corps à leur expression artistique : " La France est à égalité avec la Grande-Bretagne , qui a énormément de production autour des musiques de l' Inde ou du Pakistan , ses anciennes colonies . Mais , nous sommes en train de la doubler dans le sens où nous respectons les langues d' origines , ce que ne font pas les britanniques , qui demandent très souvent aux artistes de s' exprimer en anglais . " Face au développement des musiques formatées façon Star Academy , la world tente depuis des années de se frayer un chemin loin des réseaux commerciaux , un peu à la manière du mouvement altermondialiste , en invitant à découvrir les courants éthno , qu' ils viennent d' Europe ( Boban Markovic Orckestar ) , d' Asie ( Yengi Yol ) , d' Inde ( Calcutta Chandra ) , d' Afrique ( Viviane N' Dour ) ou du bassin méditerranéen ( Mika , Naab ) . S' ils doivent se garder des risques de " folklorisation " , tous essaient de faire entendre leur particularisme sonore . Pour Bernard Batzen d' Azimuth Production , directeur aux côtés de Geneviève Girard du festival " les Méditerranéennes " d' Argelès-sur-Mer , il est essentiel de populariser les musiques du monde auprès du grand public : " C' est vital . Les échanges , le développement de la circulation des artistes à travers l' Europe , les confrontations des cultures ... tout cela est porteur de valeurs d' ouverture , de tolérance qui sont essentielles . En ce sens , les pouvoirs politiques en général ne supportent pas assez toutes les initiatives qui sont prises par les professionnels du spectacle " . Si lui aussi pense que la France a toujours été un grand centre des sonorités venues d' ailleurs , il regrette toutefois que le raï , après avoir connu un grand succès populaire à l' époque du concert Un , deux , trois Soleil ( avec Khaled , Cheb Mami , Rachid Taha et Faudel ) soit " en train de retourner dans un ghetto communautaire et c' est un peu la même chose pour la musique africaine " . La raison ? " Il y a un repli des maisons de disques . Il y a eu aussi un gros blocage des media qui n' ont pas suivi au moment où il y avait des possibilités d' ouverture sur ces musiques . Les grands réseaux sont restés frileux et il n' y a toujours pas de magazine , ni d' émission de télévision ou de radio sur les musiques du monde . Le couvercle , s' il a pu être levé à un moment , est retombé . Ce n' est pas un constat d' échec . Je pense que c' est ponctuel . Ces musiques sont tellement fortes qu' elles trouveront sûrement d' autres moyens d' exister " . Côté programmation , le Strictly a souhaité offrir une large place aux musiques de la Méditerranée ( Amina Alaoui , Dusminguet , Savina Yannatou ... ) du Proche-Orient ( Sheva ) ou du Moyen-Orient ( Bijan Chemirani ) en mettant notamment en lumière les productions d' Algérie à l' occasion de " Djazaïr , une année de l' Algérie " par la présence d' une importante délégation d' artistes algériens ( Rym , Hasna El Becharia , Marzoug , Cheb Adel ... ) . " C' est une bonne chose , même si l' année de l' Algérie est aussi très controversée , dit Bernard Batzen . Je pense que c' est normal car de l' extérieur , elle semble être une manifestation officielle largement soutenue par les pouvoirs en place des deux pays de la Méditerranée , que des minorités s' expriment et refusent de cautionner une politique officielle . En l' occurrence , je comprends l' attitude des Kabyles . C' est légitime . En même temps , pour moi , ça ne met pas en cause l' utilité de la manifestation . Tout ce qui peut rapprocher les deux rives de la Méditerranée est utile " . Enfin , les productions françaises sont également mises en valeur par le Strictly Mundial qui accueille onze groupes locaux ( Dupain , Massilia Sound System , etc. ) programmés dans le cadre de la scène " Provence-Alpes-Côte-d'Azur " . Une production nationale , qui se porte de mieux en mieux à l' étranger comme le montrent les chiffres enregistrés entre 1993 et 2003 , passés de 4 millions d' albums vendus à 39 millions hors de nos frontières ( Air , Gotan Project , Manu Chao , Daft Punk ... ) . Un résultat qui ne peut que réjouir Gaëlle Heurtebis , responsable du département world music au Bureau Export de la musique française : " Nous sommes présents dans différents marchés comme le Midem à Cannes ou le Womex à Berlin , afin de donner un espace de visibilité aux artistes que les maisons de disques souhaitent développer à l' international . Notre mission est de relayer l' information à l' étranger , de mettre les gens en contact , de faire la proposition d' artistes français à nos différents interlocuteurs . Les gens qui travaillent au coeur de ces musiques sont des militants qui connaissent bien leurs artistes . Un marché-festival comme celui -là est un lieu d' échange et de partage . C' est plus qu' un salon . Quant à Marseille , c' est une ville qui bouge beaucoup . C' est idéal parce que c' est non seulement un lieu de métissage , mais également un endroit pratique que l' on rejoint facilement en train ou en avion " . En attendant les prochaines éditions du Strictly qui auront lieu l' année prochaine à Istambul , puis à Montréal avant de revenir , espèrent les organisateurs , en 2006 à Marseille . Jusqu'au 1er mars au Dock des Suds , 12 , rue Urbain-V , 13002 Marseille . Renseignements : 08 25 83 38 33 .