_: Photographie . Exposition " No Pasaran ! " aux Invalides . L' album photos des Brigades internationales Ces images rescapées de la guerre d' Espagne entrent en résonance avec ce qui se passe aujourd'hui en Irak . En ces temps troublés , plonger dans les archives photographiques des Brigades internationales prend un sens particulier . On s' aperçoit que malgré les apparences , les progrès technologiques , l' apparition de la télévision , les enjeux n' ont pas changé . On réalise que cette exposition , ce livre entrent en résonance singulière avec le déluge d' images qui accompagne , à nouveau , aujourd'hui , les circonstances dramatiques de la guerre en Irak . La guerre d' Espagne marque en effet un tournant dans l' histoire des rapports entre presse et photographie . Si les photoreporters font leur apparition sur les théâtres d' opération dès la guerre de Crimée , c' est véritablement avec la guerre d' Espagne , premier conflit de l' ère des médias , que la guerre des images commence . La presse , alors en plein développement , affrète des avions spéciaux bourrés de journalistes et d' opérateurs photographes . Ces derniers , qui choisissent majoritairement le camp républicain , agissent en militants , distribuant leurs photos , acceptant que la propagande s' en empare . Les Brigades internationales , peut-être parce que leurs héros , braves et photogéniques , sont toujours en première ligne , peut-être parce qu' elles incarnent un certain romantisme , prennent une place à part dans la relation iconographique du conflit . Pourtant , près de soixante-dix ans après , quelles images en subsistent dans les têtes ? À part la fameuse icône de Robert Capa montrant un milicien tombant foudroyé , à part la Pasionaria haranguant les brigadistes , qui peut citer une seule photo ? Jusque -là , on n' avait guère entrepris de rassembler les images éparses retraçant l' épopée mythique des quelque 35 000 volontaires qui , venus de plus de cinquante pays d' Europe et d' Amérique , s' engagèrent dans cette utopie internationaliste aux côtés des républicains espagnols . C' était sans compter avec trois hommes qui , chacun à leur façon , ont relevé le défi et réuni leurs efforts pour produire un livre excellent et une exposition attachante . L' historien Rémi Skoutelsky , le photographe et historien de l' art François Fontaine , le journaliste et collectionneur Michel Lefebvre engrangent patiemment , depuis des années , de quoi redonner chair et sang aux fougueux brigadistes . Engagés à fond dans ces recherches , ils avancent à tâtons , faisant émerger là un document enfoui à Moscou dans les archives du Komintern , là une petite photo souvenir aux bords blancs dentelés , pieusement conservée aux côtés d' autres trésors familiaux , ici un reportage paru dans Time , Regards , Paris Soir ou l' Humanité ... Procédant tels des détectives , ils écument ainsi les archives du Parti communiste d' Espagne , de l' International Center of Photography de New York , des bibliothèques et instituts d' histoire sociale européens . Ils voyagent , rencontrent les héritiers , scrutent les albums photos privés , tombant un jour sur une pépite , faisant chou blanc le lendemain , déplorant les destructions opérées par les franquistes , déterrant souvent des énigmes qu' il faut re contextualiser , recréditer , s' ils veulent relancer l' enquête et donner des ailes à des investigations longues , ingrates et improbables . Leurs bonheurs sont de plusieurs ordres . On imagine , ainsi , leur jubilation lorsqu' ils retrouvent , dans les archives personnelles du grand patron des Brigades , André Marty , confiées avant sa mort à l' historien Jean Maitron , cette extraordinaire image inédite montrant une poignée d' adolescents couchés au sol à proximité d' une bombe non explosée , lors d' un bombardement de jour , rue Alcala à Madrid . Cette photo , signée Mayo , et qui figure sur la même planche contact que trois autres clichés de cette même scène sidérante parus dans Match du 17 novembre 1938 , permet de remonter la piste de Foto Mayo , petite agence photographique tenue par deux fratries , Francisco , Julio et Candido Suza d' un côté , Faustino et Pablo del Castillo de l' autre , baptisée de la sorte en 1934 en référence à la fête des travailleurs . Ainsi découvrent -ils que l' auteur des photos sera lui-même blessé , ce jour -là et que bien plus tard , la petite équipe , exilée au Mexique , se reformera sous le nom de Hermanos Mayo avant de devenir l' une des plus importantes agences photo d' Amérique latine . Autres découvertes fabuleuses : l' affiche de soutien du graphiste Paul Colin , plus connu pour ses publicités , une photo d' Errol Flynn , venu prendre la pose , en Espagne , aux côtés des brigadistes , de Duke Ellington se produisant lors du premier anniversaire de l' Amicale des volontaires américains ... lesquels n' étaient les derniers ni dans les services sanitaires , ni dans le bataillon Washington , dirigé par Oliver Law , premier officier afro-américain de l' histoire à commander des compatriotes blancs . Parmi les photos qui retiennent l' attention , l' arrivée à Madrid , le 9 novembre 1936 , des Hongrois de la 11e brigade . Décidés . Un peu frustres . Quelque chose de ce qu' il adviendra - ils seront bientôt les acteurs de véritables missions suicides - passe dans cette image brutale , extraite des archives du Parti communiste d' Espagne , parmi des centaines d' autres relatant les batailles de Madrid , de Teruel , la Despedida de Barcelone , le Congrès des écrivains à Valence ... Les Hongrois , d' ailleurs , ne s' en tiendront pas là . Ils abattront d' autres cartes déterminantes . À la tête d' une véritable brigade de photographes , leur meilleure carte , c' est , bien sûr , Robert Capa qui , encore tout jeune , met ici en place cette fameuse esthétique , faite de proximité , d' intensité qui fera , plus tard , sa signature . Son reportage dans le métro de Madrid est , de ce point de vue , édifiant . Mais la trouvaille géniale de l' exposition , c' est l' autre reporter hongrois , inconnu , celui -là : Dezvo Révai dit Turaï qui suit les hommes au front , filme à Albacete aux côtés des Espagnols Luis Escobar , Tendero ou Belda , travaille comme photographe officiel du commissariat politique des Brigades et poursuivra cette activité , une fois interné au camp français de Gurs , avant de participer , en France , à la Résistance . Une autre personnalité émerge , discrète et attachante , c' est celle de l' universitaire français Alfred Brauner , chargé , par Luigi Longo , de superviser les homes d' enfants financés par la solde des volontaires . Avec Turaï , justement , il confectionne l' album los Ni& 194;& 164;os espanoles y las Brigadas internacionales et deviendra , plus tard , comme pédopsychiatre , spécialiste des traumatismes liés à la guerre chez les enfants . En fait , chaque photo de ce livre , de cette exposition est une rescapée , précieux trésor sauvé de cette boucherie , de la censure , des destructions franquistes , des autres hécatombes à venir ... Musée d' histoire contemporaine , BDIC , cour d' Honneur des Invalides . 75007 Paris . Tél. : 01 44 42 38 39 . Jusqu'au 14 juin . Du mardi au samedi de 10 heures à 13 heures et de 14 heures à 17 h 30 . Le dimanche de 14 heures à 17 h 30 . À lire : Les Brigades internationales , de Michel Lefebvre et Rémi Skoutelsky . Éditions du Seuil , 45 euros . La Guerre d' Espagne , un déluge de feu et d' images , de François Fontaine . Coédition BDIC , Berg International 22 euros . Robert Capa Éditions Jean-Claude Lattès , 22 euros .