_: Exposition . Démons et merveilles de l' art populaire Le Pavillon des arts présente " Algérie , mémoire de femmes , au fil des doigts " . Poteries , vanneries , costumes , tissages ou tapis sont autant de trésors du quotidien . Naissance , vie et mort , souffrance , victoire et fierté . Signes , motifs et couleurs traversent l' obscurité des mythes et nous parviennent sur des objets quotidiens que des femmes ont mis au monde . Leur exécution puise autant à l' habileté qu' à la recherche esthétique pour faire oeuvre de transmission des mémoires collectives aux sens parfois oubliés . L' exposition du Pavillon des arts accueille quelque deux cents oeuvres réalisées essentiellement par des femmes , entre le XVIIIe et le début du XXe siècle . Les salles s' enchaînent en thématiques et géographies qui n' obligent à aucun parcours . Elles épousent les couleurs de la terre ou de la nuit , celles des pigments , des paysages et des matériaux . Ocre de terre , pourpre protectrice , jade du bonheur , sagesse de l' indigo , jaune solaire , partout ou presque dans ces décors très simples , une semi-pénombre laisse apparaître les objets présentés comme dans des halos où se focalisent les formes , teintes , symboles , et leurs compositions . À l' entrée , le visiteur a reçu une liste des principaux pictogrammes utilisés dans les arts appliqués , petit passeport qui n' abolira ni le mystère ni ses charmes . Il peut ensuite choisir d' entamer son voyage par le monde rural et nomade ou par l' univers citadin , distribués en deux sections principales avec en leur coeur des espaces réservés au monde des Touaregs et à celui des oasis . L' émerveillement se file partout , d' un héritage culturel qui peut remonter jusqu'au néolithique et s' est transmis en secret , de mère en fille , " au fil des doigts " , et nous aimante par son silencieux langage . Vouées aux tâches domestiques auxquelles ressortit la fabrication d' objets utilitaires , les femmes algériennes , dans la culture traditionnelle , sont également dépositaires d' un savoir ésotérique dont elles assuraient la survivance . Spécialistes de tous ordres bûchent encore pour éclairer les significations des nombreux motifs récurrents qui se dessinent aux flancs des vases ou dans l' alphabet complexe des broderies . Leur tâche est d' autant plus délicate que les artisanes ne connaissent pas toujours les significations des motifs qu' elles utilisent ou ne tiennent pas à les dévoiler . Restent pour l' amateur la puissance que tout symbole recèle , la beauté en exercice , leur conjugaison qui transcende les codes , métamorphose l' humilité d' une cruche d' argile modelée dans un lointain village par une femme dont nous ignorons le nom . Pendant toute l' époque coloniale , les objets de ce type n' étaient appréciés qu' à l' aulne de leur valeur décorative , certaine . Nombre de thèmes , comme le culte de la nature , celui des morts ou la fécondité ont pourtant une dimension universelle . On en retrouve les motifs dans ce qui forme non seulement un fonds commun des traditions algériennes mais au-delà , de toutes les cultures dites " primitives " , chinoise ou précolombienne . Le vocabulaire et son interprétation n' en deviennent pas pour autant lisibles . Ainsi du losange , considéré comme le symbole féminin dans toutes les cultures . On le rencontre ici sur un plateau de vannerie de l' Atlas , une cruche vernissée de Grande Kabylie ou en double frise le long d' un baudrier touareg brodé . Dans une contribution au catalogue de l' exposition , Marie- France Vivier , conservateur responsable des collections et de la muséographie d' Afrique du Nord au musée du quai Branly , dessine quelques pistes . Ce losange qui représente la vulve , la matrice , représenterait par extension le passage initiatique dans le ventre du monde . Dans sa forme allongée , il symboliserait l' union des sexes mais également les échanges entre le ciel et la terre . Le losange fermé pourrait représenter la femme vierge ; ouvert , c' est la femme mariée prête à l' enfantement . Accolé à un triangle , le losange pourrait figurer une copulation - comme aussi le motif du sablier - mais , pour d' autres chercheurs , il serait , lorsqu' il est marqué d' une fente ou d' un trait , une représentation de l' oeil symbolisant l' envie et la méchanceté . Dès lors , il faut s' en prémunir et le neutraliser par une main . Elle peut apparaître sous forme de cinq losanges groupés . D' autres interprétations , là encore , tendent à conférer au réseau de losanges l' image du campement de tentes , ou celle de la grille posée sur le sol afin d' empêcher les esprits souterrains , les jnoun , de pénétrer dans la maison . Génies effrayants mais parfois bénéfiques . On voit que la métaphore emprunte des voies multiples , sans oublier que les artisanes prélevaient aussi les éléments de leurs travaux à leur environnement quotidien , fleurs , insectes , paysages et objets de la vie féminine . Thèses et hypothèses sont aussi variées pour ce qui concerne les couleurs , du blanc initiatique qui peut symboliser la pureté mais que d' aucuns associent à la sécheresse et à la stérilité , au rouge prophylactique en passant par le vert du Prophète , emblème du salut - mais tisseuses et potières avaient à l' oeil et à l' esprit le blanc de la neige , le vert du printemps et le jaune du sable qui les entouraient . Leur imagination et la nôtre peuvent se croiser dans ce dédale auquel elles s' attachent à donner formes expertes . " Algérie , Mémoire de femmes , au fil des doigts " . Au Pavillon des arts jusqu'au 1er février . Tous les jours sauf lundi et jours fériés , de 11 h 30 à 18 h 30 . Les Halles , porte Rambuteau , terrasse Lautréamont . Métro ou RER Châtelet-les-Halles . Catalogue 128 pages , 100 illustrations couleur , 29 euros .