_: Cherchez l' erreur ... ( Tout au long de son intervention , le premier ministre a soufflé le chaud et le froid , rassurant d' une main , dramatisant de l' autre ) Au lendemain des imposantes mobilisations unitaires du 1er février , le premier ministre savait qu' en s' attaquant au dossier des retraites , il marchait sur des oeufs . En présentant , hier , le calendrier et la méthode de la réforme , il s' est donc employé à avancer à pas comptés , tel un démineur qui risque de sauter à tout moment , à la moindre erreur d' appréciation . Pour commencer , tout y est passé : un coup de chapeau au Conseil économique et social , " haut lieu de la démocratie sociale " ; un hommage solennel au Conseil national de la Résistance et aux fondateurs de la Sécurité sociale ; un clin d' oeil aux manifestants ... Dans un élan de démagogie dont il s' est fait une spécialité , le premier ministre s' est même emporté : " Pour sauver le système par répartition , je signe la pétition . " À cet instant , l' image de Jean-Pierre Raffarin acclamé par l' assemblée générale du MEDEF le 14 janvier dernier , tombant dans les bras d' Ernest-Antoine Seillière , nous revenait en mémoire . Cherchez l' erreur ... En vérité , une fois l' emballage déroulé , Jean-Pierre Raffarin a dévoilé , pièce après pièce , l' ensemble du puzzle qu' il compte bien assembler au complet dans la loi qu' il veut faire adopter d' ici l' été . Pour faire passer la pilule , il réfute l' argument des " privilégiés du public " , cher à ses amis du MEDEF , mais c' est aussitôt pour glisser qu' il faudra harmoniser la durée de cotisation . Le premier ministre n' a même pas besoin de préciser dans quel sens . Lui qui signait la pétition pour la répartition en début d' intervention , finit tout de même par prôner un recours accru à l' épargne retraite sous couvert de liberté . Une liberté de choix qu' il invoque encore pour ouvrir la porte au recul de l' âge de départ , après avoir garanti , quelques minutes plus tôt , son attachement à la retraite à 60 ans . Et tout à l' avenant ... Toutes les précautions prises par le premier ministre ne pouvaient masquer une évidence : le gouvernement a tiré un trait sur les perspectives de croissance et d' emploi . Pas un mot non plus sur de nouvelles sources de financement . Tout devra donc se jouer pour lui autour du trio infernal : baisse des pensions ; augmentation des cotisations ; allongement de la durée du travail . Jean-Pierre Raffarin , à l' image d' Édouard Balladur en 1993 , parle de réforme progressive , histoire d' amortir le choc , mais la voie montrée du doigt est exactement la même . Dix ans plus tard , les salariés du privé sont payés pour savoir où cela nous mène . Tout au long de son intervention , le premier ministre a soufflé le chaud et le froid , rassurant d' une main , dramatisant de l' autre , parlant à trois reprises d' un " système déstabilisé " , et décrétant presque autant de fois " la réforme a trop tardé " . Jean-Pierre Raffarin avait beau afficher sa détermination , il n' était manifestement pas à son aise . Il a pris la mesure de la vigilance des Français . Je sais , a -t-il confié , " que la complexité du sujet inquiète " . En vérité , c' est sa propre inquiétude qu' il laissait percer . Le chef du gouvernement se déclare décidé à avancer coûte que coûte , mais le ton adopté montre que la mobilisation des Français peut tenir en respect ses intentions . Et peut-être même bien plus , imposer au pouvoir une réforme inverse à ses prétentions rétrogrades . Ce n' est pas le moment de baisser la garde .