_: La zizanie Le référendum n' a rien à voir avec on ne sait quel désir d' être français ou pas - et c' est scandaleux de le suggérer - , mais tout à voir avec le remodelage libéral de la France tout entière . Vous êtes invités à donner votre avis , mais à une condition : que ce soit le nôtre . C' est grosso modo ce que ce pouvoir ne cesse de marteler aux Corses , depuis des jours . Et ce n' est qu' un avis , pour un référendum consultatif . Qu' est -ce que ce serait s' il s' agissait d' une décision ! Je suis convaincu , a redit hier Nicolas Sarkozy , " qu' ils ne feront pas le choix du pire " . C' est qu' ils en seraient bien capables , si on les laissait faire . Car c' est connu , le Corse , par on ne sait quelle prédisposition génétique , sans doute , a une propension à aller contre ses intérêts . On lui propose le oui . Il pourrait bien choisir le non . C' est à ne rien y comprendre . D' ailleurs Jacques Chirac lui même l' a dit : " Je sais que la grande majorité des Corses veulent rester français . Il serait incompréhensible , au moment où on leur demande de le confirmer , qu' ils ne le fassent pas . " Incompréhensible . Car , en fait , ce référendum , il faut le leur expliquer longtemps , semble , est un examen de passage . Les Français , ceux qui veulent le rester votent oui . Ceux qui votent non ne le sont pas . On plaisante . C' est dramatique . Ce pouvoir , le premier ministre ne cesse de le confirmer par ses " dérapages " , est hanté par les logiques de l' exclusion , de la stigmatisation , de la mise à l' écart , la volonté politique de la zizanie . Pour mieux gouverner , à sa manière . La zizanie . Dans un film bien sympathique du même nom , Louis de Funès , en maire despotique d' une petite commune , s' adresse ainsi , en substance , à un couple de jeunes mariés : " Voulez -vous prendre Joséphine Dupont pour épouse et voter pour moi ? " Mais qu' ont donc fait les Corses pour être soumis à un chantage similaire , au total assez odieux et faisant dire , même à des élus de droite , que le chef de l' État et le gouvernement les prennent pour des sots . " Voulez -vous confirmer que vous épousez bien la République en votant pour moi , pour ma politique , pour ma décentralisation en trompe l' oeil ? " Mais ce n' est pas un film . Ce n' est pas drôle et c' est aussi un mensonge , car les nationalistes , qui n' ont jamais condamné l' assassinat d' un préfet de la République , sont aussi dans le camp du oui . Pourquoi , d' ailleurs ? Parce que cette fausse décentralisation , dans la logique du projet Raffarin pour l' ensemble des régions de France , c' est moins de République , moins d' État de droit , moins de services publics et davantage de libéralisme , davantage de passe-droit , d' arrangements . C' est être maître chez soi , mais pour ceux qui tiennent les rênes , ce qui fait le beurre des nationalistes . C' est plus de droits pour la finance , les affaires , les combines , la marchandisation de l' île . Ce n' est pas un hasard si Alain Juppé , hier , rameutant ses troupes , est allé parler , à la chambre de commerce et d' industrie de Bastia , de zones franches et de défiscalisation . Mais c' est bien précisément parce que c' est cela que les Corses comprennent de mieux en mieux , comme on le comprend de mieux en mieux sur le continent , que le gouvernement redoute le résultat de dimanche . Au point que Jacques Chirac a cru devoir recommander aux Corses , comme on le ferait à des enfants ou à des immatures , " de ne pas se tromper de débat " . Bien sûr qu' il redoute maintenant que les Corses , comme le continent , fassent le lien entre retraites , décentralisation Raffarin , mise en cause de l' éducation nationale et des services publics , offensive contre les acquis sociaux . Il le redoute justement parce que c' est cela , sa politique . Ce référendum n' a rien à voir avec on ne sait quel désir d' être français ou pas - et c' est scandaleux de le suggérer - , mais tout à voir avec le remodelage libéral de la France tout entière , dont la Corse , voulu par l' équipe en place . Elle a fait de l' île un laboratoire et veut tirer d' un oui qu' elle tente d' arracher une légitimité pour aller plus avant , partout en France , dans son entreprise . Un non puissant , dimanche , serait salutaire pour la Corse et salutaire pour la nation .