_: Chapeau ! Les manifestants qui étaient dans la rue hier ne défendent pas un privilège , mais une certaine ambition sociale pour notre pays . Les succès , quand ils sont nets et sans bavure , ne se discutent pas . On les salue , un point c' est tout . Celui de la manifestation nationale des gaziers et électriciens pour la défense du service public est de ceux -là . Incontestable et incontesté . Hier matin , avant que ne débute la manifestation , l' éditorialiste du Figaro , en prévision du succès annoncé , tournait autour du pot . Vantant d' abord la qualité du service public à la française " cette tradition , cet état d' esprit , cette institution presque " , il regrettait que ce " vaste sujet serve de prétexte " . Laissant finalement le naturel revenir au galop , il sonnait tout de même la charge : " Ce n' est pas le service de tous qui est en jeu , mais leurs privilèges . " Quelques heures plus tard , sortant d' une entrevue avec les syndicalistes partis rejoindre le cortège formé place de la Nation , la ministre Nicole Fontaine avait encore baissé d' un ton : " Nous défendons le service public à leurs côtés . Demain à Bruxelles , je dirai à mes collègues européens l' attachement que nous avons au service public . " En somme , retenez -moi où je vais manifester ... Touchante reconversion . Notre confrère du Figaro , Yves Thréard , était -il subitement devenu à droite une brebis égarée , un écervelé qui n' aurait pas pris assez vite la mesure du subit attachement de la droite au service public ? En vérité , les choses sont plus simples que cela . Avec l' imposante mobilisation des salariés d' EDF et de GDF , la majorité présidentielle a un gros caillou dans sa chaussure . Et elle ne sait pas comment s' en débarrasser . Elle , qui veut à tout prix engager dans les cinq années de son mandat l' ensemble du secteur public dans la voie de la privatisation , bute sur d' énormes enjeux sociaux et industriels . Elle prétend les contourner en jurant qu' elle conciliera libéralisme économique et maintien des garanties sociales . Sur ce dernier point , les salariés d' EDF et de GDF la prennent en quelque sorte au mot . Pas question pour eux de se laisser embarquer dans un marché de dupes . Les dizaines de milliers de salariés qui étaient dans la rue hier ne défendent aucun privilège . Ils se battent pour maintenir une certaine ambition sociale dans notre pays . Ils ont mille fois raison . A l' heure où Nicole Fontaine minaudait dans les salons de Bercy , renvoyant hypocritement la balle dans le camp de Bruxelles , la majoritaire parlementaire , à peine installée dans les fauteuils du Palais-Bourbon , s' attelait à réduire en miettes les 35 heures . Et pendant ce temps -là , l' INSEE annonçait une prévision de croissance pour 2003 finalement réduite à 1 % , loin des 2 , 5 % sur lesquels est construit le budget Raffarin . Or , qu' est -ce qui sape la croissance , sinon la faiblesse de la consommation , des salaires et des retraites , et l' accélération des purges boursières , destinées à redresser au plus vite la courbe des profits financiers quand il faudrait au contraire changer de cap , pour se tourner délibérément vers des investissements durables moins rentables ? Qu' on le prenne par le bout de la question sociale , ou par celui du droit à l' énergie pour tous , le dossier d' EDF et de GDF est une grande question nationale . En lui donnant cette dimension , les salariés qui ont manifesté hier rendent un grand service à tout le monde du travail . Leur message est clair : il faudra compter avec nous . Tant mieux .