_: Le bleu et le noir Plus dure est la chute pour les rois français du ballon rond . Allez , ce n' est que du football , et même au football la fin d' un monde ce n' est pas la fin du monde . Certes , du triomphe mondial au Stade de France à Saint-Denis un soir de juillet 1998 , à la défaite en rase campagne quatre ans plus tard au stade d' Incheon à Séoul , plus dure est la chute pour les rois français du ballon rond . Mais ceux qui les ont tant aimés seraient bien ingrats aujourd'hui , de leur jeter la pierre . Après tout , avant la déroute face à l' équipe du Danemark les Bleus étaient déjà entrés au Panthéon du sport où Zidane , Desailly , Barthez et leurs compagnons avaient rejoint Cerdan , Kopa , Bobet , Anquetil , Platini , Prost et quelques autres ... Leur médiocre performance en Asie ne les en chasse pas et ne les précipite pas dans la fosse commune de l' oubli . Ils accompagneront longtemps les rêves des fous de football . Les experts se perdent évidemment en conjectures sur le déboulonnage si rapide de ces idoles . On cherche ici et là des boucs émissaires : la tactique sous la houlette de l' énigmatique entraîneur ? Les poteaux malencontreux sur la trajectoire du ballon ? La rudesse d' adversaires prêts à tout face aux champions ? La suffisance de quelques-uns de ces seigneurs ? La spéculation va aller longtemps bon train . Et si tout simplement , les héros étaient fatigués . Trop de gloire , trop d' argent , trop de matchs , trop de unes , trop de contrats , trop de courtisans , trop de pubs , trop de sponsors , trop de managers : avec leur innocence , ces enfants du peuple , avaient -ils peut-être perdu " l' envie d' avoir envie " comme chante Johnny Hallyday ... Hier , l' action de TF1 à la Bourse a été méchamment secouée et l' état-major de la chaîne faisait grise mine en faisant ses comptes : il va revoir à la baisse le prix de la demi-minute de spot publicitaire . En définitive , c' est une belle leçon de choses : on ne pourra jamais transformer jusqu'au bout l' aventure humaine d' une équipe de football en entreprise soumise au seul monstre froid de la rentabilité . L' incertitude de la compétition est l' essence même de la culture du football : il y aura toujours sur un terrain un tir qui s' écrase sur un poteau pour contrarier les calculs glacés d' un actionnaire et il y aura toujours , par un beau soir d' été , une modeste équipe coréenne qui fera tomber de son piédestal une brillante équipe européenne , même si elle est cotée en Bourse . Le " business " déteste le risque : le sport l' adore . Dans ces circonstances -là , il faut toujours qu' un imbécile entre en scène . Cette fois le rôle est tenu par M. Le Gallou qui nous vient des forêts noires de l' extrême droite : il a estimé que l' élimination des Bleus " sonnait le glas de la propagande immigrationniste " et que la victoire des Danois avait une valeur " particulièrement symbolique " . En somme , il était temps : les aryens blonds ont écrasé les " sales " Nègres ! L' imbécillité est toujours obscène . La Coupe du monde continue , pour notre bonheur . Le Sénégal surgit , l' Allemagne s' arrache , le Japon espère , l' Italie est à la peine , le Brésil attend , la Corée à la fièvre . La France est repartie , mais son génie du football n' a pas fini de distribuer ses richesses à travers les continents . Hier , sur un terrain de terre nue , du côté de la porte de la Chapelle , un adolescent imberbe s' apprêtait à tirer le penalty : il portait le maillot numéro dix de Zinedine Zidane .