_: Ah ! si j' avais su ... À force de veiller aux équilibres financiers , on a fini par oublier les besoins de santé . Comment chercher et désigner des coupables tout en évacuant sa propre responsabilité : voilà l' obsession majeure du gouvernement depuis la révélation du drame de la canicule , il y a un mois . On avait vu le premier ministre faire un grand numéro de culpabilisation des Français , accusés d' indifférence à l' égard des personnes âgées . Puis le directeur général de la santé transformé en fusible et poussé à la démission ... Hier , devant les députés , Jean-François Mattei a encore sacrifié à ce petit jeu sans scrupule en focalisant toute l' attention sur le " système d' alerte et de veille " , dont la déficience serait à l' origine d' un engrenage meurtrier . Moyennant quoi , le ministre de la Santé se décerne un satisfecit : en fonction des informations dont il disposait , il a , dit -il , " pris les mesures les plus adaptées " , fermez le ban . Et , à l' intention des citoyens qui resteraient sur leur faim , il tente d' accréditer la thèse de la fatalité en appelant à la rescousse des experts américains qui n' ont vu dans la crise de la canicule qu' une " catastrophe naturelle " . Les quelque 12 000 morts liés à la chaleur méritent assurément mieux . Alerté ou pas - et l' on ne niera évidemment pas la nécessité de mieux faire en la matière - , le système de santé serait resté confronté à ses limites , ses carences , ses déficits , qui non seulement le fragilisent face à l' éventualité d' une catastrophe exceptionnelle , mais l' empêchent de plus de plus de remplir ses missions en temps ordinaire . " La médecine des catastrophes nous apprend qu' un système de santé en bon état de fonctionnement est capable de faire face à une catastrophe , quelle qu' elle soit , rappelait hier le médecin urgentiste et syndicaliste CGT , Christophe Prud'homme . Or , les fermetures de lits , quelque 100 000 sur un total de 450 000 en quinze ans , et le manque chronique d' infirmières lui ont enlevé toute marge de manoeuvre . " Ici , le coupable est connu . Depuis vingt ans , les gouvernants successifs gouvernent la santé avec une seule et unique boussole , celle dite de la maîtrise comptable . À coups de restructurations hospitalières qui réduisent le maillage de proximité du territoire , de restrictions budgétaires qui transforment les établissements et personnels en funambules de plus en plus fatigués , de numerus clausus qui assèchent les réservoirs de soignants , médecins et infirmières , à l' hôpital comme en ville , il s' est agi de comprimer , à tout prix , l' offre de soins pour réduire la dépense . Seulement voilà , à force de " veiller " aux équilibres financiers , on a fini par ignorer les besoins de santé . À force d' écouter le baron Seillières et le MEDEF qui ne veulent plus assumer leur part de solidarité et diminuent leur contribution au budget de la Sécu , on a fini par ne plus entendre ni les cris d' alarmes répétés des professionnels ni les plaintes sourdes des usagers . Toutes les explications de M. Mattei , tous les rapports d' experts ne feront passer par pertes et profits , ni l' alerte des urgentistes en juillet sur les risques entraînés par les fermetures de lits , ni la protestation des responsables de maisons de retraite au printemps devant le gel des crédits prévus pour embaucher des soignants , ni celle des retraités devant la réduction de l' APA , allocation prévue pour permettre aux personnes dépendantes de recevoir des soins à domicile . C' est bien le procès de cette faute politique -là qu' il faudra faire , tôt ou tard , si l' on veut réellement éviter toute nouvelle tragédie .