_: Les défis de l' Europe élargie Les futurs nouveaux membres tirent tous effroyablement la langue sous le coup des contraintes drastiques imposées pour leur adhésion . L' élargissement doit être l' occasion de rouvrir la question du mode de construction de l' Europe . Que celle -ci continue sur les rails libéraux sur lesquelles l' ont placée les différents traités depuis notamment celui de Maastricht , et elle aura de plus en plus de mal à faire face aux défis cruciaux auxquels elle est aujourd'hui confrontée : celui de la véritable insertion - c' est-à-dire d' un traitement en partenaires à part entière - des dix pays dont l' adhésion d' ici à 2004 doit être ratifiée aujourd'hui et demain à Copenhague ; comme celui de la place du continent unifié face à un hégémonisme américain de plus en plus prégnant . Des politiques fondamentalement différentes et bien plus ambitieuses sont à mettre en oeuvre pour l' accueil des pays candidats . Tous à des degrés divers tirent effroyablement la langue sous le coup des contraintes drastiques qui leur ont été imposées en préalable à leur adhésion . Coupes dans les dépenses publiques avec des conséquences souvent calamiteuses pour les politiques d' éducation et de formation , privatisations des secteurs et services publics , alignement sur les règles les plus libérales en matière d' assurances sociales ; ce qui fait le plus souvent des retraités , contraints de vivre , en moyenne dans les pays baltes et d' Europe centrale , avec moins de 300 euros par mois , les grands " perdants " de l' adhésion . Choc pour les salariés des ex-grands ensembles industriels de l' Est , licenciés et privés de toute possibilité de remise à niveau ou de reclassement . Choc pour les paysans qui sont menacés par la concurrence et n' obtiendront , de surcroît , que 25 % des aides directes prévues par la PAC . Du coup , les opinions encore très europhiles , il y a quelques années , sont aujourd'hui gagnées de plus en plus par le scepticisme au point que les référendums d' adhésion prévus en 2003 sont loin de se présenter comme une formalité dans plusieurs pays , en particulier dans le plus grand d' entre eux , la Pologne . Ainsi donc si l' unité du continent recouvre des enjeux essentiels qui supposent bien entendu de ne pas arrêter l' UE aux frontières turques , comme le suggère la position étriquée et raciste d' une partie de la droite européenne , la fuite en avant libérale pourrait être fatale au projet européen lui-même . Les élites de plusieurs pays candidats ont pris l' habitude de considérer l' Europe comme un simple grand marché . Très ouverts aux États-Unis , qui ont souvent réalisé d' importants investissements sur place , ces États n' ont d' ailleurs pas caché leur priorité pour l' adhésion préalable à l' OTAN . Faute de mettre en oeuvre un projet différent , suffisamment attractif , la construction actuelle hypothèque donc sérieusement les ambitions de l' Europe à s' émanciper de la toute-puissance américaine . À l' intérieure même de l' Europe d' aujourd'hui , celle des Quinze , le forcing pour le respect des normes drastiques du pacte de stabilité , le monétarisme de la Banque centrale européenne - à l' origine des disciplines de fer exigées auprès des futurs nouveaux adhérents - a donné le sentiment aux opinions d' un caractère indépassable de règles totalement inspirées par les marchés financiers , si funestes à l' emploi et à la croissance . La suite est connue : discrédit à l' égard de l' ensemble des partis accusés de pratiquer peu ou prou les mêmes politiques , échec retentissant des expériences sociale-libérales et montée des populismes . Plus que jamais un autre projet européen , un vrai effort d' insertion conforme aux énormes besoins de l' Est , d' autres règles de coopération monétaire , émancipées des logiques strictement financières , sont indispensables . Pour sauver l' Europe il faut dépasser la construction actuelle .