_: Le dur et le mou ( Un parlementaire de l' UMP veut enterrer " la vieille lutte des classes marxiste " , pendant que le gouvernement joue les chiens de garde aux portes du capital ) . Monsieur Pascal Clément est le président de la commission des Lois de l' Assemblée nationale . Il est par ailleurs un humoriste , mais de la catégorie des humoristes qui s' ignorent . En effet , hier , il a exprimé le voeu d' enterrer " la vieille lutte des classes marxiste " . C' est à se tordre de rire , alors que depuis des semaines - et hier encore - les grèves et les manifestations de rue ont occupé le devant de la scène de la société et en ont ébranlé tout l' édifice . Monsieur Clément rejoint donc la longue cohorte des visionnaires en peau de lapin qui ont annoncé la fin de la division de la société en classes sociales et des contradictions permanentes qu' elle crée : on les a oubliés depuis longtemps , et ils ont disparu avec leurs illusions . Pourtant , à force , on devrait savoir que la lutte des classes ne se déclare pas ouverte ou fermée , par décret , comme la chasse . Elle est , comme deux et deux font quatre : parfois virulente , souvent sourde , quelquefois explosive , mais jamais finie . On pourrait tout de même donner crédit à Monsieur Clément qu' il admet que les funérailles de la lutte des classes seront bien difficiles à espérer , tant que les rémunérations en tout genre des dirigeants d' entreprises - les hommes du capital , quoi ! - seront aussi énormes , et donc indécentes . En effet , le salaire d' un professeur d' histoire et géographie , la future pension , selon Fillon , d' un retraité au SMIC , ou le revenu d' un chercheur du CNRS ne font pas le poids devant les rentrées mensuelles des seigneurs du " business " . Et ce brave homme propose donc de soumettre cette obscène réalité à l' investigation d' une mission parlementaire . Soit . Mais on doit encore se gondoler de cette initiative , qui ne fera de mal à personne , dans les beaux bureaux du MEDEF d' Antoine Seillière . De ce côté -là , on sait qu' on tient le bon bout avec la réforme Fillon : le monde financier ramassera toute la mise de la création des richesses à venir , sans dégâts . Si ce n' est pas de la lutte des classes , ça ? Un chroniqueur a pu écrire autrefois de Raymond Barre qu' il avait des idées carrées dans un corps rond . Jean-Pierre Raffarin , lui , c' est de la droite dure dans un corps mou . Il ne lâche pas un centime pour les jours de grève : punir pour faire peur , c' est son programme de l' été . Et il ne prend pas un centime au capital ; son gouvernement est un gouvernement de chiens de garde à son service . La preuve ? Mercredi à l' Assemblée nationale une poignée de parlementaires de l' UMP ont proposé un amendement au dispositif Fillon : augmenter de 33 , 5 % à 34 , 5 % l' impôt sur les sociétés qui ont un certain niveau . Oh , cela n' aurait mis aucun PDG sur la paille , mais aurait rapporté un milliard d' euros par an à verser au fonds de réserve des retraites , et ce n' est quand même pas le Pérou . En moins de temps qu' il n' en faut pour le dire , le gouvernement , par ses relais au Palais-Bourbon , a mis sèchement un terme à cette fantaisie . Ces braves élus s' inquiétaient de ne pas donner de leur parti l' image d' une " droite libérale débridée " . C' est raté . Ils ont même eu droit à l' aimable qualificatif " hystériques " . Cette droite -là , malgré les rondeurs du premier ministre , est bien " libérale débridée " . On imagine le sort qu' elle a réservé à la proposition communiste d' augmenter l' impôt sur la fortune ... " Je fais le choix de l' apaisement social " , confie le premier ministre au journal le Monde . Pour ce qui est de la " paix sociale " , le premier ministre est un expert : en quelques jours il a mis le feu à la marmite ! Et il ajoute : " Il faut parler avec les partenaires sociaux . " Parler pour ne rien dire et enfiler des perles ? Les syndicats en savent quelque chose ... Au fond , on devine sous le miel du propos l' inquiétude du pouvoir pour les mois à venir . En effet , aucune des données qui ont ouvert la crise n' a changé . Ce n' est qu' un début ...