_: Paris éclaboussé La guerre d' Algérie a fabriqué des monstres , dont les services rendus aux sanglantes dictatures d' Amérique latine font scandale . Donc , la France aussi , la France officielle , a mis la main , ne serait -ce que par ses " conseils " , dans la sanglante répression des opposants aux dictatures d' Amérique latine dans les années soixante , soixante-dix , quatre-vingt . On savait que les vrais tueurs qui avaient armé le bras des assassins de l' Unité populaire au Chili , le bras des généraux argentins dont la cruauté aura dépassé l' imagination , étaient à la Maison-Blanche et qu' ils s' appelaient Nixon et Kissinger . Comme quoi , les crimes d' aujourd'hui ont aussi des antécédents qui , n' ayant pas été sanctionnés , ont continué à infester le noyau dur des États-Unis d' Amérique . Mais voici qu' au terme de premières révélations , on découvre les complicités , sous forme de services rendus , dont ces épouvantables tyrans ont bénéficié ici . De nouvelles investigations dont nous faisons état , un documentaire diffusé sur Canal Plus et dont les effets à Buenos Aires montrent qu' il a touché juste , attestent que des réseaux français , des milieux de l' armée française et des gouvernants français sont éclaboussés par les tenants et les aboutissants du crime . Des généraux argentins , bourreaux de leur peuple , confessent qu' ils ont " travaillé avec la France " , Pinochet et ses spadassins auraient bénéficié des " bons et loyaux services " d' un ministre de l' intérieur nommé Poniatowski qui , selon eux , " donnait " les réfugiés chiliens s' apprêtant à rentrer clandestinement . On aimerait que M. Giscard d' Estaing impliqué à double titre - président et ami de l' intéressé - s' en explique . Comment a -t-on pu en arriver là ? Comment des milieux dirigeants français ont -ils pu tomber si bas ? La réponse à cette question reste pour une part à élucider mais tient , déjà , pour ce que l' on en sait , en quelques mots : la guerre d' Algérie , venant après la guerre d' Indochine , sa poursuite durant sept années et demie aura été la fabrique occulte d' un appareil fascisant ayant pour ambition de contrer la " menace communiste " , en usant et en abusant de l' alibi de " l' antiterrorisme " . Que le Pentagone se fasse aujourd'hui projeter la Bataille d' Alger , le film de Gilles Pontocorvo , fait sensation . Cette bataille d' Alger , les policiers de Videla , de Pinochet , la connaissent par coeur . Leurs modèles s' appellent Massu , Aussaresses , Trinquier . Massu qui était aux ordres ( qu' il les suive ou qu' il les précède ) de Lacoste et de Guy Mollet , Aussaresses étant lui attaché militaire à Brasilia avec l' aval de Pierre Messmer , ministre de la Défense du général de Gaulle . Ainsi , la torture française en Algérie a -t-elle fait école . Ainsi , au-delà de la " technique " - la gégène et la baignoire - les tristement fameux escadrons de la mort sont -ils également nés , pour une part , dans l' Algérie des derniers sursauts de la colonisation . Qui dira le mal , tout le mal , de ces guerres où le dominant veut écraser la " rébellion " du dominé ? Ces guerres qui font des officiers combattants de la France libre contre le nazisme des gens , comme le disait le général de Bollardière , qui appliquent à d' autres ce qu' on leur avait appliqué à eux . Ces guerres qui continuent , dans des variantes d' aujourd'hui , sur plusieurs continents . Ils faisaient cela , proclamaient -ils , pour la présence française , pour la patrie , voire pour la République une et indivisible , de Dunkerque et Tamanrasset . Et on retrouve ces " patriotes " manipulant de près ou de loin la chair humaine , celle d' opposants ayant parfois vingt ans , à des milliers de kilomètres , sous des régimes barbares et alliés de Washington dont la prétention à nier l' indépendance française ne s' est jamais démentie . Une telle honte , une telle salissure demandent réparation . L' exigence de vérité et de condamnation formulée par l' Appel des douze , lancé le 31 octobre 2000 , en ce qui concerne la torture pendant la guerre d' Algérie et qui a rencontré l' écho que l' on sait , se double désormais d' une nouvelle exigence portant sur les dégâts que ces pratiques ont fait au-delà de nos frontières . Le président de la République ne peut se taire sur ce qui déshonore un pays et un pareil scandale appelle , pour le moins , la constitution d' une commission d' enquête . Vite .