_: Bush , l' Européen Le voyage du président américain fait aussi resurgir toute l' ambivalence du débat européen . George Bush sera copieusement conspué aujourd'hui dans les rues de Londres . Les manifestants , qui avaient déjà submergé la capitale britannique pour protester contre le déclenchement du feu anglo-américain en Irak , ne supportent pas les mensonges d' État ; ceux dont ont usé et abusé le président américain et leur premier ministre pour justifier la guerre prétendant que c' était le seul moyen d' établir la démocratie et de combattre le terrorisme au Moyen-Orient . Le décalage est désormais insupportable entre ces discours et la réalité de l' Irak , livré au chaos à l' heure où pleuvent de nouveau les bombes de l' opération " Marteau d' acier " sur Bagdad . Mais il ne faut pas s' y tromper , l' exaspération des manifestants britanniques traduit un aspect bien plus profond que le simple rejet de la fuite en avant guerrière du Texan de la Maison-Blanche , voire de la politique du clan néoconservateur américain , ou même de la complicité de Tony Blair . Cette manifestation de Londres illustre d' abord la montée des contradictions euro-américaines . Et si l' Irak constitue bien entendu l' un des principaux sujets de divergences , il est loin d' être le seul : qu' il s' agisse du projet de mise en place d' une défense européenne plus ou moins débarrassée de la tutelle de Washington ; qu' il s' agisse du règlement de la crise " nucléaire " iranienne , par la négociation politique ou les sanctions et , une nouvelle fois , les menaces guerrières ; ou qu' il s' agisse encore du commerce avec la montée d' une autre guerre , économique celle -là , autour de plusieurs litiges transatlantiques dont celui de l' acier et des taxes douanières américaines . Bush et Powell ont placé ces questions en haut de l' ordre du jour de leurs voyages simultanés en Europe , s' immisçant , de fait , dans le débat qui émerge au sein de l' UE . Tony Blair , bien abusivement présenté souvent comme " le caniche de Bush " - il est loin d' épouser , par exemple , les vues de Washington sur l' Iran ou le dossier de l' acier très âprement discuté à Londres - ne les esquive pas et met en avant sa propre vision européenne avec une UE puissance forte , complémentaire des États-Unis . Dans une gestion des affaires du monde marquée par une régulation commerciale libérale et un rôle décisif de l' OTAN sur le plan sécuritaire . France et Allemagne , en pointe jadis dans le refus de la guerre , font valoir une approche qui tente de privilégier une plus grande autonomie européenne mais s' avèrent incapables de se différencier vraiment de la réponse britannique . Plutôt que de promouvoir des politiques de prévention des conflits et de codéveloppement , ce qui crédibiliserait aux yeux du tiers-monde le souci européen de faire émerger un monde réellement multipolaire , cette conception s' inscrit aussi dans une logique de militarisation des relations internationales . On martèle à l' envi , côté français , qu' il est incontournable , si l' on veut compter , de peser au moins aussi lourd militairement que l' hyper-puissance américaine . Quant au modèle social européen , on voit à quel point Paris et Berlin le torpillent sous prétexte de l' adapter aux contraintes de la compétitivité de l' économie capitaliste mondialisée . Le voyage de Bush fait ainsi resurgir toute l' ambivalence du débat européen sans que ne se dessine , au sommet , de véritable alternative . Pour être à la hauteur des aspirations des pacifistes britanniques qui défilent aujourd'hui à Londres , comme de celles - si singulièrement parallèles - des militants du Forum social européen qui manifestaient à Paris samedi dernier , il faut prendre une tout autre route , porteuse d' une identité européenne de paix , de justice sociale , de créations d' emplois . C' est-à-dire réellement émancipée du modèle anglo-saxon .