_: Escrocs mais pas trop ( La bulle financière n' est pas crevée par la fraude mais par les calculs froids des plus gros profiteurs ) A en croire la une de Libération d' hier , " Les escrocs ont fait sauter la Bourse " . De fait , la plongée financière a cette fois été déclenchée par la découverte d' un gigantesque maquillage des comptes de WorldCom par ses dirigeants , portant sur 3 , 8 milliards de dollars . Une paille ! Mais à un tel niveau , toutes les malversations peuvent être montrées du doigt , il faut de toute évidence aller plus loin . On ne peut qu' être frappé par l' enchaînement des catastrophes frappant les marchés financiers dont l' épicentre se trouve aux États-Unis : Tyco , ImClone , Enron , Mobil Com , Qwest , Arthur Andersen . Les journaux énumèrent depuis hier les scandales qui jalonnent les derniers mois . La question qu' il convient de creuser est donc simple : comment de telles fraudes sont -elles rendues possibles ? Ou plus exactement encore , comment peuvent -elles être tolérées , car il faut être un doux naïf pour croire qu' à ce niveau les autorités boursières , économiques , politiques ne voient rien venir ? Les Bourses mondiales ne sont en réalité gonflées qu' à crédit . Le capitalisme mondialisé est en crise . Il construit sa croissance à travers une guerre des marchés de plus en plus féroce . Cette croissance est boulimique en capitaux , elle épuise les ressources humaines et naturelles dans les territoires dont elle fait son terrain de jeux . Les profits espérés sont de plus en plus colossaux , mais les débouchés sont de plus en plus volatils et fragiles . Aussi , les atterrissages sont forcément violents quand le système est aspiré par le trou d' air qui s' est creusé entre les gigantesques avances concédées par les marchés financiers aux acteurs de ce jeu de Monopoly , et les perspectives réelles de rentabilisation de ces fonds . Les Bourses épurent leurs comptes , car , en matière de profits , elles n' ont manifestement pas la même foi que les dirigeants du G8 réunis au Canada dans l' avenir . Menée avec une grande brutalité , cette guerre financière fait des morts , mais le capitalisme , quand il s' agit de sauver ses marges , n' a jamais beaucoup d' état d' âme . La bulle financière des nouvelles technologies n' est pas crevée par la fraude , mais par les calculs froids des plus gros profiteurs de la planète . La vérité doit être dite aux Français . Les grands groupes , qui se sont livrés pieds et poings liés aux marchés , comme Vivendi , France Télécom , Alcatel , sont tous menacés par ces effondrements . Les valeurs du fameux CAC 40 peuvent à tout moment être emportées par la tourmente . Et que font ces groupes pour prévenir la catastrophe ? Ils flexibilisent , ils licencient . Alcatel lance ainsi son cinquième plan de restructuration avec à la clé dix mille suppressions d' emplois qui s' ajouteront à trente-cinq mille déjà programmées . Ainsi se reproduisent un peu partout dans le monde des monstres économiques , dont les enflures financières sont inversement proportionnelles aux amputations humaines pratiquées . Les constats affligés ne suffisent plus . Que fait -on pour rendre la main aux citoyens , à tous ceux qui veulent construire le développement sur des bases assainies et durables ? L' impuissance n' est pas devenue la règle . Cessons de tendre l' oreille toujours du même côté . Brisons la loi du silence qui entoure la gestion des grands groupes . Faisons droit aux salariés , aux syndicats , aux élus à de véritables pouvoirs d' intervention . Et surtout arrêtons de rajouter du carburant dans la machine infernale de la finance en livrant les retraites aux fonds de pension et en privatisant comme le préconise le gouvernement Raffarin . Le scandale WorldCom est un clignotant de plus . Il faut vite en tirer les conséquences , avant de nouvelles catastrophes que paierait très cher le monde du travail .