_: Dieu , à sa place ( Les religions inquiètent moins pour ce qu' elles sont que pour leurs éventuelles instrumentalisations . ) Faut -il craindre les religions ? Les réponses faites à cette question par des personnalités de premier plan des quatre confessions de notre pays sont paradoxalement à la fois inquiétantes et rassurantes . Inquiétantes par le constat dressé , qui tient moins aux religions elles-mêmes qu' à leur " instrumentalisation " , rassurantes par l' esprit de laïcité qui les traverse toutes . À cet égard , l' initiative prise par notre journal , en vue de clarifier autant que possible un sujet passablement embrouillé , représente un événement qui ne devrait pas passer inaperçu ... À tout seigneur tout honneur , c' est le primat de Belgique , qui vient de fustiger George W. Bush . " J' en ai assez , dit Godfried Danneels , d' entendre '' God bless America '' ( Dieu bénisse l' Amérique ) . Quand on l' utilise à la fin d' un discours militaire , cela peut signifier : que Dieu nous bénisse tous , mais pas les autres . " Formule , d' ailleurs , qui en rappelle une autre , bien de chez nous , quoique d' une autre époque , " Tuez -les tous , Dieu reconnaîtra les siens " , dont on aimerait qu' elle ne s' applique pas prochainement à l' Irak et à sa région . Le président américain n' est pas le seul , hélas , à mobiliser Dieu pour sa " cause " . Musulmans contre juifs , catholiques contre orthodoxes ... On ne compte plus les différends , les conflits , les guerres où l' appartenance religieuse est mise en avant , et l' étude livrée par la revue Hérodote résonne comme une alerte . Il y aurait de quoi maudire toutes ces croyances , porte-étendards du poignard , de la bombe et du missile . Par bonheur , la plupart de ceux qui s' inquiètent de cette dérive , qui entendent lui résister , et nous en sommes , ne tombent pas dans le piège de la diabolisation , des religions et moins encore des sentiments qu' éprouvent des millions d' hommes et de femmes épris de valeurs universelles , voire de sacré , et de transcendance . Aussi précieux et constitutif d' une grande culture critique qu' il soit , l' athéisme - qui doit avoir droit de cité partout - peut se nier quand il part lui-même en guerre et se défigurer , comme on l' a vu sous des régimes socialistes autoritaires , lorsqu' il prétend devenir une quasi-religion d' État . Serait -on passé , pour schématiser , d' États sans religion à des religions sans État ? Ou plus exactement au-dessus de ce dernier ? L' échec des idéologies doit -il se payer , pour longtemps encore , du triomphe du religieux ? S' il est une urgence , c' est bien de re-politiser , au meilleur sens du terme , progressiste , des sociétés , des ensembles régionaux , où la querelle dite religieuse risque de s' envenimer . Les Palestiniens ont tout à gagner à faire de leur combat celui du droit d' un peuple à un État et non à l' islamiser jusqu'à l' intégrisme . Les Israéliens ont tout à perdre en voulant imposer par les armes un " j' y suis j' y reste " dont les extrémistes religieux se sont faits les champions plutôt que de faire " parler " le droit et la sécurité de leur pays . La France , si elle n' a pas de " leçons " à donner , a au moins une expérience à faire fructifier à l' intérieur de ses frontières et , pourquoi pas , au-delà . La laïcité active fait l' unanimité dans ses principes , même si , concernant les rapports concrets avec l' autorité , " elle n' est pas négociable " en son état pour la hiérarchie catholique et " amendable " pour l' iman de la grande mosquée de Marseille . Dans ce cadre , la nécessité d' enseigner l' histoire des religions , sous des formes à déterminer , paraît une cause entendue . Il est vrai que comprendre les religions , c' est un peu déjà les remettre à leur place .