_: Eau . Eau : le grand marchandage Si rare cet été , elle fait l' objet , en coulisses , d' intenses discussions . Ainsi à Paris , un rapport d' audit sur la facturation de l' eau sert de moyen de pression à la ville pour renégocier les contrats qui la lient à Vivendi et à la Lyonnaise . Dossier explosif . L' eau de Paris n' est pas chère . En janvier 2002 , le prix du mètre cube était de 2 , 326 euros . C' est meilleur marché que dans les Hauts-de-Seine ( 3 , 04 euros ) ou en Seine-Saint-Denis ( 3 , 24 euros ) . Mais elle peut , comme le loto , rapporter gros . Très gros , même , si l' on en croit les conclusions d' un audit encore confidentiel , commandé par la Ville de Paris en novembre 2001 , auquel l' Humanité a eu accès . Il porte sur l' activité du GIE facturation , un groupement d' intérêt économique associant deux soeurs ennemies : la Compagnie des eaux de Paris ( CEP ) , filiale de la Générale des eaux ( groupe Vivendi ) , et une filiale de la Lyonnaise des eaux , dénommée Eau et force parisienne des eaux ( EFPE ) . La CEP et EFPE se partagent le gâteau parisien , avec un avantage notable pour la première , qui distribue l' eau à toute la rive droite de la Seine , EFPE s' occupant du reste . Seule la production de l' eau de la capitale , assurée par la SAGEP ( détenue à 70 % par la Ville ) , leur échappe , bien qu' elles détiennent chacune 14 % de son capital . Les conclusions de l' audit sont très instructives et laissent à penser que ces sociétés s' enrichissent allègrement sur le compte des usagers . Le rapport affirme que le GIE facturation , en charge de toutes les factures d' eau de la capitale , pratique des " tarifs de prestations ou de frais relativement élevés par rapport à des services publics similaires " . Il constate et regrette également " la médiocre performance économique " du service fourni par la CGE - un comble pour une entreprise privée de cet acabit , censée , selon les laudateurs du tout-libéral , gérer mieux son business que les entreprises publiques . Mais c' est sur la question des marges que le dossier devient croustillant . L' audit révèle ainsi que le gestionnaire a pu " dégager une marge importante sur la période 1985 - 2001 " . Elle avoisinerait les " 40 % en 2001 " . Plutôt lucratif ! Des marges exceptionnelles La rentabilité exceptionnelle de ce secteur est confirmée , concernant la CGE , par un autre audit réalisé en 2001 pour le compte du comité d' entreprise de la CEP . " La Compagnie des eaux de Paris est plus que jamais une filiale très rentable ( + 55 % de résultats nets sur fonds propres ) et une source généreuse de trésorerie du groupe Vivendi " , écrit en résumé l' auditeur pour l' exercice 1999 - 2000 . En revanche , prévient -il plus bas , " les bons résultats actuels vont peser lourd dans les négociations avec la Ville de Paris pour le prochain avenant en 2002 ou 2003 " . Ce qui est écrit montre clairement que la distribution de l' eau à Paris , telle qu' elle a été organisée sous la mandature de Jacques Chirac en 1985 , ne se fait pas dans l' intérêt de l' usager mais sert plutôt à remplir les coffres de la de la CGE et de la Lyonnaise des eaux . Comment est -ce possible ? Un autre rapport , daté de juillet 2000 et émanant de la chambre régionale des comptes de l' Île-de-France , donne des éléments de réponse . Il note d' abord que dans les comptes présentés par la CEP et par EFPE ne figure aucun des revenus financiers qu' elles réalisent grâce au décalage de temps entre la perception des factures et le reversement , trois à quatre mois plus tard , des différentes taxes à la Ville . Et , selon les estimations de la chambre , ces sommes sont considérables . Plus généralement , le rapport affirme qu' " en mandatant la SAGEP pour assurer en son nom et pour son compte le contrôle des sociétés distributrices , la Ville de Paris , même si elle s' en défend , a de fait , sinon en droit strict , renoncé à s' assurer par elle-même de la bonne exécution du service public de la distribution de l' eau potable ( ... ) . La ville a , semble , pris le risque que le contrôle soit moins approfondi " . Anne Le Strat ( Verts ) , présidente de la SAGEP , pointe depuis deux ans " l' ambiguïté " de la position de sa structure chargée de contrôler des sociétés qui possèdent des parts non négligeables de son capital . Elle préconise d' ailleurs d' exclure la CEP et EFPE de son actionnariat . " On ne sait pas ce que coûte réellement le service de l' eau sur Paris . Or , il faut que tout soit clair au sujet des marges faites . On doit dire à l' usager ce qu' il paie exactement " , conclut -elle . Rétention d' informations Peu ou pas assez de contrôles , des comptes partiels ... , bref , l' opacité règne . Vu le montant des sommes en jeu , le marché de l' eau à Paris est une poule aux oeufs d' or qu' il s' agit de maintenir en vie . A priori , seules la CEP et EFPE n' ont aucun intérêt à ce que ces conclusions paraissent au grand jour . Or le rapport d' audit 2001 est toujours gardé sous le coude par Myriam Constantin , l' adjointe au maire de Paris chargée de l' eau et de l' assainissement . Certes celle -ci concède que " ce secteur n' a jamais brillé par sa transparence " , mais elle se défend de faire de la rétention d' informations . Elle précise que la ville a commandé un ensemble d' études afin d' évaluer la gestion de l' eau à Paris , dont la facturation n' est qu' un des aspects : à la fin de l' année , ces différentes études et leurs conclusions seront présentées aux élus parisiens . En revanche , Myriam Constantin s' est refusée à dire si , effectivement , la ville se servait des conclusions du rapport pour faire pression sur la CEP et EFPE afin de renégocier le contrat qui les lie . Les Verts et le PCF , qui dénoncent depuis des années " l' opacité du système mis en place " , ont clairement réaffirmé leur demande que ce rapport d' audit soit rendu public avant la fin de la renégociation des contrats de distribution . " Même si la négociation doit avoir un caractère de confidentialité , les conclusions sur lesquelles elle s' appuie doivent être connues de tous les élus de Paris " , estime Pierre Mansat , adjoint ( PCF ) en charge des relations avec les collectivités de l' Île-de-France . " Politiquement , la question de la re-municipalisation de l' eau doit être posée à terme " , poursuit -il . Le tramway dans la danse ? Le rapport n' est donc toujours pas publié . Certains avancent l' idée que , dans la renégociation en cours , un arrangement aurait pu être trouvé entre la CEP , EFPE et la Ville de Paris mais sur un autre dossier . Il s' agirait du tramway des Maréchaux , dont les travaux sont en cours , et qui nécessite pour sa réalisation le déplacement des réseaux d' eau souterrains . Or , pour une grande part , ces réseaux sont gérés par la SAGEP , et donc la Ville , qui rechignerait à tout assumer financièrement . Elle aurait là un bon moyen de convaincre la CEP et EFPE d' en payer une partie , en utilisant , par exemple , leurs provisions pour le renouvellement des réseaux . M. David , directeur de la CGE , avoue que " les gros canaux font partie de ses préoccupations " et qu' il reste " attentif aux questions qui vont [ lui ] être posées " . Les usagers de l' eau pourraient , si cette thèse se vérifiait , être mis à contribution pour payer le tramway . Ce qui en soi n' est pas immoral , mais constitue une entorse à la législation du Code général des communes ( art. L . 2224 - 1 ) , qui oblige Paris à traduire dans un budget spécifique les dépenses et les recettes pour l' eau .