_: FINANCES PUBLIQUES Un état des lieux commandé par le premier ministre le 16 mai dernier a été rendu public hier . Un sombre tableau pour annoncer de sombres décisions Francis Mer a présenté hier le résultat de l' audit des finances publiques . Les déficits plus importants que prévus ne manqueront pas de servir de prétexte , pour Bercy , à des mesures budgétaires antisociales . Déficits et dette de l' État resteront dépendants des marchés financiers . Le sujet était ardu et semblait peu prêter à la poésie et à l' optimisme débridé : commenter les résultats de l' audit sur les finances publiques commandé par Jean-Pierre Raffarin à deux magistrats de la Cour des comptes . Mais hier , à Bercy , cela n' a découragé ni Alain Lambert , ministre délégué au Budget , ni Francis Mer , ministre de l' Économie et des Finances . Le premier a déclaré sans rire que pour le gouvernement : " L' enjeu , c' est de réenchanter les Français , de les réconcilier avec la politique et de les inviter à offrir à leur pays le meilleur d' eux-mêmes . " Et le second de renchérir : " C' est comme cela que nous devons recréer dans notre pays les conditions permettant aux Français d' être heureux de vivre et de s' y développer . " Pourtant le tableau que les deux ministres avaient à présenter n' était guère engageant . Baisse des recettes , hausse des dépenses : le déficit public français sera compris entre 2 , 3 % et 2 , 6 % du produit intérieur brut ( PIB ) en 2002 , contre une prévision de 1 , 85 % en mars , selon les conclusions de l' audit . Cette projection s' avère nettement supérieure à celles faites par le gouvernement de Lionel Jospin à l' automne 2001 dans la loi de finances initiale ( LFI ) pour 2002 ( - 1 , 4 % ) ainsi qu' au déficit enregistré en 2001 ( - 1 , 4 % ) . Une telle aubaine , plus que prévisible , ne pouvait qu' être saisie par le ministre de l' Économie et des Finances , Francis Mer , pour accrocher le gouvernement précédent : " Les deux tiers de la dégradation du déficit 2002 sont liés à la dérive des dépenses et un tiers seulement à de moindres recettes , au demeurant prévisibles dès l' automne si leur évaluation de LFI avait été réaliste . " Le déficit public - comptes de l' État , de la Sécurité sociale et des collectivités locales - se rapproche ainsi dangereusement de la limite fixée par le pacte de stabilité ( 3 % du PIB ) , censé coordonner les politiques économiques des pays de la zone euro . La dégradation la plus forte vient des comptes de l' État , dont le déficit devrait atteindre 41 , 9 à 44 , 6 milliards d' euros , se creusant ainsi de quelque 14 milliards par rapport aux prévisions initiales de l' automne 2001 . " Exprimé en euros courants , le déficit de l' État avoisine 45 milliards d' euros . Il est supérieur au niveau de 40 milliards d' euros où nos prédécesseurs l' avaient trouvé en 1997 " , n' a pas manqué de relever Francis Mer . Au sens des critères de Maastricht , ce déficit étatique correspond à entre 3 et 3 , 2 % du produit intérieur brut ( PIB ) , à comparer avec une prévision de 2 , 4 % à l' automne . Le ministre de l' Économie et des Finances a précisé que le " dérapage " des dépenses de l' État était évalué à 7 , 4 milliards d' euros , et que les recettes fiscales étaient , elles , inférieures de 5 , 4 milliards d' euros à ce qui était prévu dans la loi de finances . La Sécurité sociale devrait enregistrer un léger déséquilibre d' un montant compris entre zéro et 1 , 1 milliard d' euros , soit un déficit égal à 0 , 1 point de PIB , là où le précédent gouvernement tablait sur un excédent de 0 , 1 point de PIB . Ces résultats , qu' en fait tout le monde connaissait déjà à peu près , ne vont pas manquer d' être utilisés par le gouvernement pour polémiquer avec l' opposition mais vont surtout servir de prétextes pour défendre la politique antisociale et de privatisations que l' équipe de Jean-Pierre Raffarin ne manquera pas de mettre en place , coincée entre exigences européennes et promesses électorales . Le poids des déficits et de la dette publics , les engagements de Barcelone , une économie française sans croissance et une non-reprise américaine sur fond de crise financière larvée seront en fait les éléments décisifs des débats fiscaux et budgétaires à venir . Un audit tout en hypocrisie Cet audit sur nos finances publiques a été commandé le 16 mai dernier par Jean-Pierre Raffarin à Jacques Bonnet et Philippe Nasse . Aux deux magistrats de la Cour des comptes qui avaient déjà réalisé l' audit des finances publiques pour Lionel Jospin en 1997 , le nouveau premier ministre a demandé deux choses : apprécier l' écart entre ce qui avait été prévu par Laurent Fabius à l' automne 2001 pour le budget 2002 et ce qu' il est possible de faire aujourd'hui ; isoler les recettes exceptionnelles pour savoir où le précédent ministre de l' Économie est allé chercher les fonds pour financer ses décisions préélectorales . Évidemment , le tout sans le moindre esprit de polémique ! Pour la première , il ne fallait pas être devin pour comprendre qu' avec des hypothèses de croissance revues à la baisse ( entre 1 , 2 % et 1 , 6 % au lieu des 2 , 5 % prévues pour réaliser le budget 2002 ) , les rentrées fiscales seraient moins importantes et donc les déficits plus élevés . Pour la seconde , c' est une des tartes à la crème du financement du budget de l' État que d' aller ponctionner les entreprises publiques qui font des bénéfices . Il est pratique d' utiliser les ressources d' EDF , par exemple , pour renflouer les caisses même si , en attendant , la conséquence est de différer toute baisse de tarif de l' électricité pour les usagers les plus modestes . Les déficits et la dette tenus par les marchés financiers Jean-Pierre Raffarin ne s' est hélas pas demandé comment dégager la dette publique de l' emprise des marchés financiers . Le poids de la dette publique qui équivaut à 57 , 3 % du PIB ( " Les comptes des administrations publiques en 2001 " , INSEE ) représente un gâchis énorme . Chaque année , la France est obligée de ponctionner des ressources non négligeables pour rembourser en partie sa dette : 46 , 7 milliards d' euros en 2001 comparés aux 240 milliards d' euros du budget global de l' État de la même année ( soit un rapport de 1 à 5 ) . Dès le début des années quatre-vingt , la nature même du financement de la dette de l' État a changé . L' État lui-même a été à l' origine de ce qu' on appelle les innovations financières : nouveaux produits financiers comme les obligations assimilables du Trésor , nouveaux marchés financiers comme le marché à terme international de France , etc. De la sorte , la France finance donc sa dette par un appel incessant aux différents marchés financiers : les emprunts obligataires de l' État représentent environ les trois-quarts des émissions d' obligations à la Bourse de Paris . Résultat : les titres de dette publique sont majoritairement détenus par des grands fonds spéculatifs internationaux . Pour les attirer , la France doit garantir au capital des rendements suffisants ( taux d' intérêt ) et une fiscalité peu dissuasive . D' où un empressement d' autant plus grand à discourir sur la fiscalité trop lourde pesant sur les entreprises et le capital . Impôts sur les sociétés et sur les revenus des capitaux mobiliers , taxe professionnelle , impôt sur les bénéfices , impôts sur les grandes fortunes sont toujours trop élevés . La privatisation des entreprises publiques entre dans cette logique . L' État se charge de les rendre rentables , d' effectuer une dotation en capital juste avant de privatiser en vendant les parts sur le marché , et financer ainsi ses comptes . Privatisations qui sont accompagnées de plans de restructuration et de plans sociaux qui sont très coûteux pour l' État et les organismes sociaux . Prudent , Francis Mer n' a bien sûr pas annoncé de privatisations lors de sa conférence de presse mais il a tenu à préciser : " Il est possible , voire souhaitable , voire probable qu' un certain nombre d' opérations de ventes d' actions dans des sociétés dans lesquelles l' État a des participations non stratégiques puisse avoir lieu d' ici la fin de l' année , en fonction des conditions de marché . " De son côté , Alain Lambert Lambert a annoncé que le collectif budgétaire prévoirait la baisse des impôts pour un montant de 2 , 5 milliards d' impôts . Le problème du déficit budgétaire Ce ne sont pas les privatisations en préparation , de GDF et EDF à Air France , qui vont régler le problème du déficit budgétaire en France . Celui -ci est chronique depuis vingt-cinq ans . Son accumulation sur une période aussi longue conduit à la constitution d' une dette massive qui plombe complètement les finances publiques . Ce sont des finances qui manquent pour l' éducation , la santé etc. La dette de l' État est passée d' environ 1 000 milliards de francs au début des années quatre-vingt à plus de 5 000 milliards de francs aujourd'hui ( 839 , 3 milliards d' euros en 2001 ) . Sous couvert de l' impartialité des experts , il s' agissait de se fournir un formidable prétexte pour engager des politiques antisociales .