_: Sécurité Sociale . Dernier budget avant privatisation ? Les députés entament aujourd'hui le débat sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale . L' esbrouffe et la casse . Telles sont , semble , les deux méthodes favorites du gouvernement Raffarin pour " soigner " la Sécurité sociale . Le projet de loi de financement 2004 ( PLFSS ) , dont les députés entament aujourd'hui la discussion , en apporte une nouvelle illustration . Rien ne serait plus faux que de considérer ce PLFSS comme un simple budget de transition , sans grand danger , dans l' attente de LA grande réforme de l' assurance maladie l' an prochain . On y trouve plusieurs ingrédients d' un cocktail spécialement étudié pour parvenir au but poursuivi par les ultra-libéraux depuis si longtemps : le dynamitage de notre système de protection sociale solidaire . S' abritant derrière les chiffres chocs du déficit de la Caisse nationale d' assurance maladie , qu' il voudrait , dit -il , limiter à 10 , 9 milliards d' euros en 2004 , le ministre de la Santé , tout en admettant que le ralentissement des recettes en est le principal responsable , focalise une fois encore toute l' attention sur les dépenses . Le projet de budget concocté par le Dr Mattei s' articule tout d' abord autour d' une série de mesures d' économies qui frappent l' assuré social au porte-monnaie . C' est le cas de la hausse , à 13 euros , du forfait hospitalier , de la baisse du taux de remboursement de l' homéopathie de 65 % à 35 % , de la moindre prise en charge des soins postopératoires à l' issue de l' hospitalisation . Ces mesures toucheront de plein fouet les patients dépourvus de couverture complémentaire ( environ 3 millions ) et indirectement tous les autres : les mutuelles évaluent à 1 milliard d' euros le surcoût qui leur incombera et qu' elles devront répercuter sur les tarifs de leur contrat . C' est d' ailleurs essentiellement pour cette raison que le conseil d' administration de la CNAM a émis , à une forte majorité ( 17 voix sur 22 ) , un avis " défavorable " au projet de budget . Transférer des charges aujourd'hui assurées par le système solidaire de la Sécurité sociale obligatoire , sur le dos des individus , au risque d' élargir les fractures sociales dans le domaine de la santé : c' est justement la " thérapie " envisagée pour la réforme de l' an prochain . Raffarin appelle cela rechercher " le juste équilibre entre solidarité collective et responsabilité individuelle " , ou inventer " des mécanismes personnalisés " pour " renforcer l' assurance maladie " . Tous les observateurs un tantinet avisés ont décelé sans peine l' objectif masqué sous ces formules prudentes : une privatisation rampante de la Sécu . Un objectif que l' on retrouve d' ailleurs dans un autre volet de ce PLFSS , concernant cette fois le budget de l' hôpital : à partir de janvier prochain , les établissements ne recevraient plus d' enveloppe globale , mais passeraient sous le régime de la tarification à l' activité . Une réforme actuellement expérimentée dans quelques hôpitaux , et dont aucun véritable bilan n' a été tiré . Elle menace pourtant , tout bonnement , de vider de son sens la mission de service public actuellement impartie à l' hôpital public en alignant ses règles de gestion sur celles des cliniques privées , en lui inoculant la culture du rendement . L' entreprise de sape , lente mais sûre , de la Sécu est donc transparente dans ce projet de budget . Et lorsqu' il cherche , néanmoins , à donner le change à une opinion publique encore sous le choc de la tragédie de la canicule et des terribles carences qu' elle a révélées , le gouvernement n' hésite pas , le cas échant , à recourir à l' esbroufe . Ainsi , M. Mattei avait -il annoncé , il y a quelques jours , à grand renfort de publicité , un plan pour les urgences hospitalières , prévoyant la création de 10 500 postes médicaux et non médicaux , et censé représenter un investissement de près de 500 millions d' euros . Or , les responsables de la Fédération hospitalière de France ( FHF ) , principale institution représentative de l' hôpital public , ont eu beau chercher dans le maquis du PLFSS , ils n' ont trouvé aucune ligne de crédit correspondant à cette annonce et ont donc " constaté " , dans un communiqué , " que ce plan n' est pas financé " . En réalité , les hôpitaux sont aimablement invités à mettre en oeuvre ce plan à moyens constants . Patrick Pelloux , président de l' Association des médecins urgentistes hospitaliers , dénonçait l' entourloupe hier dans une interview au Parisien : " On déshabillera Pierre pour habiller Paul . Un vrai tour de passe-passe " . " Aucun moyen supplémentaire n' est dégagé , comme si la canicule n' avait jamais existé , ajoute celui qui avait dénoncé la passivité coupable des autorités au mois d' août . Le plan du ministre de la Santé , c' est de la poudre aux yeux . " Touché , M. Mattei a qualifié hier ces informations d' " erronées " , mais ses explications reviennent à confirmer les craintes des professionnels de santé . Les crédits pour l' hôpital progresseront de 4 , 2 % en 2004 , indique -t-il . Or , la Fédération hospitalière a chiffré à 4 , 5 % le taux d' évolution nécessaire pour permettre aux établissements de tenir leur mission , ce , précise -t-elle , " hors toute mesure nouvelle , c' est-à-dire hors plan urgences et plan cancer " . Hôpital , urgences , maisons de retraite , médecine de ville ... Par-delà les réorganisations envisageables , aucune issue positive à la crise du système sanitaire et de protection sociale n' est décidément envisageable en dehors de la recherche de nouvelles ressources collectives pour la Sécu , garantissant l' égalité des droits . Le gouvernement entend verrouiller le débat sur ce point clé . Les parlementaires communistes veulent , eux , consacrer leurs forces à relever le défi , relayant ainsi l' aspiration de nombreux acteurs sociaux . À l' image de la fondation Copernic , qui a engagé une campagne de débats sur des propositions de financement alternatives . Ou de la CGT qui , comme nous le dit son responsable " protection sociale " , Daniel Prada ( voir interview ) , compte bien poser la question : quelle part de la richesse créée entendons -nous collectivement consacrer à la santé ?