_: Le 11 décembre , 17 millions de salariés éliront leurs juges des prud'hommes . Des freins prud'homaux à la précarité Dix pour cent des entreprises de plus de vingt salariés emploient en permanence plus de 20 % de leurs effectifs en contrat à durée déterminée ( CDD ) ou en intérim . C' est le constat qu' officiellement tirait déjà le ministère du Travail lors de la discussion sur la loi Aubry de passage aux 35 heures . Comme le définit , pourtant , le code du travail , le recours à ces emplois temporaires ne devrait être utilisé que pour faire face à un surcroît temporaire d' activité ou au remplacement d' un salarié absent . Les entreprises , et particulièrement les grandes , ne se privent plus aujourd'hui d' abuser , souvent en toute illégalité , de ces contrats précaires . " Un mode devenu permanent de gestion des effectifs , au détriment des salariés concernés qui subissent cette précarité et de la collectivité qui en paie le coût notamment à travers l' indemnisation du chômage " , dénonçait même , à l' époque , le constat ministériel . Les cas d' utilisation massive et structurelle de travail précaire sont devenus légion . Un nouveau plan de réduction d' emplois est annoncé à Canéjan ( Gironde ) par le groupe californien Solectron spécialisé dans la fabrication de cartes électroniques . Sur ce site , 2 500 travailleurs intérimaires environ pour 1 500 titulaires se sont succédé au long de l' année 2000 . Un millier ont été embauchés avant d' être ensuite licenciés par plusieurs plans successifs de suppression de postes . Les conseils de prud'hommes peuvent -ils être utiles aux salariés victimes de travail précaire pour faire respecter la législation en vigueur , limiter les abus , et défendre leur droits ? Oui , répond sans un brin d' hésitation , Sylvain Chadourne . Ouvrier de production dans l' usine Ford de Blanquefort en Gironde , ce délégué syndical CGT dans l' entreprise est conseiller prud'homal pour la section industrie au conseil de Bordeaux , et juge des référés . Les exemples ne manquent pas de requalification en contrats à durée indéterminée de contrats courts ou d' intérim obtenue par les salariés grâce à une décision prud'homale . Il confirme que les abus patronaux les plus fréquemment constatés concernent l' accumulation de CDD successifs pour remplacer un poste permanent d' activité . Viennent ensuite les mentions obligatoires mais absentes des contrats écrits . " Le contrat à durée déterminée , qui doit être transmis au salarié dans les 48 heures , doit impérativement être un contrat écrit , dans le cas contraire il est requalifié en contrat à durée indéterminée " , tient -il à préciser , tout en regrettant que trop peu de travailleurs soient informés de ces dispositions . Un contrat sur lequel aussi doit être noté le nom et la qualification de la personne remplacée , la durée minimum de remplacement , la qualification , la nature de l' emploi . Ne sont là énumérés que quelques-uns des droits qu' un conseil de prud'hommes peut faire respecter . La requalification en contrat à durée indéterminée peut être décidée à l' issue d' un jugement statué au fond dans le délai d' un mois suivant la saisine . Si l' employeur s' oppose à la réintégration , le référé peut être saisi pour ordonner cette réintégration . Sylvain Chadourne cite plusieurs cas récents d' entreprises contraintes , sur décisions prud'homales , d' embaucher définitivement les salariés . Un CDD transformé en CDI , 10 contrats à temps partiel passés à temps complet dans une société bordelaise d' appels téléphoniques . D' autres acquis similaires dans des entreprises de nettoyage . Également à La Poste , devenue grande pourvoyeuse de travail précaire . C' est ainsi que huit jeunes Girondins employés l' été dernier en CDD successifs , d' une journée parfois à une semaine , ont vu leurs contrats jugés illicites par le tribunal et donc requalifiés en contrat à durée indéterminée . Licenciés depuis , le syndicat CGT a introduit un référé pour tenter d' obtenir leurs réintégrations . À Montauban , le référé prud'homal et l' action syndicale conjointe ont imposé à La Poste d' embaucher à temps plein sept facteurs en situation précédemment très précaire et régularisé la situation de sept autres contractuels employés sur d' autres services . Soit quatorze postiers tarn-et-garonnais supplémentaires bénéficiant de CDI et de temps plein . " Les salariés confrontés à ces problèmes doivent s' informer sur leurs droits auprès des conseillers ou des syndicats , encourage Sylvain Chadourne , et , surtout , qu' ils sollicitent des prud'hommes la requalification de leur contrat et la reconnaissance de leurs droits tant qu' ils sont dans l' entreprise . " Des conseils que dispense aussi avec insistance Mireille Poirier . Maître de conférence à l' université Montesquieu Bordeaux-IV , elle dirige l' institut du travail , chargé plus particulièrement de former les conseillers prud'homaux salariés . La réglementation est devenue trop laxiste , estime -t-elle , quant aux recours aux CDD ou autres contrats intérimaires . Le qualificatif " d' exceptionnel " , par exemple , a été supprimé pour caractériser " l' accroissement temporaire d' activité " de l' entreprise . Il en est de même pour le travail à temps partiel , " favorisé par le législateur " , et pour lequel les recours sont très largement autorisés . Avec une réglementation , certes imparfaite , les juges restent cependant " vigilants , voire audacieux pour sanctionner le non-respect des règles " , assure Mireille Poirier . " Ils n' hésitent pas dans certains cas à faire oeuvre imaginative " . Et de citer en exemple la vérification plus stricte des contrats écrits de travail et des mentions qui doivent être obligatoirement précisées . En veillant aussi à la limitation du nombre de CDD successifs imposés à un salarié , ou aux conditions et à l' organisation du travail pour des temps partiels . " Afin d' empêcher le travail au sifflet . "