_: ÉTATS-UNIS . Le lobby des chrétiens sionistes L' emprise de la religion sur la politique La politique américaine , spécialement au Proche-Orient , comme l' illustre le récent " plan Bush " , trouve en partie son origine dans les manoeuvres de groupes de pression religieux . Les États-Unis s' engagent -ils sur la voie de la théocratie ? La question , pour étonnante qu' elle soit , vaut la peine d' être posée , non pas tant parce que le président Bush ne fait pas mystère de sa foi , ni parce que sur chaque dollar est inscrit " En Dieu nous croyons " et que chaque discours politique est ponctué d' un " que Dieu bénisse l' Amérique " . La question vaut la peine d' être posée parce qu' en matière de politique étrangère la rhétorique du président Bush puise de plus en plus dans le registre moral et religieux . Ce qui a valu au monde la condamnation des " États voyous " constituant un " axe du mal " . Le manichéisme affiché et les élans vertueux du chef de la première puissance mondiale pourraient prêter à sourire s' ils ne se traduisaient pas en partie par l' encouragement de facto des tensions politico-religieuses d' un bout à l' autre de la planète . Le chantage fait au peuple palestinien - un État contre la tête d' Arafat - apparaît ainsi comme l' ultime décision " surprise " d' un président sous influence . Les colons israéliens lui en savent gré . De même que la droite ( extrême ) et les nombreux groupes de pression qui , se reconnaissant volontiers dans les termes du débat tels qu' ils sont posés par Bush , défendent une vision apocalyptique de la cause sioniste . Il est à cet égard aisé de désigner exclusivement le " lobby juif " comme la force financière et électorale ayant défendu les intérêts israéliens avec le plus d' insistance . Mais c' est là faire peu de cas de réseaux d' obédience différente , dont on peut néanmoins soupçonner l' influence sur l' administration américaine actuelle . Ainsi , de l' aveu même de Ralph Reed , conseiller politique républicain , si " la communauté juive a joué un grand rôle dans le maintien de la position pro-israélienne du Parti démocrate , les évangélistes ont joué un rôle similaire auprès des républicains " . Et comme le note Randall Balmer , professeur de religion à l' université de Columbia , " les évangélistes se sont montrés à tout le moins très charitables à l' égard d' Israël , car ils croient que les juifs sont le peuple élu " , ce qui fait d' eux les acteurs principaux du scénario eschatologique de la " dispense " ( dispensationalism ) qui , depuis la première moitié du XIXe siècle , a connu un succès grandissant outre-Atlantique . Cette théorie doit son nom au fait que Dieu aurait conçu sa relation avec l' humanité selon trois dispenses : le salut des juifs par leur respect des dix commandements , celui des chrétiens par la venue du Christ et , enfin , le retour du Messie dès lors universellement reconnu . Retour annoncé par le rassemblement préalable ( et c' est en cela que réside la spécificité de cette interprétation chrétienne fondamentaliste ) de la diaspora juive mondiale sur le territoire biblique d' Israël . D' où le soutien immédiat et inconditionnel à la cause sioniste de la part de tous ceux qui , à l' heure actuelle , adhèrent à cette vision et qui se regroupent afin de faire pression sur leurs gouvernants , comme ce fut par exemple le cas en 1980 , avec la création à Jérusalem de l' Ambassade chrétienne internationale ( ACI ) . Au dire de ses responsables , celle -ci aurait vu le jour suite à la mobilisation de quelques centaines de chrétiens du monde entier outrés par la désapprobation internationale suscitée par la désignation de Jérusalem comme capitale éternelle et indivisible de l' État israélien . Cette organisation est très active dans son soutien à la politique expansionniste et coloniale des gouvernements israéliens successifs . A preuve , la mondialisation de sa propagande par des représentants qui seraient présents dans plus de cent pays et par diverses opérations qui vont de la diffusion de bulletins d' information sur la situation des juifs dans le monde à un programme d' aide aux nécessiteux juifs et arabes , en passant par l' aide à l' installation de familles juives originaires de l' ex-Union soviétique . Tout un ensemble d' activités , donc , auxquelles les propos de Malcolm Heading , président de l' ACI , donnent indéniablement un tour politico-mystique : " Israël vient de fêter la 52e année de son accession au rang d' État . Il ne s' agit pas d' un événement politique , ni même laïque , car bel et bien religieux dans le sens où il découle de la parole de Dieu . Nous vivons à une époque féconde de l' avènement biblique , la restauration d' Israël en étant la démonstration la plus remarquable . " Le message est clair et n' est a priori pas très éloigné de celui d' une autre organisation chrétienne sioniste , encore plus puissante que la première et basée quant à elle aux États-Unis . Son nom : la Coalition unitaire nationale pour Israël ( CUNI ) . Elle paraît incontournable sur la scène politique américaine si l' on considère l' influence électorale des 40 millions d' Américains qu' elle prétend représenter dans le cadre d' une alliance entre plus de 200 organisations juives et chrétiennes . Elle aussi s' investit fortement dans la défense des intérêts d' Israël , à qui elle n' adresse pas que des prières puisque son objectif est de soutenir explicitement le cabinet Sharon . D' où la mise en place d' un vaste réseau gérant l' envoi de brochures , la collecte de fonds et le " harcèlement " épistolaire des " faiseurs d' opinion " et des décideurs de la communauté ( inter ) nationale . Dès son entrée en fonctions en janvier 2001 , le président américain reçut les félicitations de la CUNI , qui l' enjoignait à rompre avec la politique menée par Bill Clinton et à ne surtout pas confier au président sortant un rôle quelconque dans la poursuite de la médiation entre Israël et l' OLP . Yasser Arafat était de plus qualifié de " meurtrier sadique " . Et l' organisation de dénoncer l' idée selon laquelle Israël pourrait renoncer à une part de son héritage divin en permettant l' établissement d' un État palestinien , ce que George W. Bush devait à tout prix éviter s' il croyait en Dieu . Depuis janvier 2001 , rien de nouveau sous le soleil , si ce n' est le 11 septembre et l' hallali contre Arafat . L' objectif semble plus que jamais de convaincre la Chambre des représentants et le Sénat américains d' adopter le " projet de loi sur la responsabilité d' Arafat " et le " projet de loi sur les engagements pour la paix au Moyen-Orient " . Deux textes qui , entre autres , prévoient l' amoindrissement de la représentation palestinienne dans les instances internationales , le gel de tous les avoir de l' Autorité palestinienne et la désignation de l' OLP en tant qu' organisation terroriste . Autant de termes d' une pression que l' administration Bush fait plus que subir . Elle la nourrit . Ainsi Bush , président à moitié élu , a le front de dicter la manoeuvre à un peuple souverain en lui désignant le profil obligatoire du dirigeant respectable . Car même si le prosélytisme fondamentaliste des ( télé ) évangélistes reste relativement discret hors des États-Unis , les revendications politiques qui en découlent pèsent lourd dans la balance . George W. Bush est persuadé qu' il ne peut se permettre de faire la sourde oreille aux millions d' électeurs potentiels dont la foi effrénée pourrait dicter le choix des urnes . D' ici à novembre et les élections du " mid term " au Congrès , le religieux pourrait donc cadenasser le politique et produire un pouvoir législatif encore plus zélote .