_: Irak . Femmes entre calvaire et résistances Les femmes écrasées par des coutumes rétrogrades tolérées par l' ancien régime sont les premières victimes de l' occupation et de ses conséquences parmi lesquelles la recrudescence de l' intolérance religieuse . Pour gouverner l' Irak , Saddam Hussein s' est largement appuyé sur la religion et les tribus . Celles -ci ont alors rapidement imposé leurs lois , en lieu et place de celle de la république . Premières victimes de ces micro sociétés conservatrices et religieuses : les femmes . Le Code de la famille , en vigueur jusqu'à la chute du régime , est on ne peut plus explicite . Il stipule que l' homme peut frapper sa femme ou la traiter comme un enfant . La femme ne peut voyager seule . Elle n' a pas le droit de choisir son mari . Le Code pénal , notamment son article 111 rédigé en 1991 , vient accompagner ces mesures . Ainsi , un homme peut tuer son épouse dans le cadre des " crimes d' honneur " , c' est-à-dire s' il estime que le comportement de la femme porte atteinte à son nom et à celui de sa tribu . Le meurtrier , dit le Code pénal , ne sera pas condamné ou sa peine réduite . Leïla Mohammed , une jeune femme partie en exil en 1994 , a créé le 23 juillet dernier , l' Association pour la défense des femmes . " Elles sont les premières victimes de la situation actuelle , de l' occupation , dit -elle . Les kidnappings se multiplient et des crimes d' honneur ont lieu tous les week-ends . " Plus de 400 viols et enlèvements ont été recensés par son organisation . Le 23 août , une manifestation a été organisée dans la capitale irakienne pour protester contre les crimes d' honneur . Une lettre a été envoyée à Paul Bremer , l' administrateur civil américain , " mais celui -ci n' a pas daigné nous répondre " , insiste Leïla Mohammed . Elle s' en prend également au Conseil intérimaire de gouvernement ( CIG ) , coupable , selon elle , " de ne pas s' intéresser à la question " , bien que , comme l' a déclaré Jalal Talabani dans ces colonnes ( voir l' Humanité du 10 novembre ) , le droit des femmes est une des questions prioritaires du CIG . Pour elle , seul un gouvernement laïc est capable " de donner la pleine égalité " aux femmes . Pour cela , il convient de changer le Code de la famille et le Code pénal sur toutes les questions concernant les femmes . Elle sait que le travail sera difficile : " Trente-cinq ans de régime baassiste , de régime fasciste et quinze ans d' embargo ont affecté notre société . Le régime baas a tiré avantage de cette situation en faisant pression sur les gens pour qu' ils se taisent . " Dans le même temps , les islamistes ne restent pas l' arme au pied . Musulmane ou pas , il devient difficile pour une femme de se promener dans les rues de Bagdad sans porter , au minimum , un foulard . Ce n' est pas encore l' Iran , mais les regards , voire les réflexions et les gestes déplacés n' encouragent guère à l' optimisme . Dans le quartier chiite aussi conservateur qu' il est pauvre de Thaoura City rebaptisé Saddam City et maintenant Sadr City ( du nom d' un ayatollah assassiné par le régime baassiste ) , une journaliste qui portait pourtant un foulard , a été caillassée par des enfants ! Et il ne s' agissait pas d' un jeu . Lorsqu' on écoute les religieux , on se dit qu' effectivement , les forces obscurantistes mettent tout leur poids dans la balance . Le cheikh , Maadi Ahmed Saleh , leader de la Ligue suprême des imams sunnites , explique ainsi que " l' islam est une des religions qui s' est intéressée le plus à la situation des femmes dans la société " . Il soutient même que son organisation a créé une commission pour traiter exclusivement de cette question . Par exemple , concernant les crimes d' honneur , l' imam n' y est pas opposé . Seulement , il estime que cela doit se faire dans les règles coraniques , devant un tribunal réuni à cet effet et que quatre témoins sont nécessaires pour juger de la faute ! " L' islam accepte qu' un frère ou un père tue une soeur ou une fille qu' après autorisation du tribunal " . Selon le Coran , l' homme peut avoir plusieurs épouses mais la femme un seul mari " afin que sa beauté soit protégée " . Si égalité il doit y avoir c' est seulement dans " les affaires sociales . Mais dans le droit , ce pas possible " , certifie le cheikh . " La femme est comme un bijou qu' il faut préserver dans son écrin . Nous avons peur pour elle , c' est pour cela que nous la gardons à la maison " . Le droit de la femme pour ce religieux ? " Elle doit préparer les repas pour son mari et élever ses enfants . Le mari doit lui donner ce dont elle a besoin . " On peut être certain que la Ligue suprême des imams sunnites fera tout pour que la Constitution irakienne préserve la loi islamique . La rédaction et donc le contenu de la constitution , représentent un enjeu politique majeur pour les femmes . Hanna Edwar , en charge de l' association Amal , pose la question : " Comment influer sur la nouvelle constitution pour que soient respectés le droit des femmes et celui des enfants ? " Il convient déjà de définir les points essentiels , " enlever tout ce qui humilie les femmes " et imposer , dès à présent , des quotas dans les représentations politiques , du Parlement jusqu'aux comités locaux . En juillet s' est tenue une conférence des femmes irakiennes , à Bagdad , sur la réforme de la législation , la santé , l' éducation et l' économie . À cette occasion , les femmes présentes ont réitéré leur demande d' attribution d' un tiers des sièges aux femmes dans la future assemblée . Pour Hanna Edwar , " il convient également d' encourager les femmes à s' investir , à être active pour construire une nouvelle société " . Elle sait bien que " beaucoup de forces résistent , y compris parmi les femmes . Les partis politiques , essentiellement masculins , ne montrent pas clairement le chemin , y compris le Conseil intérimaire de gouvernement où ne siègent que trois femmes " . Afin d' influencer la société civile et ne pas en rester au stade de l' incantation , l' association Amal organise des stages pour les organisations non gouvernementales qui traitent plus particulièrement des questions de la femme . Hanna Edwar réclame aussi la création d' un Haut conseil pour les femmes .