_: Argentine : les " casseroleurs " s' organisent La population continue à s' insurger contre les plans d' austérité dictés par le Fonds monétaire international . Déjà deux présidents ont dû démissionner . Vendredi dernier , à la nuit tombée , l' Argentine a connu sa troisième grande casserolade en cinq semaines . Les deux premières ont " tombé " deux Présidents . Cette dernière , mobilisant tout le pays ( les principales villes , Rosario , Cordoba , Mar del Plata se joignant à Buenos Aires à " las ocho de la noche " ) , a fait trembler le pouvoir d' Eduardo Duhalde , situation qu' un manifestant résumait en une formule : " La peur a changé de camp . " Les Argentins sont sortis dans la rue après des décennies de quasi-sommeil et ils n' entendent pas ranger les casseroles . La manifestation de ce vendredi soir a rajouté encore à l' inquiétude des dirigeants politiques , car elle a abandonné pour la première fois sa forme spontanée , son caractère d' " auto-convocation " autour d' une seule revendication avec un slogan simple à énoncer mais difficile à cerner dans son expression politique : " Qu' ils s' en aillent tous " . Pour le 25 janvier , les axes de la convocation ont été discutés en assemblées de voisinage . Le dimanche précédent , les différents quartiers de la capitale s' étaient donné rendez -vous dans un parc . Placés devant le manque de coordination et de perspectives , les casseroleurs , plus des représentants des organisations de gauche qui , en la circonstance , se sont pliés aux règles de l' autodiscipline , ont , forts des propositions d' autres assemblées , arrêté la date , l' heure , les revendications essentielles . Puis le bouche à oreille , Internet et les affiches de fortune placardées chez les commerçants ont fait monter la pression , notamment du côté du gouvernement . Cette manifestation -là , quand elle ne demandait pas le départ du président , représentait un risque réel pour lui . Aussi insista -t-il pour que le dispositif policier renforcé empêche tout débordement , tout en évitant une répression qui , rappelant les quelque 30 tués du 20 décembre , pouvait changer la nature des revendications . Les casseroleurs , assimiles aux couches moyennes touchées par l' embargo mis sur leur épargne , ont reçu , vendredi , le renfort de cortèges de retraités manifestant pour le rétablissement des 13 % dont le gouvernement De la Rua a amputé leur pension , de chômeurs exigeant du travail et une indemnité , de familles des quartiers populaires réclamant des colis de nourriture . Dans le même temps les " piqueteros " , des chômeurs organisés en associations , coupent les routes , dressent des barrages tout en préparant leur marche qui , commencée hier dans la soirée dans la grande banlieue de Buenos Aires , doit les mener ce soir place de Mai , final traditionnel des marches de protestation . Les " piqueteros " , qui comptent trois organisations , tentent de se regrouper dans l' action et de se joindre aux casserolades . On se trouve de fait en présence de cette convergence tant redoutée par un pouvoir qui savait contrôler peu ou prou les protestations à travers la CGT , le syndicat péroniste , les membres du Parti justicialiste participant aux barrages de " piqueteros " . Si l' on en doutait , le changement de ton des journaux serait un bon indicateur . De la sympathie forcée qu' ils observaient vis-à-vis des concerts de casseroles dont ils vantaient la spontanéité , certains sont passés aux avertissements sur le risque de chaos , d' anarchie , insistant sur les " incidents " qui ponctuent les manifestations , incidents que les casseroleurs ont décidé de juguler en instaurant leur propre service d' ordre chargé d' isoler les " patotas " , des groupes de petites frappes dont bon nombre gravitent autour de la CGT , officielle ou dissidente mais péroniste . Ils pourraient être tentés de provoquer des heurts susceptibles de décourager les manifestants qui ont fait , du rejet de la violence , qu' elle soit politique , économique ou policière , un credo . La manifestation nationale du 25 , qui s' est déroulée en grande partie sous une pluie battante qui jamais ne découragea les participants , a peut-être marqué un tournant . Une préfiguration d' union dans l' action comme expression de la démocratie directe s' est dessinée . Préconisée par des organisations de gauche - Izquierda Unida , Parti ouvrier , Centrale des travailleurs argentins ( CTA ) - dont certains mots d' ordre ( convocation d' élections pour une Assemblée constituante , non-paiement de la dette ... ) sont repris lors des casserolades , une fragile union se construit . Mais l' échec peut survenir à tout instant , tant les organisation politiques et les institutions sont dépréciées . " Qu' ils s' en aillent tous " , scandent les Argentins las d' avoir payé et de payer encore une politique ultralibérale vantée par ceux qui ont conduit le pays à la faillite . Pour autant , aujourd'hui , ils ne savent pas qui leur substituer . Ni par quoi remplacer le modèle dont les responsables politiques , économiques et syndicaux qui continuent , sourds aux demandes de leurs concitoyens , de se distribuer les rôles , ont été les bénéficiaires .