_: RUSSIE . L' ASSAUT DES FORCES SPECIALES A MIS FIN A LA PRISE D' OTAGES , FAISANT 118 MORTS PARMI LES CIVILS . Fin du premier acte de la tragédie tchétchène Le président russe Vladimir Poutine n' a pas cédé . Il n' a pas retiré ses troupes massées en Tchétchénie depuis octobre 1999 , date de la deuxième guerre dans cette République du Caucase , comme l' exigeait le défunt commando tchétchène . En ordonnant , samedi matin , l' assaut du théâtre moscovite où quelque sept cents personnes étaient retenues , il a mis de manière sanglante un terme à la prise d' otages . Mais il n' a pas mis fin au conflit tchétchène . Selon un dernier bilan provisoire , outre la quarantaine de Tchétchènes , 118 otages ont été tués et plusieurs centaines d' entre eux sont encore hospitalisés , certains dans un état très grave , intoxiqués par le gaz utilisé pendant l' assaut . Malgré ce très lourd bilan , Vladimir Poutine semble sortir victorieux de cette crise . " Le seul fait que la prise d' otages à Moscou soit finie , sera considéré comme un succès " , estime la spécialiste britannique des questions russes Margot Light . Hélène Blanc , chercheuse au Centre national de la recherche scientifique ( CNRS ) , est du même avis . " N' ayant pas cédé aux terroristes , Poutine sort vainqueur du problème actuel sur le court terme . Mais sur le long terme , les choses ne sont pas aussi simples . La guerre s' est enlisée . Les Russes ne savent pas faire la guérilla . Désormais il va falloir trouver une solution politique et diplomatique " , dit -elle . Mais cela est loin d' être acquis , selon elle : " Ce n' est pas dans la culture et les habitudes " soviétiques " des Russes de négocier . Et il ne faut pas oublier les intérêts de Moscou dans la région . Il y a un oléoduc qui passe par la Tchétchénie et tant qu' il y passera , la Russie ne la lâchera . " " Même si il y a cinquante morts de plus que les 67 annoncés , Poutine sera pardonné et l' opération sera considérée comme un triomphe . L' opinion publique lui donnera carte blanche pour donner un tour de vis " , affirmait samedi Alexeï Levinson , un sociologue russe de l' institut de sondages Vtsiom . Que va faire Vladimir Poutine ? Pendant la prise d' otages , il avait annoncé à la télévision qu' il " était prêt à tout contact " avec la partie tchétchène , sans donner plus de précision . Lors de sa dernière allocution , après l' assaut du théâtre , il n' a plus évoqué directement le conflit tchétchène . En affirmant solennellement qu' " on ne mettra pas la Russie à genoux " , il a semblé opter pour un durcissement de sa politique envers la Tchétchénie . De l' avis des experts , les " faucons " du Kremlin sortent renforcés et " l' opération antiterroriste " , dénomination officielle du conflit tchétchène , va encore se durcir tandis que le camp des indépendantistes tchétchènes va , de son côté , se renforcer , voir se radicaliser avec le désir de se venger . " Les commandants qui sont devenus " martyrs " seront remplacés par d' autres et la lutte se poursuivra " , prévenait déjà Movstar Baraïev , le chef des preneurs d' otages , abattu samedi matin . " Ce ne sont pas des terroristes . Je prie Dieu que leur mission réussisse et que la Russie comprenne enfin que la guerre ne peut pas régler le problème tchétchène " , déclarait jeudi à l' AFP Toïta Elmourzaeva , habitante de Groznyï vivant depuis des mois dans un camp de réfugiés en Ingouchie . Ces trois journées d' angoisse vont finalement " profiter aux partisans de la guerre , tant en Russie qu' en Tchétchénie " , souligne Andreï Piontkovski , expert du Centre d' études stratégiques , rappelant que l' histoire du peuple tchétchène s' est bâtie depuis le XVIe siècle sur la résistance à la colonisation par l' Empire russe , bercée au XIXe par les exploits de l' imam Chamil face à l' armée tsariste . " Les exigences des terroristes étaient conformes aux intérêts de la Russie . Et tôt ou tard , il nous faudra partir de Tchétchénie . Mais cela n' arrivera pas avant cinq ou dix ans " , pronostiquait de son côté Pavel Felgenhauer , expert militaire . Une extension des rafles et des exactions sont à craindre . Des blindés des forces russes bloquaient plusieurs camps de réfugiés tchétchènes en Ingouchie , samedi matin . Les blindés ont encerclé les villages de toile de Bella , Alina et Satsita à Sleptsovsk , près de la frontière tchétchène . Des soldats , accompagnés de membres des services spéciaux portant des masques , ont commencé à creuser des tranchées autour des camps . Ils ont refusé d' expliquer la raison de leur opération ou son lien éventuel avec la prise d' otages à Moscou . Contrairement à ce qui a été annoncé par certains médias russes , le chef de l' administration militaire , Sergueï Kizioun , a nié l' existence d' une d' opération militaire particulière en Tchétchénie . Mais dans le même temps , le vice-ministre de l' Intérieur Vladimir Vassiliev a annoncé que la Russie allait apporter des " modifications " à son opération militaire en Tchétchénie : " Le travail des policiers et des soldats va être réorganisé . " " Dés le début , il était clair que quelle que soit l' issue de la prise d' otages , il y aurait un durcissement en Tchétchénie qui nous ramènerait à la situation du début de la guerre " , poursuit le politologue Andreï Piontkovski . " Il va y avoir des mesures politiques et d' ordre militaire dans tout le pays . Le pouvoir va tenter de déraciner l' ennemi d' un seul coup " , prévoit l' expert Alexeï Levinson . Les dispositions , qui interdisent aux médias de donner la parole aux indépendantistes tchétchènes , devraient être appliquées avec encore plus de vigueur . Un durcissement qui devrait rencontrer l' indulgence de la communauté internationale , en particulier les États-Unis . Fortes du soutien international , les autorités russes ont menacé de boycotter le sommet UE-Russie du 11 novembre si le Danemark n' interdit pas la réunion consacrée à la Tchétchénie qui doit avoir lieu aujourd'hui et demain à Copenhague . Ce " congrès " doit rassembler une centaine de responsables tchétchènes , russes , européens et américains . Le Danemark se refuse pour l' instant à toute interdiction . Seule la France a mis un bémol dans le concert de louanges qui a suivi la fin de la prise d' otages en demandant à la Russie de trouver " une solution politique " à la guerre en Tchétchénie .