_: Discrimination . Chaque semaine , une permanence du MRAP recueille des dizaines de témoignages de victimes . Au pays du racisme " ordinaire " C' est l' effet d' un ras le bol , un sentiment d' oppression , d' insécurité qui les amènent à téléphoner , à prendre rendez -vous pour raconter . Eux , ce sont les étrangers mais aussi souvent des Français d' origine étrangère ou Français des DOM-TOM qui se trouvent un jour confrontés à des paroles racistes qu' ils pensaient ne jamais devoir subir . Il est 14 h 20 . Une jeune femme entre dans la salle d' attente . Elle a dix-neuf ans , elle est jeune , jolie , souriante , s' exprime parfaitement bien en français . D' ailleurs elle l' est , française . C' est ici qu' elle est née , qu' elle a appris à marcher , à parler , ici qu' elle a fait toute sa scolarité . Elle est française mais elle est Noire . Leila , la responsable des permanences discrimination , la reçoit . La jeune femme s' assoit et commence à raconter . C' est une histoire banale , une histoire ordinaire . Cela se passe à la mi-juillet à Paris , rue des Pyrénées . La jeune femme attend un bus avec sa fille de un an et ses deux petites soeurs de six et huit ans . Le bus tarde à venir , elle est pressée , elle doit passer chez ses parents raccompagner ces soeurs et confier son enfant pour aller rejoindre son travail . Le bus arrive . Il est a moitié vide , elle se prépare à y monter . Un contrôleur lui dit alors qu' avec une poussette ce n' est pas possible , qu' il faut qu' elle attende le suivant . Elle tente d' expliquer qu' elle est pressée . Le contrôleur ne veut rien entendre et repart au fond du bus . Elle monte quand même . Le bus démarre , le contrôleur revient . S' ensuivront une dispute et un début d' esclandre qui finiront dans un fourgon de police pour une vérification d' identité . Que s' est -il passé réellement ce jour -là ? Selon la jeune femme , rien ne justifiait cet épilogue , à la suite duquel trois témoins viendront spontanément proposer leur soutien , outrés qu' une telle " histoire " puisse ainsi dégénérer . Le lendemain , c' est au commissariat des Orteaux , où elle souhaitait déposer plainte , qu' elle prendra une seconde gifle psychologique , le policier d' accueil la renvoyant à un hypothétique commissariat dans le 12e arrondissement dont il n' a pas l' adresse . " La semaine dernière , j' ai eu le même type de cas , en pire " , raconte Leila du MRAP . " Une femme avec une gamine de trois ans s' est retrouvée menottée dans un commissariat jusqu'à 3 heures du matin , insultée , giflée à deux reprises devant sa fille qui ne cessait de pleurer . " Bénéficiant d' un arrêt de travail , la jeune femme est allée porter plainte à l' IGS et le MRAP s' est constitué partie civile dans cette affaire . Lettres , attestations , témoignages à recueillir , courriers au procureur de la République , recours à un avocat ... Un véritable parcours du combattant pour se faire reconnaître . Il y a le bus , les transports , la rue , l' entrée des boîtes de nuit , les embauches et promotions professionnelles mais surtout le logement . Dans ce domaine , les exemples ne manquent pas . Ainsi , ces deux cadres d' origine maghrébine qui avaient trouvé , par le biais d' une agence , leur futur appartement , avant d' être " recalés " , la veille de la signature du bail . Venus à l' agence immobilière , ils finiront pas entendre ce qu' ils soupçonnaient : " Le propriétaire ne veut pas louer à des Arabes . " Des témoins appuieront leurs versions des faits . Les deux hommes ont perdu la possibilité d' occuper cet appartement mais sont fermement décidés à traîner le propriétaire devant les tribunaux . " Il arrive un moment ou les gens n' en peuvent plus ; alors ils viennent chez nous " , raconte Leila . Des histoires comme celles -ci , il y en a des milliers , donnant suite à des procès ou à un voile de silence . Ainsi ce jeune étudiant passant le concours du Quai d' Orsay qui une fois remis sa copie sera le seul à ne pouvoir quitter la salle d' examen avant la fin de l' épreuve , empêché par le surveillant . Ou bien encore cette femme , seule avec un enfant , qui , au jour de son installation dans son nouvel appartement dans le 16e arrondissement de Paris , s' entendra dire par la concierge : " Comment ! On vous a loué à vous ? D' habitude on ne loue pas à des Arabes ! " Plus grave encore , ce sont souvent des personnels de l' administration , des fonctionnaires ou bien encore des représentants de l' ordre public qui sont aussi mis en cause , les témoignages racontant le mépris , les insultes et autres violations de la loi . Un exemple avec ce Sénégalais d' une quarantaine d' années qui traverse Paris en voiture en pleine nuit . Deux policiers l' arrêtent , lui demandent de descendre de son véhicule . Au lieu d' obtempérer , il commettra " l' erreur " de demander " pourquoi " , déclenchant la fureur de l' un des fonctionnaires . Alors que le contrôle des papiers du véhicule est en cours , que la conversation est plutôt vive , les insultes commencent à pleuvoir sur lui . La voiture est fouillée , ses documents d' identité lui sont rendus , mais dans quel état ... Alors qu' il note l' immatriculation du véhicule de police , les agents reviennent cette fois pour le verbaliser pour abus de klaxon et absence de port de la ceinture . En l' absence de témoins , il paiera donc ses contraventions ... et passera voir le MRAP . Saisir l' IGS ( Inspection générale des services ) serait peine perdue . Mais ne rien faire serait insupportable . C' est par un courrier au procureur de la République que se conclura cette affaire , bientôt classée sans suite . " Etre jeune et d' origine étrangère , c' est difficile à porter , aujourd'hui " , confirme Leila sans s' appesantir sur les administrations où les choses évoluent peu . La cristallisation des discours politiques sur les jeunes des banlieues ou les " clandestins " ne devrait pas arranger les choses . Une femme d' origine africaine se lève et quitte le bureau du MRAP . Un autre rendez -vous a été pris , au cours duquel elle doit revenir avec son témoignage écrit et des courriers des témoins . Aura -t-elle l' énergie de rassembler ces éléments , ou cette première écoute lui suffira -t-elle ?