_: Éducation . Et si la colère revenait par les facs ? Trois semaines après la rentrée , la grogne monte doucement dans les universités . La réforme LMD et la loi sur l' autonomie sont pointées du doigt , par les enseignants comme par les étudiants . État des lieux des sujets qui fâchent . On pensait qu' elle repartirait des écoles et des lycées . Mais la colère du milieu éducatif pourrait bien rejaillir via l' université . Malgré un budget à la hausse ( + 3 % ) , les couloirs des facs bruissent de murmures insatisfaits et les amphis se font lieux de réunions impromptues . Rien de massif ni de très organisé . Trois semaines après la rentrée universitaire , aucun mot d' ordre n' a pour le moment été lancé . Mais un bourdonnement continu se fait entendre , où se glissent pêle-mêle les questions relatives à la mise en place de la réforme LMD ( licence-mastère-doctorat ) ou encore au projet de loi sur l' autonomie des universités . Déjà des collectifs se mettent en place , qui réfléchissent à une éventuelle mobilisation . À la tête des sujets qui fâchent , la réforme LMD taquine les nerfs des étudiants tout autant que ceux des enseignants . Expérimentée depuis l' an dernier dans trois universités ( Lille-II , Artois et Valenciennes ) la réforme visant à l' harmonisation européenne des diplômes entre , cette année , dans sa phase d' accélération . Quinze facs ont à présent basculé dans le nouveau système , une quarantaine devraient le faire dès l' an prochain et la totalité des universités françaises d' ici 2006 . Une transformation de fond , qui se mesure en premier lieu par des bouleversements de forme . Exit le DEUG , la maîtrise et le DESS ( ou DEA ) . L' ensemble est remodelé , pour déboucher sur les nouveaux grades LMD , correspondant respectivement aux niveaux bac + 3 , bac + 5 et bac + 8 . Avec pour objectif de favoriser la mobilité des étudiants entre les quelque quarante pays engagés dans le processus , la mise en ouvre de la réforme n' est pas sans poser de problèmes . " C' est le jeu de l' incertitude maximale " , commente Bernard Lacroix , professeur de sciences politiques à Nanterre et qui participait samedi à un forum réunissant une soixantaine d' enseignants parisiens . Inquiétudes pour le cadre national des diplômes " LMD est une sorte d' appel à l' auto-réforme , où l' on demande aux universitaires de créer de nouveaux diplômes sans qu' aucune visée pédagogique n' ait été définie . " Un procédé d' autant moins apprécié que certaines universités semblent particulièrement pressées d' entrer dans le processus . Ainsi à Paris-VIII ou Paris-XIII . Censées passer sous LMD en 2005 , les deux universités parisiennes ont avancé leur calendrier à la rentrée 2004 . En septembre , les équipes enseignantes apprenaient que les projets de maquettes des nouveaux diplômes devaient être remis d' ici janvier prochain . Elles s' interrogent à présent sur les nécessités d' une telle urgence . Le fond de la réforme inquiète lui aussi , dénoncé comme visant au démantèlement du cadre national des diplômes . " C' est une logique de dénationalisation de l' enseignement supérieur . Les universités sont mises en concurrence , leurs présidents se transforment en patrons . " Côté étudiants , la mise en oeuvre de la réforme ne semble pas plus satisfaire . Mal informés , beaucoup ne perçoivent pas l' intérêt de la transformation . Mais disent en subir les avatars techniques liés à sa mise en oeuvre . " Nous avons appris fin septembre que nos examens auraient lieu en décembre et non pas en janvier , ce qui ne nous laisse qu' une semaine pour réviser " , explique Catherine , étudiante en première année de mastère à Lille-II . " Nous avons 34 heures de cours par semaine , irrationnel pour ceux qui travaillent ; plusieurs matières importantes se chevauchent et ce sera peut-être aussi le cas des examens . " Alors que la réforme permet à chaque étudiant de se façonner un parcours " à la carte " , là aussi , la casse du cadre national inquiète . " Nous passons des diplômes qui ont un même intitulé , mais dont le contenu diffère d' une étudiant à l' autre . " Un Livre noir des universités circule L' UNEF , syndicat étudiant majoritaire dans les conseils , a radicalisé sa position , et exige à présent le retrait de la réforme faute d' avoir obtenu du ministère la mise en place d' un référentiel national des diplômes . Le 10 octobre , il lançait une campagne dénonçant la " fac académie " mise en place par Luc Ferry . Et si cette campagne vilipende la réforme LMD , elle s' attaque également au projet de loi sur l' autonomie des universités . Présenté par le gouvernement au printemps dernier , il avait été reporté de crainte d' étendre aux universités le mouvement de colère qui sévissait dans les établissements scolaires . Mais en septembre dernier , le ministre de l' Éducation et de la de la Recherche annonçait qu' il serait adopté d' ici juin 2004 . Les présidents d' université , réunis en colloque le 9 octobre , réaffirmaient par ailleurs leur empressement à voir le projet aboutir . " Il est inacceptable que de telles réformes soient mises en place sans l' avis des étudiants " , commente Yassir Fichtali , président de l' UNEF , qui prévoit de tenir courant novembre des états généraux rassemblant étudiants , enseignants et intellectuels . Même son de cloche du côté du SNES-Sup , et plus largement des enseignants . Depuis une dizaine de jours , un Livre noir des universités françaises circule sur Internet ( 1 ) www.jussieu-en-lutte.org et dans les départements universitaires . Réalisé par la coordination nationale de la recherche et de l' enseignement supérieur , structure créée en mai dernier , il dénonce une université non démocratique et une " pseudo consultation " lancée par la conférence des présidents d' université . Et s' accompagne d' un appel à ouvrir le débat publiquement , via des assemblées générales dans les facs .