_: Laïcité . Le double jeu de Chirac Mercredi , le chef de l' État a tranché en faveur d' une loi interdisant les signes religieux ostensibles à l' école et réaffirmant le respect du principe de laïcité dans les hôpitaux . Le chef de l' État était attendu sur la laïcité . Deux lois , la création d' un Observatoire de la laïcité , d' un code de la laïcité , et de l' avis de la plupart des observateurs " du grand Chirac " . En trente minutes d' intervention , le président de la République s' est placé dans la lignée des pères fondateurs de la République moderne , insistant sur les " valeurs " de la République , l' apport de la diversité de ses citoyens pour une France " ouverte , accueillante et généreuse " . Un discours qui positionne le chef de l' État comme le garant de l' égalité des chances , et le champion de la " lutte impérieuse " contre toutes les discriminations , la xénophobie , le racisme et l' antisémitisme . En affirmant la nécessité d' une loi - en vigueur pour la rentrée scolaire de l' automne 2004 - contre le port de tenue et de signes religieux " ostensibles " , le président de la République affirme l' école comme un " sanctuaire républicain que nous devons défendre , pour préserver l' égalité devant l' acquisition des valeurs et du savoir , l' égalité entre les filles et les garçons " . Avec cette intervention , Jacques Chirac voulait se présenter comme le président qui aura dépoussiéré et donné un souffle nouveau aux valeurs et aux grandes traditions de la République . De ce point de vue le pari semble réussi . Reste que les actes de son gouvernement sont loin de venir conforter cette vision de la France . En particulier sur les " droits des femmes et de leur égalité véritable avec les hommes " sur lesquels Le chef de l' État a longuement insisté . Il en fait un " combat " qui est " de ceux qui vont dessiner le visage de la France de demain " . " Le degré de civilisation d' une société se mesure d' abord à la place qu' y occupent les femmes " , ajoute -t-il , donnant à son intervention une portée en phase avec les enjeux du XXIe siècle . Une volonté affichée qui se heurte à la réalité . Le total des moyens consacrés au " droits des femmes " est en diminution de 24 % dans le projet de loi de finance 2004 présenté par le gouvernement . Et , comble des combles , l' UMP , le parti du président , a préféré payer 4 millions d' euros d' amendes , plutôt que de respecter le principe de parité lors des élections législatives de 2002 . Dans son discours du 17 décembre , le chef de l' État souligne également que " la République a proclamé avec force sa foi dans l' égalité et elle a bataillé sans relâche pour la justice sociale , avec ces conquêtes historiques que sont l' éducation gratuite et obligatoire , le droit de grève , la liberté syndicale , la Sécurité sociale " . Pourtant , ce sont précisément ces droits que le gouvernement veut démanteler avec la mise en chantier d' un " service minimum garanti " dans le secteur public , " la réforme de l' assurance maladie " , et la décentralisation à la sauce Raffarin . Le reste la déclaration du chef de l' État est à l' avenant . Il assure que la " ligne de front " du combat pour l' égalité " passe désormais dans les quartiers " , sans dire rien de plus en ce qui concerne les moyens et les politiques pour gagner " ce combat " contre " la persistance voire l' aggravation des inégalités " , " ce fossé qui se creuse entre les quartiers difficiles et le reste du pays " . Il encense simplement " les zones franches destinées à ramener l' emploi et l' activité dans les cités " . Une politique mise en oeuvre depuis des années et dont l' échec n' est plus à démontrer . Jacques Chirac assure justement que " la règle , c' est la mixité " mais évite soigneusement de parler de la mixité sociale . Oubliant du même coup l' abrogation de la loi Gayssot , qui imposait à des centaines de communes de construire de l' habitat social . Une loi qui aurait pu concrètement casser les ghettos et transformer le visage de nombreuses écoles . L' écart entre les principes , les valeurs , défendus par le chef de l' État et la politique qu' il soutient , semble prouver que Jacques Chirac préfère prendre une posture plutôt que d' impulser une politique . En baisse dans les sondages , avec pour la première fois un nombre de mécontents ( 47 % ) supérieurs aux opinions favorables ( 45 % ) , Le chef de l' État est dans une situation de faiblesse . Son premier ministre , Jean-Pierre Raffarin , qui aime à se définir comme un " fusible " qui protège le président , semble quelque peu grillé . Le chef du gouvernement ressemble plus à un boulet qui entraîne inexorablement le président de la république dans les profondeurs de l' impopularité . Son implication personnelle sur cette question importante de la laïcité doit lui permettre de reprendre la main . Jacques Chirac veut faire oublier son absence au moment de la tragédie de la canicule et en finir avec ceux qui lui reprochent son manque d' intérêt pour la politique intérieure . Jacques Chirac a choisi d' adopter le rôle du président " père de la nation " . Celui d' un chef de l' État , au-dessus de la mêlée , habité par une vision , guidé par un projet pour la France . Les trois piliers qui , selon lui , soutiennent son action sont " le respect des principes républicains " , " l' exigence de l' unité nationale " et le " rassemblement des Français " . Trois principes affichés qui doivent lui permettre de retrouver son aura de l' après 21 avril . Dans un climat marqué par le jaillissement des questions de l' emploi et du chômage , le président de la République , en se mettant en scène , donne un coup de main à son camp pour " étouffer " le débat économique et social . À trois mois d' échéances électorales , les premières depuis son élection , Jacques Chirac tente surtout de donner nouvelle crédibilité et d' insuffler dans la population une dose de " l' esprit de mai " 2002 . Et de faire d' une pierre trois coups . Retrouver une popularité qui s' effiloche . Empêcher que le scrutin des régionales ne se transforme en une sanction de l' action du gouvernement et de la majorité . Enfin , en désamorçant le dossier explosif du voile , il tente d' enlever au FN un thème de campagne , et limiter le nombre de triangulaires , toujours périlleuses , en mars 2004 .