_: Un an après Une abstention record , pourquoi ? Pour nombre d' abstentionnistes , les hommes politiques ne tiennent pas leurs promesses et voter ne change pas la vie . La preuve par les attentes déçues à gauche . Près de 30 % ( 28 , 4 % ) des électeurs inscrits boudant les urnes le 21 avril : c' est un record pour une élection présidentielle . C' est 5 , 5 % de plus que lors de la précédente élection du même ordre , en 1995 . Cela quand cette élection a connu , depuis la mise en place du scrutin au suffrage universel , des pics de participation à 85 % en 1965 , 84 , 9 % en 1974 , 81 , 7 % en 1981 ... Ce sera l' une des premières interrogations de l' après 21 avril . Pourquoi ? Avant même le premier tour , un sondage CSA pour la Vie apportait quelques réponses quand aux motivations des abstentionnistes eux-mêmes , du moins ceux qui se disaient " pas sûrs d' aller voter au premier tour de la présidentielle " . Pour 45 % d' entre eux , c' était parce " les hommes politiques ne tiennent pas leurs promesses " une fois élus ; pour 25 % , parce que cela n' apporterait pas de changements dans leur vie quotidienne ; pour 16 % , en raison des affaires politico-financières ; pour 15 % , parce que les candidats ne faisaient pas assez de propositions concrètes ; pour 7 % , parce qu' il n' y avait pas assez de différences entre les programmes . Doute sur les hommes politiques eux-mêmes . Doute sur l' efficacité de la politique . Faut -il penser , donc , qu' il existerait un parti , grandissant depuis les années quatre-vingt , des " abstentionnistes " , et qu' il serait devenu , comme on le dit parfois , le premier parti de France ? En réalité , s' il est assez clair , selon toutes les études réalisées depuis ( voir ci-contre l' entretien avec Colette Ysmal ) , que l' abstention correspond à des profils relativement précis en termes d' âge , de catégorie sociale et surtout de rapport à la politique , l' abstention est aussi un phénomène " flottant " . Une étude de l' INSEE de janvier 2003 parle ainsi de votants " intermittents " . En effet , si l' on prend en compte , avec le second tour de l' élection présidentielle , les deux tours des législatives qui ont suivi , près de neuf électeurs sur dix ont participé à au moins un de ces tours , tandis que 47 % seulement ont participé à ces quatre tours . D' une certaine manière , les abstentionnistes , si l' on peut dire , se relaient . Dans le même temps , la même étude le souligne également , ils se recrutent davantage parmi les jeunes , dans les catégories ayant les plus faibles niveaux de diplômes , chez les chômeurs , les salariés précaires . À l' inverse , on vote davantage si l' on travaille dans le public que dans le privé ( + 5 % ) , si l' on est propriétaire plus que locataire , etc. Des données qui se recoupent avec les catégories socioprofessionnelles concernées . Les cadres , d' une manière générale , les professions intellectuelles , les salariés de l' enseignement , de la santé , etc. , votent à 80 % , les ouvriers et employés à 63 % . Autant de données sociologiques sans doute durables et qui renvoient aussi aux profondes modifications et déstructurations du tissu social des dernières décennies . En termes de travail , de malaise dans les villes - et plus précisément les villes de banlieue . Faut -il en rester là ? Bien évidemment non , car l' abstention n' est pas que " sociologique " , elle est aussi profondément politique . Le jugement porté sur les politiques , leurs promesses non tenues et leur incapacité à changer le cours des choses ne peut-être dissocié à la fois de la dispersion des voix du 21 avril , du score de Le Pen ou , d' une autre manière , de ceux de l' extrême gauche , et de ce taux record d' abstention . Ou bien on vote encore en se radicalisant ou en exprimant une exaspération , ou bien on proteste en silence , " avec ses pieds " , sans même le formuler parfois mais en restant chez soi . De ce point de vue , si l' abstention n' a fait que croître au cours des quinze à vingt dernières années , elle est sans aucun doute aussi renforcée , ce 21 avril , par les attentes déçues ... Après une période de réformes d' ordre sociétal , après une mise en place des 35 heures mal vécue par nombre de salariés " au bas de l' échelle " , le gouvernement a clairement signifié qu' il renonçait , fondamentalement , à peser sur le cours des choses . Lionel Jospin le fera lui-même avec les licenciements chez Michelin à l' automne 2000 , deux ans avant la présidentielle : " Le gouvernement ne peut pas tout ... " Les vagues de licenciements , les refus d' augmenter le SMIC et les minima sociaux malgré les demandes insistantes du PCF et aussi des Verts , vont sans aucun doute faire le reste . Sans doute aussi l' absence de véritables débats politiques sur les programmes , en raison du choix des deux principaux candidats de ne pas faire de vraie campagne en se déclarant très tard . Si les hommes politiques ne tiennent pas leurs promesses et que voter ne change pas la vie quotidienne , à quoi bon ?