_: Bioéthique . Le gouvernement dénature la loi votée en janvier dernier à l' occasion de sa lecture au Sénat . Sujet vital , débat minimal Malgré des précautions de langage , le nouveau projet de loi sur la bioéthique et la " biomédecine " ne cache plus les gages donnés à l' OMC . La France s' était dotée , le 23 juin 1994 , d' une loi sur la bioéthique , pour se prémunir contre des recherches pouvant être entachées de dérives contraires à la dignité humaine . Elle y affirmait déjà , par exemple , son rejet du clonage reproductif . Réaliste , le législateur avait rendu sa révision obligatoire au terme de cinq ans , pour tenir compte de l' évolution rapide des recherches en sciences de la vie . Depuis 1998 , cette loi attend son actualisation . Une première étape a enfin été franchie , le 22 janvier 2002 , par l' adoption d' un projet de loi à l' Assemblée qui affirme clairement son opposition " à toute commercialisation du génome humain , patrimoine inaliénable de l' humanité " , obtenue à l' unanimité sur un amendement du député communiste Jean-Claude Lefort . Elle autorisait les recherches sur les embryons surnuméraires , " un amas de cinq à six cellules et non un petit bonhomme " , sur lesquels les parents ont abandonné tout projet , et sur les cellules souches embryonnaires . Elle n' autorisait pas le clonage thérapeutique , c' est-à-dire la création de cellules souches dédiées à la recherche , sur les maladies d' Alzheimer ou de Parkinson par exemple , se réservant la possibilité de revenir sur cette décision à l' avenir s' il s' avérait que cette technique était fiable . Elle étendait le don d' organes entre vivants aux relations extra-familiales , à condition de relation stable et durable . Elle acceptait la conception in vitro après le décès du père , sous réserve d' un accord écrit de son vivant . Aujourd'hui , à la faveur du traumatisme provoqué par les annonces récentes des raéliens , la lecture par le Sénat prend une toute autre dimension . Le clonage reproductif devient un crime " contre l' espèce humaine " , les clonages , à des fins commerciales et industrielles , mais aussi pour la recherche thérapeutique , sont pénalisés . La France calque ainsi sa position sur celle de George W. Bush , qui a interdit le clonage thérapeutique dans les établissements publics . La proposition soulève l' ire de chercheurs et d' élus de la majorité qui voient là l' abandon de recherches sur des cellules aussi peu sujettes à caution que celles du foie , par exemple . La commission des Affaires sociales du Sénat et le gouvernement se sont répartis 140 amendements qui modifient intégralement le texte initial . Aux sénateurs , les restrictions des donneurs vivants d' organe ou la suppression d' implantation d' embryon après le décès du père ; au gouvernement l' interdiction des recherches sur l' embryon , sauf dérogation " lorsqu' elles sont susceptibles de permettre des progrès thérapeutiques majeurs et à la condition de ne pouvoir être poursuivies par une méthode alternative d' efficacité comparable " , au grand dam de l' Académie des sciences et des associations de parents qui ont pourtant très sérieusement étudié le sujet . Au gouvernement aussi , la création d' un mastodonte regroupant , à terme , les neuf agences de santé publique . Sous la seule houlette du ministre de la Santé , l' agence de " biomédecine " sera chargée d' élaborer la réglementation , d' autoriser les recherches , de les contrôler , de gérer les fichiers de donneurs et de receveurs , d' informer le gouvernement . Une structure à la mode américaine donc , qui concentre tous les pouvoirs . Cette création dispense le gouvernement d' une révision périodique de la loi . Ce dernier tente aussi de se prémunir contre des conflits d' intérêts qui ne manqueront pas de se manifester dans le cercle très fermé des spécialistes concernés , laisse un strapontin au sein du conseil d' administration à un ou deux parlementaires , et offre aux associations de parents et de malades un représentant au titre des " personnalités qualifiées " . Celles -ci ne figurent donc pas d' office dans la composition du CA . Pas question , donc , qu' une quelconque démocratie se mêle des débats d' experts . La droite verrouille . Et verrouille d' autant plus qu' elle atteint le comble de l' hypocrisie avec les deux articles consacrés à la brevetabilité du génome . Bien décidée à faire passer dans le droit français la directive européenne qui permet l' appropriation , par une firme , d' un gène humain à des fins de recherche et d' exploitation , elle commence par qualifier d' " invention " ce qui est une découverte et transforme en " médicaments " les préparations de thérapies géniques et cellulaires . Derrière quelques précautions salutaires - " Ne peuvent constituer des inventions brevetables , le corps humain aux différents stades de sa constitution et de son développement , ainsi que la simple découverte d' un de ses éléments , y compris la séquence ou séquence partielle d' un gène " , précise le texte - les deux articles ne sont construits que dans une seule optique : celle de la marchandisation . Le gouvernement , qui a les moyens , avec l' Allemagne , de faire modifier la directive , qui a le droit de s' opposer à sa mise en application grâce au principe de subsidiarité , répond , le petit doigt sur la couture du pantalon , aux injonctions de l' Organisation mondiale du commerce . On avait dit éthique . On n' a plus que " biomédecine " .