_: Mouvement social . Raffarin , tenir mais à quel prix ? " Je les entends , je les écoute " , a assuré le premier ministre , d' abord à LCI , en direct de Matignon pour tenter d' ajouter de la solennité au propos . Cela , bien sûr , à propos des enseignants , à l' issue d' une nouvelle journée de puissante mobilisation et en conclusion du comité interministériel de l' après-midi sur l' éducation . On peut douter que les enseignants le croient . Certes , il assure aussi " être prêt aux gestes significatifs " qu' on lui demande , mais s' il ouvre des discussions avec les syndicats ce n' est pas pour discuter du fond , mais sur les moyens de mettre en oeuvre sa réforme avec notamment la décentralisation à sa manière et le transfert de 150 000 postes d' agents aux collectivités locales sur lesquels il n' entend pas bouger , assure -t-il . Dans ces conditions , le Comité interministériel risque bien d' apparaître comme une diversion , en dépit du ton paterne , d' autres diraient " cauteleux " employé . Certes , il a voulu flatter les enseignants , mais pour leur dire quoi ? Sans compter les menaces finales : il ne tolérera " aucun débordement " , ou encore l' idée susurrée que les enseignants , une fois accompli un certain temps dans l' éducation nationale pourraient faire un autre métier . En même temps , sur la question des retraites , il maintient tout et entend tenir , avec ce qui est sans doute une volonté de faire passer à tout prix ses projets mais qui semble presque devenir un autisme , en rapport avec ce qui se passe dans le pays . À l' Assemblée nationale , du reste , François Fillon a perdu son sang-froid . Répondant à Marie-George Buffet , la secrétaire nationale du PCF , demandant des négociations sur les retraites , le ministre affirmant qu' elle nourrissait " l' extrémisme " , accusait tous ceux qui veulent renégocier d' absence de " sincérité " . Gouverner contre la rue En fait , le gouvernement est devant de sérieuses difficultés . 60 % des Français , indiquait hier un sondage BVA , soutiennent en partie ou tout à fait le mouvement de grève des enseignants . Même difficulté sur la question des retraites . Le gouvernement peut -il feindre d' ignorer longtemps que 65 % des Français soutenaient les manifestations de dimanche et que ce n' est pas contre les réformes mais contre ces réformes -là . On feint toujours de penser , dans l' entourage du premier ministre , qu' il s' agirait de pédagogie . Mais les personnels de l' éducation nationale ont très bien compris qu' il s' agit d' une mise en cause de l' éducation nationale elle-même . D' une part , parce qu' il n' est pas nécessaire d' avoir fait l' ENA pour cela et que partout où de telles réformes ont été menées , elles ont cassé les cohérences des systèmes d' éducation . Opposer public contre privé Ce qui vaut pour la décentralisation vaut aussi pour les retraites . Le gouvernement , là encore , feint de penser qu' il serait le seul à vouloir réellement sauver le système . Mais , d' une part , il ne convainc pas au point que , dimanche soir , François Fillon ait ressenti la navrante obligation d' une diversion , visant à opposer , de la manière la plus simpliste que ce soit , le public et le privé . Il est vrai qu' il peut espérer travailler dans l' opinion les images un peu " populistes " des fonctionnaires qui traînent ici ou là . C' est oublier qu' on ne gouverne pas un pays moderne en flattant ses idées les plus grossières . D' autres , à droite de la droite , le font déjà . Mais surtout , outre la présence du privé dans les manifestations et les mouvements en cours qui s' affirment , l' opinion sent bien qu' il s' agit d' autre chose et que ces réformes , cette réforme , visent à mettre en place un modèle de société dont elle ne veut pas et que fonctionnaires ou privé , quelles que soient certaines différences de traitement , tous sont dans le même bateau . Enfin , l' idée selon laquelle il n' y aurait pas d' autres chemins de la réforme est , elle aussi , battue en brèche . On ne balaye pas aussi facilement que l' a fait François Fillon encore dimanche soir en répondant à Claire Chazal qui posait la question , l' idée de toucher aux revenus financiers . Personne , par ailleurs , n' est dans le tout ou rien sauf peut-être à l' extrême gauche où l' on semble dériver vers un grand soir où il y aurait , selon la LCR , un vainqueur et un vaincu . La CGT est dans l' idée qu' il n' y pas une urgence à quinze jours . Qu' il y a à discuter à nouveau . À gauche , le PCF , par la voix du président de son groupe à l' Assemblée , Alain Bocquet , a porté au ministère de François Fillon des propositions pour réformer autrement les retraites afin de les garantir . Comme une réplique à la rengaine gouvernementale sur l' absence d' alternative . Le Parti communiste a également lancé le 5 juin une rencontre de tous les acteurs sociaux , dont les politiques pour débattre des alternatives . Le PS le fait également , même s' il est permis de penser qu' il aurait pu le faire à la fois plus tôt , et autrement qu' il ne l' a fait . Le gouvernement peut -il alors tenir longtemps en occultant ces réalités tenaces au profit des quelques idées simplistes et réductrices dont il semble , du moins officiellement , vouloir se contenter ? Sans doute joue -t-il la montre , avec l' approche des vacances . Il va continuer à tenter de diviser . Mais les risques pour lui sont considérables dont évidemment celui d' un conflit social majeur . Nul aujourd'hui ne peut dire comment il se conclurait mais on peut penser que le gouvernement porterait , toujours aux yeux de l' opinion , la responsabilité , en ayant choisi le refus de discuter et d' élaborer des solutions avec les acteurs sociaux . Cela pour faire passer , en force , des projets qui , s' ils ne se font pas avec les Français , se feraient contre eux . Et là , comme l' ont remarqué déjà d' autres observateurs , le pacte social minimum une fois brisé , les chocs en retour , même différés , peuvent être très lourds .