_: Euthanasie . Une loi autorisant à donner la mort ? La dramatique disparition de Vincent Humbert a relancé le débat autour de la nécessité , ou non , de légiférer . Vincent Humbert l' avait décidé lui-même : il sera incinéré à Berck-sur-Mer , en milieu de semaine , et une messe sera célébrée à cette occasion . Le jeune homme tétraplégique - qui était dans un coma profond depuis que , mardi dernier , sa mère l' a aidé à mourir , et qui est décédé vendredi après que l' équipe médicale qui l' accompagnait depuis presque trois ans a décidé de ne pas le maintenir dans cet état - avait , selon son père , " orchestré " par écrit le déroulement de ses obsèques , chargeant chacun dans sa famille d' une " mission " particulière . Marie Humbert , remise en liberté sans qu' aucune information judiciaire n' ait été ouverte contre elle après avoir été brièvement placée en garde à vue , était toujours hospitalisée , à sa demande , au centre hospitalier de l' arrondissement de Montreuil ( CHAM ) afin de bénéficier d' un soutien psychologique . Au lendemain de la mort de son fils de vingt-deux ans , Francis Humbert a souhaité qu' un débat soit ouvert et que la France légifère sur " le droit de mourir dans la dignité " . Les questions autour de l' euthanasie , latentes depuis des décennies dans l' Hexagone , ne pouvaient que retrouver vigueur après l' émoi suscité par ce drame . Dès jeudi , François Fillon , ministre des Affaires sociales , a plaidé pour l' ouverture d' un débat " pour modifier notre législation " , ajoutant : " Je ne serais pas choqué que l' on légifère sur cette question . " Le premier ministre , Jean-Pierre Raffarin , s' empressait de contredire son ministre dans le Figaro , affirmant qu' on " ne peut pas légiférer pour des situations si spécifiques " et que " la vie n' appartient pas aux politiques " . Dans le même quotidien , le ministre de la Santé , Jean-François Mattei , invitait à ne pas prendre " de décisions hâtives " : " Si on autorise , même de façon exceptionnelle , on court le risque que cela devienne une habitude . Et une habitude , ça se développe . " L' invitation au silence , " face au drame d' une maman , face au drame d' une famille " , lancée ensuite par Jean-Pierre Raffarin , n' a guère été entendue , sinon appréciée . À gauche , Marie-George Buffet , secrétaire nationale du PCF , et Jean-Marie Le Guen , député socialiste , ont réclamé , chacun de leur côté , la création d' une commission à l' Assemblée nationale , à l' image de ce qui se fait sur la laïcité , pour s' interroger sur la nécessité ou non de légiférer . Et la responsable communiste d' asséner : " La solution n' est en aucun cas dans la négation du problème posé par ce drame . " De fait , l' acte de Marie Humbert bouscule la législation française actuelle . En France , l' euthanasie est strictement interdite et passible de sanctions pénales , même si elle n' est pas reconnue comme une infraction particulière dans les textes . La mère de Vincent , pourrait donc être poursuivie pour tentative d' homicide volontaire ou tentative d' assassinat . Le fait qu' aucune information judiciaire n' ait été ouverte à son encontre est sans doute une manière de suivre la recommandation du garde des Sceaux , Dominique Perben , qui avait demandé de " faire preuve de la plus grande humanité dans l' application de la loi " . C' est , surtout , une preuve supplémentaire de la difficulté d' appliquer , concernant ces affaires dramatiques , un Code pénal français qui ne fait aucun distinguo entre la mort donnée à autrui par compassion et celle préparée et infligée avec de plus sombres intentions . Seules sont différenciées l' euthanasie active , le fait qu' un tiers donne la mort , et l' euthanasie passive , l' arrêt des soins quand la situation du malade est désespérée . Légalement , la première est punissable de vingt de réclusion ou de la perpétuité , tandis que la seconde - assimilée à une " non-assistance à personne en danger " - est passible de cinq ans de prison . Nombre d' exemples récents illustrent la clémence dont les juridictions font preuve dans ce genre de dossier . Ainsi , les deux ans de prison infligés en janvier dernier à un policier qui avait tiré sur sa femme atteinte de la maladie d' Alzheimer , ou la condamnation à un an de sursis en 2001 pour cet époux qui avait tué sa femme atteinte d' une maladie cardiaque grave . Au-delà des moyens , largement insuffisants , donnés aux services de soins palliatifs , de l' aide effective apportée aux familles confrontées à ces situations , le problème de l' euthanasie ne saurait se résoudre à combler un vide juridique . La question interpelle chacun au plus profond de lui-même ; et légiférer , acte global s' il en est , sur des cas qui , chacun , nécessitent un regard singulier , ne saurait se faire sans une réflexion de l' ensemble de la société française . Interrogé sur l' affaire Humbert , le professeur Didier Sicard , président du Comité consultatif national d' éthique , a affirmé : " Nous ne demandons pas qu' on dépénalise l' euthanasie , mais simplement qu' il y ait un acte , un texte de loi qui permette qu' un certain nombre de situations soient assorties d' un arsenal juridique tel que la justice reconnaisse que cet acte est un acte compassionnel et pas un acte criminel . " Il faudrait arriver , a -t-il ajouté , " à ce qu' il n' y ait pas ce blocage absolu , cet affrontement permanent entre droit de mourir dans la dignité et la vie est sacrée " qui condamne à ne rien faire . Appelant à agir avec calme et surtout pas dans la précipitation , il a ajouté : " Il ne faut pas une loi dans les quinze jours . Il faut laisser le temps ... La vie est plus complexe que ce que la loi ou le politique peut dire . "