_: Chasseur de palombes , Philippe Barbedienne refuse la guerre avec les écologistes . Il fut jadis un de ces extrémistes de la chasse qu' il fustige aujourd'hui IL FUT un élève distrait . Je passais mon temps à épier les vols d' oiseaux par la fenêtre de la classe , se souvient aujourd'hui Philippe Barbedienne . Au mois d' octobre , les bancs de l' école lui devenaient un calvaire . Comme beaucoup de garçons de la campagne girondine , le gamin avait contracté la fièvre bleue , cette passion pour la chasse à la palombe , laquelle traverse l' Aquitaine chaque automne , à l' époque de ses vols migrateurs . A 13 ans , l' apprenti chasseur partait avec son père et s' essayait sur quelques grives , alouettes ou vanneaux . A 16 ans , l' âge légal du permis de chasser , il grimpait enfin dans une palombière , à Lerm et Musset , guettant de ce perchoir l' arrivée du pigeon au reflet bleuté . Les années ont passé , rythmées par ce rendez -vous , sans que l' envoûtement ne cesse , à 49 ans . J' ai sacrifié ma vie professionnelle pour rester ici et assouvir ma passion , explique le dévot . Pourtant , lors de la réunion avortée entre chasseurs et écologistes , organisée le 19 décembre 2001 par le ministère de l' environnement , l' homme figurait dans la délégation des protecteurs de la nature . Il n' avait pas de mots assez durs pour qualifier le refus de dialogue des représentants cynégétiques , qui ont quitté d' emblée la table des négociations . Ils pratiquent la désinformation et attisent la colère pour quelques jours de chasse en plus ou en moins , avec des arrière-pensées politiques , estime -t-il . Le pratiquant appartient depuis 1989 à l' Association nationale pour une chasse écologiquement responsable ( Ancer ) , mouvement très minoritaire parmi les 1 , 4 million de porteurs de fusil . Le groupe milite pour la gestion des espèces et un partage harmonieux de la nature avec ses autres usagers . Philippe Barbedienne accepte volontiers de remettre son fusil au râtelier le 31 janvier - une date qui hérisse ses pairs . La chasse à la palombe est sacrée , mais c' est une tradition en octobre seulement , argumente -t-il . Je suis opposé à la prédation en février . A leur retour , les oiseaux sont fatigués et donc fragiles . Il faut les épargner pour qu' ils puissent assurer la reproduction . Cette position et son appel pressant pour une trêve pendant la vague de froid qui a gelé les points d' eau de la région en décembre lui ont valu la marginalité . Je me sens isolé parmi les chasseurs de mon village , c' est sûr , admet l' anticonformiste . Mais l' unanimisme affiché par le monde de la chasse n' est que de façade . Parmi les 60 000 adeptes du département , plusieurs milliers pensent comme moi , mais n' osent pas l' avouer . La chasse est aujourd'hui victime d' un sentiment obsidional . Jadis , Philippe Barbedienne fut un de ces extrémistes qu' il fustige aujourd'hui . En 1969 , il s' était révolté contre la limitation de la chasse à la tourterelle des bois - autre tradition régionale . Le braconnage a continué impunément et l' espèce est aujourd'hui menacée . J' ai compris que les écologistes avaient raison , explique -t-il . sauvegarde des gibiers Le chasseur a également pris conscience , année après année , de la baisse des effectifs de palombes et rejette les études scientifiques qui voudraient démontrer le contraire . Au milieu des années 1970 , j' ai constaté cette évidence , affirme -t-il . Mon père me disait déjà : Tu aurais vu ce qui passait il y a trente ans ! Bien sûr , la chasse n' est pas seule responsable . L' agriculture , en drainant des zones humides pour les transformer en cultures , a réduit l' habitat des oiseaux . Mais le nombre des palombières n' a cessé d' augmenter et la qualité des armes de s' améliorer . L' affrontement entre chasseurs et écologistes semble un non-sens à celui qui revendique les deux étiquettes . C' est une lutte fratricide , car les deux parties ont un intérêt commun : la sauvegarde des gibiers , estime -t-il . La chasse n' avait pas besoin de ce conflit , alors qu' elle est de plus en plus en porte-à-faux avec une société où la vie est sacralisée . Elle risque d' être encore moins bien comprise des autres citoyens .