_: Un Mondial décevant LA FÉDÉRATION internationale de football ( FIFA ) peut remercier le Brésil . En s' offrant un vainqueur millésimé , bardé de décorations , elle s' évite une profonde remise en cause de ses acquis , voire de ses fondements . Bien sûr , la finale Brésil-Allemagne fut d' un honnête niveau footballistique . Evidemment , Ronaldo reste un joueur hors norme , encore capable de marquer huit buts dans la même compétition , malgré un physique alourdi et des opérations chirurgicales en série . Et on peut louer le public coréen ou japonais , enthousiaste , bon enfant , comme la qualité de l' organisation du Mondial , malgré des problèmes récurrents de billetterie . Mais que retiendra -t-on vraiment de cette Coupe du monde , si ce n' est la faillite des équipes présumées favorites , tombées sans gloire dès le tour de chauffe ou lors des premières rencontres à élimination directe ? La France , l' Italie , l' Argentine , le Portugal et l' Angleterre , autant de prestigieuses sélections , aux effectifs somptueux , rentrées bien vite à la maison , sans jamais avoir offert le plaisir que l' on était en droit d' attendre de leurs prestations . Que sont devenues les stars du ballon rond ? Où sont passés Zinedine Zidane , Luis Figo , David Beckham , Ariel Ortega , Gabriele Batistuta , Francesco Totti , Christian Vieri , Michael Owen ? Cette Coupe du monde aura été celle de toutes les déceptions , comme celle de toutes les surprises . Certains y verront l' effet de contrôles antidopage sanguins et urinaires renforcés , qui auraient nivelé les valeurs physiques : pas un footballeur n' a été déclaré positif . L' ancien sélectionneur français Aimé Jacquet préfère parler de cette compétition comme d' " un véritable bain de fraîcheur " . Mais on peut aussi rejoindre l' analyse de l' Allemand Franz Beckenbauer , pour qui " ce Mondial aura été celui de la fatigue " . La FIFA , en octroyant l' organisation de la compétition à la Corée et au Japon , savait parfaitement qu' elle allait fausser les données du jeu . Il devenait impossible , pour cause de mousson asiatique , de respecter le délai de récupération décent dont avaient besoin les joueurs de football européens . Amputée d' une douzaine de jours , la préparation des équipes européennes ne pouvait être efficace . Que penser du périple d' un Zinedine Zidane , vainqueur mercredi 15 mai d' une Ligue des champions à l' issue d' une saison harassante , parti assister dans la foulée à l' accouchement de sa femme , pour prendre deux jours plus tard l' avion à destination du Japon ? On sait ce qu' il advint ensuite du meilleur joueur du monde : une blessure musculaire occasionnée lors d' un amical Corée du Sud-France qu' il n' aurait jamais dû disputer , et les Bleus se retrouvaient orphelins de leur meneur de jeu . Certains observateurs rétorqueront que l' Allemagne et le Brésil avaient autant de raisons que les autres de se plaindre d' un calendrier surchargé . C' est vrai et faux à la fois . Les joueurs de Rudi Völler ont développé un football économe , fait de longues balles envoyées vers l' avant . Ils n' ont dû leur salut qu' au seul talent de leur gardien de but , Oliver Kahn , tandis que la compétition se chargeait de leur réserver un parcours des plus faciles : Arabie saoudite , Cameroun , Eire , Paraguay , Etats-Unis , Corée du Sud . Pas de quoi effrayer une Mannschaft solide , à défaut d' être géniale . Quant au Brésil , dont à peine dix des vingt-trois joueurs évoluent en Europe , il a pu compter sur le talent de ses individualités . Et il est à noter que Rivaldo comme Ronaldo et Ronaldinho ont peu joué cette saison , en accumulant les blessures . Oui , ce Mondial aura été bel et bien celui de la fatigue . Le docteur Jean-Marcel Ferret , médecin des Bleus , s' en est ouvert en écrivant une lettre-brûlot à la commission médicale de la FIFA . Pour lui , il faut d' urgence songer à une harmonisation des calendriers internationaux , si l' on veut éviter le spectre du dopage , et la mise en danger de la santé des joueurs . Plus cyniquement , il ajoute que le spectacle risque aussi d' en pâtir . Tout en assurant que ces explications ne sauraient excuser la débâcle d' une sélection française . Moins de buts qu' en 1998 Voilà bien , en tout cas , un argument qui peut toucher la FIFA . Si la compétition est moins vendeuse , les rentrées d' argent vont s' amenuiser . Quel match aura fait rêver le passionné de football ? La première mi-temps de Brésil- Turquie , peut-être , un Mexique-Italie de belle facture , ou encore l' âpreté d' un Angleterre-Argentine . C' est bien peu , et la Coupe du monde fut extrêmement décevante sur ce point . Les footballeurs ont marqué 2 , 52 buts par match , moins qu' en 1998 ou 1994 . Peu ou pas de spectacle , et le spectateur , a fortiori le téléspectateur , a dû transférer sa passion sur les " petites " équipes , telles que le Sénégal , les Etats-Unis , la Turquie , et bien évidemment la Corée du Sud . Cette émergence de nouvelles sélections peut -elle durer ? Si l' on peut raisonnablement espérer que la Turquie , au jeu bien léché , au championnat relevé , sera encore là en 2006 , au Mondial allemand , on est en droit de nourrir quelques inquiétudes pour les autres équipes , qui ont avant tout profité de la déroute des favoris . Le Sénégal a plu , mais la régularité n' est pas le fort du football africain , en mal de structures . Les Etats-Unis n' auront jamais de tradition en matière de football . Enfin , la Corée du Sud a tout misé sur " sa " compétition . Quatre mois de préparation commando , un entraîneur hollandais de renom , recruté à prix d' or , venu avec cinq assistants , un championnat local réduit à sa plus simple expression ... et un arbitrage favorable , à défaut d' être complaisant . La Corée du Sud a eu de la chance , ce n' est guère contestable , comme la France en avait eu en 1998 , et cela n' excuse en rien les dérapages verbaux de ses malheureux adversaires , l' Espagne et l' Italie . Il faut d' urgence se pencher sur une refonte du système arbitral . Là aussi , la FIFA entretient l' hypocrisie . Si des arbitres , venus de pays mineurs sur la planète football , payés au minimum 16 800 euros pour la durée de la Coupe du monde , sont choisis pour des matchs importants , c' est aussi parce que les voix de ces nations comptent lors des élections à la FIFA . Michel Platini l' a exprimé clairement dans Le Monde : " Si l' on ne prend pas des arbitres africains , vous allez voir les votes qu' ils vont nous faire au congrès . " Tout est dit . Neuf fautes d' arbitrage , ayant influé sur le cours d' un match , ont été recensées dans ce Mondial . C' est trop , et cela peut prêter le flanc à toutes les suspicions . Il serait grand temps , à défaut de l' aide de la vidéo dont aucun décideur ne veut , que l' arbitre de champ soit secondé dans son difficile labeur par de nouveaux assistants , comme le préconise Michel Platini . A chaque compétition , le président de la FIFA , Sepp Blatter , promet de " casser le système " . On sait le résultat de telles promesses . Surtout quand ce même Sepp Blatter assure ensuite que " tout doit être fait pour réduire le nombre de matches " . La FIFA a déjà prévu d' organiser la Coupe des confédérations en juin 2003 ... Règlements de comptes Et puis , il faut bien le reconnaître , si ce Mondial laisse un souvenir mitigé dans la mémoire des observateurs français , c' est aussi en raison de la catastrophique prestation des Bleus . Tout a été écrit sur les explications de ce ratage , y compris de pures spéculations . Des joueurs trop vieux , trop célèbres , trop riches , trop adulés , trop comblés , un sélectionneur , Roger Lemerre , dépassé par ses ouailles , obnubilé par sa paranoïa envers la presse , une Fédération française de football ( FFF ) plus encline à faire fructifier de beaux contrats qu' à taper du poing sur la table , tout cela est sans doute véridique . Cette semaine , les dirigeants de la FFF vont tenter , lors de leur assemblée , de repartir de l' avant , en choisissant probablement un nouveau sélectionneur . La mine grave , ils ne feront sans doute pas l' économie de querelles publiques , voire de règlements de comptes . Mais il ne faudrait pas non plus oublier que , après tout , le football est affaire terriblement humaine et dérisoire . Un simple jeu , somme toute .