_: Le principe de laïcité subit de multiples entorses sur les terrains Les footballeuses de l' AS Minguettes sont la « grande fierté » du club Aux Minguettes , existe depuis cinq ans un club de football féminin . Dans ce quartier de Vénissieux où l' islam peut présenter les aspects les plus divers , taper dans un ballon et porter un short n' est pas forcément une affaire simple pour des jeunes filles ou des jeunes femmes , qu' elles soient ou non de confession musulmane . Elles sont vingt-deux , âgées de 13 à 20 ans , à s' entraîner deux fois par semaine sur l' un des terrains stabilisés de l' AS Minguettes . Ce club , connu pour avoir formé plusieurs footballeurs professionnels , tel Luis Fernandez , véhiculait une réputation désastreuse il y a une dizaine d' années . Entièrement restructuré , il est aujourd'hui montré en exemple , notamment par le ministère des sports , qui soutient en son sein un projet éducatif . La section féminine a été créée il y a cinq ans . « Un groupe de filles a lancé cette idée , un jour , se souvient l' éducateur Patrick Vessella . On croyait que c' était pour rigoler , mais pas du tout . Le lendemain , elles sont toutes venues au siège du club avec les papiers , les certificats médicaux et les chèques pour faire les licences . Elles voulaient tout simplement jouer au foot. » Parmi celles qui ont repris le flambeau , elles sont plusieurs à avoir dû affronter la réticence de leurs parents ou de leurs frères avant de s' inscrire au club . « Moi , mon père ne voulait pas que je joue au foot , raconte Miriam , 16 ans . Je me suis inscrite moi-même au club , alors que mon père était parti pour quelques mois en Algérie . J' ai acheté mes crampons et ma licence avec mon argent à moi , celui que je gagne en gardant des enfants . Lorsque mon père est revenu , il a été mis devant le fait accompli . Il m' a dit : « OK pour cette année , mais tu arrêtes l' an prochain. » Bien sûr , il n' en est pas question . Je vais continuer le foot , juste pour le contrarier . On n' est plus aux temps d' avant. » « UN SPORT DE GARÇON » Cette défiance familiale n' est pas toujours liée à des raisons purement religieuses ou culturelles . « Pour nos parents , le foot , c' est d' abord un sport de garçon . Ils préféraient qu' on reste à la maison ou qu' on fasse de la danse . En plus , on rentre tard le soir après l' entraînement . Et le club continue d' avoir une mauvaise réputation » , explique Najet , 17 ans . Toutes ont conscience , cependant , que leur situation n' est pas la pire . « Des filles qui jouent super bien au foot et qui ne peuvent pas venir au club , il y en a plein dans les cités , constate Sophia , 18 ans . Pourquoi ne viennent -elles pas ? On ne sait pas . Il faudrait connaître leur histoire à chacune. » Ainsi ces trois adolescentes qui ont récemment quitté la section féminine de l' AS Minguettes « sans raison apparente » , d' après Patrick Vessella , mais qui « ont promis de revenir l' an prochain » , quand elles auront , en fait , atteint leur majorité . Le club a également été confronté au cas d' une collégienne de 15 ans qui a demandé à pouvoir jouer en gardant son foulard et avec un bas de survêtement . « Je me suis interrogé sur ce qu' on allait dire autour de nous , poursuit Patrick Vessella . On en a discuté avec les autres filles , qui n' y ont pas vu de problème . J' ai dit à la petite en question qu' elle pouvait garder son foulard aux entraînements , mais qu' elle ne jouerait pas les matches , car , en compétition , tout le monde doit être en short et la tête nue . Elle a accepté , et personne ne m' a fait la moindre remarque. » Ce n' est pas un hasard si ce cas particulier n' a pas dépassé les faubourgs des Minguettes . La section féminine représente , ici , « une grande fierté » , dit un éducateur , « un symbole du concept du « vivre ensemble » » , lance un autre . « On n' a vraiment aucun problème avec les garçons du club . Ils nous taquinent , bien sûr , mais ils nous laissent jouer » , confie Amel , 15 ans . « Tout se passe bien , c' est vrai , confirme Patrick Vessella , même si on doit faire autant de social avec les filles qu' avec les gars . La plupart d' entre elles ont soit des parents séparés , soit des parents âgés , et certaines ont des frères qui sont allés en prison . Sans oublier qu' aux Minguettes , quand tu joues au foot , l' environnement fait que tu n' as pas le droit de te faire bousculer , il faut que tu privilégies ton quartier plus que le jeu . On essaie de lutter contre ça , mais ce n' est pas simple , même avec des filles . Voilà pourquoi notre équipe est plus agressive que la plupart de celles que nous rencontrons . Ce n' est pas forcément un défaut en termes de football , mais c' est mal ressenti à l' extérieur. » Menacée chaque année par les désaffections , la section féminine a doublé ses effectifs cette saison , sans que personne y voie , là non plus , de raison particulière . Les joueuses des Minguettes ne participent toutefois qu' au championnat de football à 7 , où elles ont aligné deux équipes , une en catégorie seniors , une en catégorie 13 - 16 ans . « L' an prochain , on jouera à onze , espèrent -elles à l' unisson . Si on est assez nombreuses. »