L1: en quoi consiste mon travail et comment je le vis ben je suis euh je suis docteur donc et théoriquement je suis euh censé euh soigner des gens qui sont soi-disant malades en fait je me je ce que je fais surtout depuis vingt-cinq ans je me soigne ici moi et ça ça marche pas parfaitement bien parce que je suis un peu souffrant mais ça marche pas trop mal quand même dans le dans l' ensemble je me soigne assez bien en écoutant les malades c' est-à-dire qu' ils me permettent de faire ma psychanalyse tous les jours et puis ils me payent en plus pour ça voilà en gros mon travail c' est ça disons que j' ai une vision assez optimiste des choses et je pense que les que les gens ne sont pas très malades ni pas souvent malades et la plupart du temps je passe mon temps à essayer de leur expliquer qu' ils sont pas malades ou bien qu' il faut qu' ils renoncent à la maladie parce que bon euh parce qu' il doit y avoir d' autres d' autres façons de de s' exprimer l-~ les malades finissent toujours par avoir raison parce que un jour ou l' autre on tombe vraiment malade il paraît même qu' on va tous mourir j' ai j' ai j' ai lu ça il y a pas longtemps je crois qu' on va tous mourir aussi donc les malades un jour ou l' autre ont raison et tombent vraiment malades mais en attendant ce jour-là ils sont surtout malades de de ce qu' ils vivent au quotidien en dehors de en dehors du cabinet et et moi l' essentiel de mon travail c' est de soulager les symptômes qu' ils ont et ça ça peut se faire facilement hein et puis surtout d' essayer de leur expliquer ben qu' il faut qu' ils renoncent à s leur s symptôme si c' est pas pour eux c' est pour me faire plaisir à moi voilà en gros c' est ça mon travail L2: mais c' est quoi ton ta son ta spécialité L1: ma spécialité normalement c' est les c' est les douleurs de l' appareil locomoteur c' est-à-dire ce qui touche les os les articulations les muscles les tendons euh alors on voit oui des des pa-~ des maladies osseuses articulaires ça existe ça existe mais on voit surtout des gens qui ont mal des gens qui souffrent d' histoires de de tendinites des histoires de contractions musculaires des gens qui en ont plein le dos voilà ça c' est ce qu' on voit euh ce qu' on voit tous les jours et ils ont vraiment ils ont vraiment mal mais ils sont pas vraiment malades la plupart du temps ça arrive mais c' est c' est c' est relativement rare voilà alors on leur donne de temps en temps des des médicaments moi je travaille beaucoup avec des petites aiguilles d' acuponcture et puis euh et j' essaie d' écouter et puis euh de temps en temps euh je demande x au patient s de m' arrêter s s' il nt trouve que je parle trop voilà donc je parle beaucoup j' écoute beaucoup enfin j' essaie en gros c' est un peu comme ça L2: comment tu détectes la douleur et comment tu t' y prends L1: la douleur comment je les détecte L2: j' arrive et je je je te dis ben j' ai mal au L1: dos en général je frappe je frappe et je regarde comment tu réagis non je je crois que j' ai quand même très souvent un a priori vis-à-vis des gens euh j' ai pas mais ça je je travaille quand même là-dessus je crois que j' ai pas une une écoute je dirais vierge et neutre au départ très vite j' ai une espèce de de je dirais euh d' intuition qui m' est personnelle et j' ai tout de suite un une i-~ une image que je me fais des du patient de la patiente que j' ai devant moi avec tout de suite quelque chose que je devrais pas avoir c' est de la sympathie ou de l' antipathie hein que je devrais pas avoir mais je l' ai très vite et avec l' envie donc de de soulager ces gens ou de pas les soulager puis ensuite j' essaie un peu de me remettre en dehors de cette antipathie ou de cette sympathie spontanée de me mettre dans un un travail quand même de euh de quelqu' un qui doit soigner et j' essaie de voir comment je peux aborder les gens parce que c' est ils sont tous complètement différents il y en a ben il faut les laisser parler il y en a d' autres il faut les arrêter de suite parce que sinon on est parti pour trois mois de parlotte il y en a qu' il faut brusquer il y en a qu' il faut pas brusquer des fois c' est difficile parce qu' on a nos nos propres désirs de fonctionnement et puis euh il y a le désir de fonctionnement des des patients il faut arriver à faire marcher les deux ensemble c' est pas toujours facile L2: mais comment tu le fais L1: comment je le fais ben là aussi j' ai au un un a priori c' est celui de d-~ dont je parlais tout à l' heure à savoir que les gens souffrent surtout de ce qu' ils ont dans leur vie disons dans leurs emmerdes au quotidien et euh et j' essaie très vite de de rechercher ça de mettre le de mettre le doigt ou le disons ou l' attention euh des gens sur les problèmes qu' ils peuvent avoir et j' essaie de le faire euh pas trop brutalement en essayant de poser des questions en essayant de voir si les gens peuvent le le dire d' eux-mêmes sans que je le demande et puis une fois qu' on est arrivé autour de de de ce genre de choses et c' est en général assez facile parce que les gens sont prêts à parler euh on a l' impression que bien souvent quand ils vont chez le médecin ils commencent par jeter les radios sur la table en disant vous allez comprendre tout de suite ce que j' ai on on te balance des radios sur la table il suffit d' écarter les radios et de dire non non ça ça m' intéresse pas pour l' instant ça m' intéressera mais après et puis de je sais pas demander simplement aux gens d' abord vous êtes qui je vous connais pas moi hein qui vous êtes vous avez quel âge qu' est-ce que vous faites dans la vie euh je sais pas ce qui vous plaît dans la vie qu' est-ce que hein voilà et puis ensuite à ce moment-là les choses arrivent plus facilement bien souvent c' est les patients qui demandent mais vous croyez que les ennuis tout ça ça peut donner des douleurs je dis je sais pas qu' est-ce que vous en pensez voilà et en général ça part comme ça L2: donc c' est quoi le rôle de de la médecine parce que là tu me parles d' un rôle de de psy tu fais plutôt psy psychologue que rhumatologue L1: mais je vois pas moi d' autre façon de faire de la médecine je crois que la médecine ça peut être faire de l' analyse je vois pas qu' est-ce que ça peut-être d' autre moi par exemple pour comme je tousse il faudrait que j' aille voir quelqu' un qui veuille bien m' écouter par exemple mais je peux voir un peu-~ un pneumologue mais un pneumologue qui m' écoute alors ensuite on peut calmer euh les symptômes oui en prenant des médicaments mais mais ça on peut le faire on sait bien le faire et puis aussi il faut pas laisser passer euh des maladies trop graves parce que à force de se rendre malades les gens peuvent se rendre vraiment très très malades et ils peuvent même en mourir hein alors s' ils en meurent à l' âge disons où ils ont décidé de mourir ou à l' âge qui est convenable pour mourir c' est pas gênant hum mais s' ils en meurent s' ils se mettent en danger de mort trop tôt moi ça me choque un peu et j' ai envie de de de de réagir contre ça donc il faut pas laisser passer non plus les maladies graves ça on nous l' apprend très bien ça dans nos dans nos études et la faculté à détecter les maladies graves nous on nous on nous l' apprend très bien on nous apprend que ça malheureusement mais ça on nous l' apprend bien voilà donc ça on sait faire et dès qu' on a un doute dès que j' ai un doute eh ben oui je je je cherche des maladies graves et puis il y en a et les maladies graves on les soigne aussi et m on les soigne aussi on a on a des des des médicaments qui sont efficaces qui sont souvent dangereux mais enfin on les améliore quand même on peut aussi euh jouer sur la maladie je veux dire tout n' est pas dans l' imaginaire ou dans la ou dans la parole hein euh il y a aussi quand même une action réelle sur les corps euh sur les corps qui souffrent voilà L2: et c' est quand qu' il faut aller chez le docteur alors L1: je crois pas que ce soit au docteur à le dire on va voir son médecin quand on en a quand on en a envie je crois que les gens le sentent très bien sauf ceux qui peuvent pas se le payer ou qui ont des problèmes de ce genre-là et encore actuellement ça existe pratiquement plus mais je crois qu' on a qu' on a le sentiment de savoir quand il faut aller voir son médecin euh des fois on attend exprès pour être très malade avant d' aller le voir des fois on va le voir trop tôt pour se rassurer mais c' est à chacun de voir déjà de si on a besoin de se rassurer c' est déjà un symptôme donc il faut aller le voir voilà mais je crois que c' est chacun ça qui voit ça L2: mais en fait ce qu' on vient soigner c' est c' est la L1: tête on peut pas séparer la tête du euh du corps parce que le le le corps il réagit euh aux émotions il réagit vraiment s' il y a si on est nerveux on peut se faire un vrai trou dans l' estomac c' est pas imaginaire même si c' est créé à partir de données émotionnelles ou psychologiques euh ça fait une vraie lésion donc c' est pas dans la tête parce quand on dit aux gens que c' est dans la tête ils pensent que c' est imaginaire ou que c' est pas réel ou que c' est inventé ou que c' est de la folie ou que c' est du cinéma c' est pas du tout c' est du c' est du c' est du réel mais c' est du réel qui vient de de simplement d' une idée de rien du tout de matériel voilà ah on est des machines intéressantes hein on fait de de la matière à partir de rien voilà à partir des idées L2: toi tu tu soignes L1: quoi le mal au dos les gens qui ont mal aux articulations qui peuvent pas marcher qui sont les gens qui sont qui sont limités en fin de compte je dirais dans leur euh dans leur auto-~ dans leur expression corporelle dans leur autonomie corporelle ils sont euh voilà ils peuvent pas marcher longtemps ils peuvent plus courir ils peuvent plus faire de la montagne ils peuvent voilà ils peuvent plus soulever les poids ils sont euh ils se sentent en fin de compte un peu euh paralysés je dirais j' ai l' impression d' avoir à faire à des gens qui ont un frein à main et moi mon travail c' est d' essayer de déserrer le frein à main L2: hum hum et qu' est-ce que l' acuponcture t' a apporté de plus dans L1: ah le le le plaisir de mettre des aiguilles d' abord avec un nom comme le mien c' était complètement inévitable je rappelle je m' appelle NNAAMMEE et puis ensuite euh c' est un un moyen d' entrer en contact un peu pervers un peu un peu agressif pas très pas très agressif mais d' entrer en contact physique avec les gens direct hein c' est important aussi de les toucher de les euh euh de voir leur corps de les toucher de les palper de mettre quelque chose dessus pas simplement de donner quelque chose qui vienne de l' extérieur pas simplement de donner non plus que de la parole mais de d' avoir aussi un contact réel avec les gens en plus c' est une technique qui euh qui marche bien depuis quelques milliers d' années et qui continue à bien marcher je vois pas pourquoi je l' enlèverai de ma boîte à outils hein moi c' est a-~ c' est pas le seul outil dont je me serve mais c' est un c' est un outil intéressant ça permet a-~ en plus de voir euh de voir les gens de façon plus euh ben plus globale comme disent les gens qui font des médecines de ce type-là c' est-à-dire que on euh on va demander aux gens je sais pas moi s' ils sont gais ou s' ils sont tristes s' ils préfèrent se coucher tard le soir ou se lever tôt le matin euh s' il s s' il y a des saisons qu' ils aiment bien ou qu' ils n' aiment pas je trouve c' est des des choses intéressantes et puis en acuponcture nos nos nos traitements changent en fonction des saisons ça je trouve ça euh fantastique de de euh de regarder au moment des changements de saisons de attendre que le temps change et de regarder le disons de avant de me mettre au travail de regarder s' il fait beau ou s' il fait ou s' il fait pas beau je trouve ça me ça me met un peu en contact avec euh avec l' extérieur ça m' enferme pas dans une technique un peu isolée du monde parce que rien n' est n' est isolé tout marche avec avec le reste hein L2: et comment je enfin explique-moi cette histoire de regarder le temps euh L1: eh bien par exemple il y a pas longtemps on est entré en hiver là on est donc fin novembre pour nous on est déjà en hiver voilà et donc je sais à peu près en fonction des des de dates théoriques qui tiennent compte de des rythmes voilà c' est un peu compliqué mais c' est à la fois très simple des des rythmes donc euh solaires mais aussi lunaires ça rien de compliqué hein c' est pas du tout mystérieux c' est c' est c' est aussi bête que de dire que le le printemps commence le vingt-et-un septembre c' est aussi un rythme solaire hein voilà euh donc je sais qu' à quelques jours près je j' attends le changement de saison pour voir si je change certains des points d' acuponcture dans le dans certains traitements eh bien euh comme le temps ne change pas au même jour et à la même heure dans toutes les zones tempérées de l' univers ou du moins de notre planète eh bien je regarde ici là Pau si euh si ce jour-là si le temps change si le si les nuages ils disparaissent ou si la température baisse brutalement ou non ou si au contraire si elle monte ou si le vent s' arrête et caetera hein avant les acuponcteurs par exemple regardaient euh à l' extérieur pour voir si le printemps était arrivé ils disaient que le printemps était arrivé le jour où les lapins sortaient de leur terrier je trouve que c' est bien pour un médecin de regarder si les lapins sortent de leur terrier je trouve que c' est important c' est au moins aussi important que de faire une prise de sang et de regarder ce qu' il y a dedans voilà L2: ça change quoi dans dans la médecine L1: ben ça change le fait que par exemple une semaine avant une semaine après le patient il est pas le même d' abord il a vieilli et puis tous nos organes ne marchent pas au même rythme tout le long de l' année hein quand il fait froid on a besoin d' avoir un un radiateur intérieur qui marche quand il fait chaud on n' en a plus besoin donc nos organes ne marchent pas tout le temps pareil tandis qu' en médecine on a décidé en médecine occidentale on a décidé une fois pour toutes que tout le monde était pareil que tout le monde fonctionnait de la même façon que tout le monde avait le même taux de de tel ou tel produit dans le sang toute l' année tout le temps à toutes les heures du jour et de la nuit et puis ça on on sait même dans notre médecine occidentale que c' est pas vrai en plus voilà voilà mais on n' en tient pas tellement compte on a une vision très je vais dire immobiliste hein comme si on avait pris les gens à un moment donné si on les congelait dans une préparation puis là on les examine et on dit voilà c' est comme ça que ça doit être et tout le monde doit être comme ça ben non tout le monde n' est pas comme ça tout le monde n' est pas pareil au même moment ni à tous les temps de sa vie L2: et en fonction de cha-~ de ça tu changes les aiguilles L1: les oui oui mais même en fonction des des symptômes je veux dire ce que je dis souvent par exemple on on traite pas de la même façon une colère chez un coléreux une colère chez un calme alors que en médecine il y a des médicaments on va donner le s même s médicament aux deux pour moi ça pas la même signification L2: parce que ça ça fonctionne comment les aiguilles ça ça quel effet où tu tu dois aller comment déjà comment tu L1: attends tu t' imagines pas que je vais te dire tous mes secrets non mais tu rêves ou quoi non il y a d-~ non non il y a des les points ont été répertoriés depuis très longtemps et de façon un peu mystérieuse parce que euh les points d' acuponcture ont euh des propriétés électriques bien réelles c' est-à-dire ils existent physiquement L2: sais L1: or les chinois ne connaissaient pas l' électricité ni ils avaient donc pas les moyens qu' on a aujourd' hui de les détecter avec un petit galvanomètre ou un appareil de type pont de Wheatstone on peut les détecter facilement et ils ont ils ont ils ont le le courant passe à certains endroits qui sont les points d' acuponcture et pas ailleurs quand on règle un stimulateur de façon un peu précise donc ils les ont trouvés on sait pas comment peut-être qu' ils avaient des capacités de perception qu' on n' a plus voilà et puis ben les points d' acuponcture ce sont des sortes de robinets en fin de compte qu' on ouvre ou qu' on ferme ou sur lesquels on apporte ou on enlève quelque chose en fonction des des besoins qu' on a cru détecter chez les gens après un interrogatoire après un examen qui est un examen comme un examen clinique normal hein voilà et en fonction de ça donc on essaie de rééquilibrer une balance ou d' ouvrir des vannes ou des ou des écluses pour essayer de rétablir une circulation mais c' est comme en médecine comme quand on écoute ou quand on fait parler les gens nous ce qu' on fait on ouvre des portes là je dis que j' ouvre des robinets ou des vannes c' est vrai hein on ouvre des portes mais si euh si le patient veut pas passer ou s' il veut pas disons euh euh s' il veut pas laisser s' écouler le liquide par le robinet qu' on a ouvert il peut aussi hein il est pas il a toujours la possibilité de résister au traitement de pas guérir voilà il peut aussi nous faire le plaisir de guérir avant que notre traitement ait pu faire de l' effet ça arrive aussi hein c' est ce qu' on appelle l' effet placebo mais ça on le voit tous les jours aussi avec les médicaments hein je crois que les c' est c' est vraiment un espèce de de de jeu qu' on joue entre euh les patients et nous et puis le milieu extérieur sur lequel on n' a pas trop de prise moi vraiment mon travail c' est d' essayer de convaincre les gens de qui bah après tout que que c' est intéressant de de de guérir quoi malgré le plaisir que j' ai à les voir ici en consultation et même si eux ont du plaisir à venir me voir il y a peut-être des des des plaisirs plus euh plus intéressants à l' extérieur quoi